LA PAPESSE, Atout II (accès libre)
- Hem Elbée
- 1 janv. 2025
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 mars

Une bonne part de la présentation de LA PAPESSE a été abordée dans la catégorie : les énigmes du Tarot. Ce post doit donc être complétée par la lecture du post qui lui a été consacré : ici et, pour ceux qui ont pas pris d'abonnement, là.
LES CARACTÉRISTIQUES DE LA PAPESSE
LA DÉSIGNATION de LA PAPESSE place d'emblée le Tarot dans une posture très iconoclaste au regard des hiérarchies religieuses de l'Église de Rome qui ne contient que des hommes : il n'y a pas de prêtresses depuis l'Antiquité, et encore moins de papesse.
LA PAPESSE présente la femme qui, au sein du Tarot, est la plus recouverte de vêtements et elle porte une coiffe accompagnée d'un voile.

Sur les genoux de LA PAPESSE, un livre ouvert.
Derrière LA PAPESSE, une sorte de drap, de tissu, s'enroule sur lui-même comme s'il était aussi un grand parchemin.
Sur la coiffe de LA PAPESSE, trois couronnes et des sortes de cornes.
Sur le ventre de LA PAPESSE, deux bandes croisées.
LA PAPESSE appartient à la première Main du Tarot et démarre la Verticale des II.
L'Atout complémentaire de LA PAPESSE est LE SOLEIL, elle appartient à la Croix de Complémentaires où sont en jeu aussi, L'ÉTOILE et L'EMPEREUR.
RENOUER AVEC LEURS PRÊTRESSES ET LE FÉMININ SACRÉ

LA PAPESSE fait suite au BATELEUR.
D'emblée, cette place dans le Tarot, questionne : LA PAPESSE est placée bien avant LE PAPE qui est, en revanche, l'Atout le plus puissant de la première Main du Tarot.
Le simple fait de son existence dans le Tarot fait de cette femme un équivalent féminin du PAPE, ce qui situe le Tarot à distance de la représentation très patriarcale du pouvoir religieux tel qu'il existe depuis toujours dans l'Église de Rome : le Tarot rappelle qu'il y a une dimension du sacré qui appartient aux femmes et qui n'appartient même qu'à elles. Les créateurs du Tarot ont donc donné un rôle sacerdotal suprême, à une femme. LA PAPESSE représente, comme c'est le cas pour LE PAPE au regard des prêtres, la prêtresse la plus élevée dans la hiérarchie du clergé féminin.
Il y avait bien une légende qui avait cours au Moyen Âge déjà à propos d'une papesse du nom de Jeanne et qui aurait accédé à la dignité de pape en se faisant passer pour un homme. Mais ce n'est qu'une légende dont aucun historien n'a jamais pu prouver l'existence. En outre, croire que le Tarot fait référence à cette légende serait une erreur : la papesse Jeanne, si tant est qu'elle ait existé, était un travesti qui dirigeait le clergé masculin, et non cette première des prêtresses que représente LA PAPESSE dans le Tarot.
LA PAPESSE et LE PAPE encadrent le couple impérial ce qui signifie que LA PAPESSE est probablement la directrice de conscience de L'IMPÉRATRICE, comme LE PAPE est le directeur de conscience de L'EMPEREUR.
Nous avons-là, une des plus importantes clés qui peuvent conduire l'humanité à la réalisation suprême que représente le MONDE, c'est-à-dire à l'Unité finale : le Tarot affirme que l'humanité doit retrouver le Féminin sacré.
Si l'humanité reste déséquilibrée, en matière de sacralité, en seule faveur des figures masculines, elle ne peut pas s'accomplir dans le sens de l'unité que symbolise l'Atout XXI.
Avant de parvenir à l'Unité que symbolise le I, il faut en effet commencer par reconnaître la dualité dont est faite notre réalité. Et c'est précisément pourquoi le Tarot inaugure cette dualité en matière de sacralité par le personnage qui fut littéralement gommé par la religiosité monothéiste et patriarcale : la grande sacrificatrice, la Femme qui était à la tête des prêtresses, LA PAPESSE.
LA PAPESSE OU LA GRANDE PRÊTRESSE ?

Lorsque Court de Gébelin découvrit le Tarot de Marseille et la puissance de ses représentations symboliques, il fut rapidement persuadé que ce nom de « PAPESSE » avait pour origine la maladresse ou l'esprit malin de cartiers allemands qui se seraient en quelque sorte moqués du Pape en lui attribuant une compagne.
Le jeu de Tarot dont il reconnut l'importance symbolique et dont il fut le grand promoteur au XVIIIe siècle devait donc être, selon lui, "corrigé" de ses erreurs, expurgé de ce mauvais esprit protestant ou de l'ignorance des cartiers.
L'une de ses rectifications a consisté à rebaptiser l'Atout II de "LA PAPESSE" en "LA GRANDE PRÊTRESSE" au sein de la présentation qu'il fit de l'Atout II dans Le Monde primitif. En référence aux prêtresses égyptiennes, il la présente comme le complément féminin du GRAND-PRÊTRE autrement du PAPE rebaptisé lui aussi par par la même occasion :
Le N° V. représente le CHEF des Hiérophantes ou le GRAND-PRÊTRE : le N° II. la GRANDE-PRÊTRESSE ou sa femme : On sait que chez les Égyptiens , les Chefs du Sacerdoce étaient mariés. Si ces Cartes étaient de l’invention des Modernes, on n’y verrait point de Grande-Prêtresse, bien moins encore sous le nom de PAPESSE, comme les Cartiers allemands ont nommé celle-ci ridiculement. / La Grande-Prêtresse est assise dans un fauteuil : elle est en habit long avec une espèce de voile derrière la tête qui vient croiser sur l’estomac : elle a une double couronne avec deux cornes comme en avait Isis : elle tient un Livre ouvert sur ses genoux ; deux écharpes garnies de croix se croisent sur sa poitrine et y forment un X. (...)"
Pour ceux qui s'interrogent sur le sens de cette référence à la nationalité allemande des cartiers du Jeu de Tarot que fait Court de Gébelin, rappelons en effet qu'après avoir émigré de l'Italie de la Renaissance à la France de François 1er, le Tarot a poursuivi sa route et voyagé en Europe occidentale.
Au fil des deux siècles qui nous ramènent de sa création à Milan à sa découverte en France par Court de Gébelin, les joueurs français s'en étaient apparemment lassés, tandis qu'en Allemagne, au contraire, la mode du tarot s'était répandue, avant de revenir finalement en France où il faisait figure de nouveauté dans le salon de Mme D'Helvétius quand Court de Gébelin, qui y avait ses habitudes, redécouvrit ce jeu qui le surprit par sa richesse symbolique.
Le Tarot avait donc été transmis décennie après décennie par des joueurs français d'abord puis européens qui ne se souciaient pas de significations symboliques qui, au contraire, sautèrent aux yeux de Court de Gébelin. Ce dernier, passionné par la question, se persuade immédiatement que le savoir symbolique qu'il avait sous les yeux dans les Cartes du Tarot ne pouvait remonter qu'à l'Égypte antique. C'est ce qu'attestait à ses yeux la présence de cette grande prêtresse qu'il reconnaît en l'Atout II.
Dans la description que Court de Gébelin fit de l'iconographie du second Atout, tout comme dans sa présentation dessinée au sein des planches qui illustrent Le Monde primitif, il accentua certains des traits de LA PAPESSE pour les faire coïncider avec son interprétation. Les deux cornes qu'il tire des couronnes de LA PAPESSE deviennent ainsi une esquisse de la coiffe d'Isis que Pamela Colman Smith, la dessinatrice du Rider Tarot, va rendre plus explicite encore.

Court de Gébelin est loin d'être le seul, en effet, à avoir procédé à des modifications du Tarot originel, en cherchant à corriger de soi-disant erreurs de cartiers insuffisamment formés au savoir historique et symbolique. Des transformations, déformations et permutations de Cartes se retrouvent dans toutes les recréations du Tarot qui se sont multiplié depuis la découverte du Tarot par Court de Gébelin, et y compris de nos jours où le Tarot ne cesse de se renouveler, en particulier, dans les pays anglo-saxons.
Persuadés comme l'était Court de Gébelin lui-même qu'il fallait revenir à un Tarot égyptien originel, les deux créateurs du Rider que furent Arthur E. Waite et Pamela Colman Smith ont repris à ce dernier la redésignation de LA PAPESSE. Elle est devenue en langue anglaise " THE HIGH PRIESTESS". Les modifications de l'iconographie furent bien plus importantes que ce qu'avait initié Court de Gébelin en revanche : débarrassant la coiffe de LA PAPESSE de sa triple couronne de LA PAPESSE le Rider la remplaça par la coiffe hathorique d'Isis où le cercle solaire est entouré des cornes de la Vache divine.
Cette coiffe que portait l'Isis de l'Antiquité tardive manifestait l'intégration, dans la Déesse Isis, devenue Mère divine unique, du symbole de la déesse Hathor, Mère nourricière du monde, et dont la Vache était l'une des expressions divine
LA PAPESSE EST LA GRANDE MÈRE, INCARNATION SACERDOTALE DE LA MÈRE DIVINE
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