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- RÉSOUDRE L'ÉNIGME DU "H" DE L'HERMITE ET DÉCOUVRIR L'HERMÉTISME (accès libre)
LA DÉSIGNATION DE L'HERMITE OUVRE LE LIVRE EN IMAGE QU'EST LE TAROT DE MARSEILLE ET RÉVÈLE LA DOCTRINE QU'IL TRANSMET Pourquoi la désignation de L'HERMITE comporte-t-elle un "H" ? Clairement le cartier qui a dénommé l'Atout VIIII avait accès à la signification secrète du Tarot dit de Marseille, Tarot en réalité créé à Milan, à la Cour du Duc Ludovic Sforza, où des penseurs et artistes remarquables avaient séjourné parmi lesquels Léonard de Vinci, Luca Pacioli et Botticelli. Car le H renvoie à la doctrine hermétiste qui avait déferlé sur l'élite italienne depuis de Marsile Ficin avait traduit le Corpus Hermeticum arrivé de Constantinople. Ne pas connaître cette doctrine hermétique et la façon dont s'en EST emparé l'Italie de la Renaissance où le Tarot de Marseille fut créé, rend impossible de comprendre ce que représente véritablement le Tarot dit de Marseille. C'est en effet ni plus ni moins que la représentation du réel, de la divinité, des rapports entre le Ciel et la Terre et le rôle de l'humanité que présente le Tarot. Résoudre l'énigme que représente l'adjonction de l'initiale H dans la désignation de L'HERMITE nous conduit à résoudre l'énigme qu'est le Tarot tout entier : ce H signale tout simplement que la doctrine qui a fait naître le Tarot et qui était propre à l'ensemble de l'élite de la Renaissance n'est autre que l'hermétisme. La désignation en langue française de L'HERMITE n'a pas, en effet, ajouté un "H" au hasard. Et il ne s'agit pas non plus d'une coquille. C'est un indice laissé par les créateurs du Tarot ou par quelque Cartier initié à sa signification profonde et qui permet d'ouvrir le Livre en image qu'est le Tarot de Marseille. La première clé dont il a été parlé sur ce blog, et qui révèle l'Organisation holistique du Tarot de Marseille, c'est la distribution des Cartes cinq par cinq . Cette clé permet de disposer les Cartes de manière à ce qu'elles se mettent à parler autrement que par leurs iconographies : leur place joue un rôle essentiel dans la présentation que fait le Tarot de sa vision du monde. La seconde clé réside dans cet indice laissé par les créateurs du Tarot ou par les cartiers des origines, c'est ce "H" qui transforme l'ermite en Hermite, c'est-à-dire en hermétiste : celui qui connaît et enseigne l'hermétisme . L'HERMITE du Tarot Enchanté d'Amy Zerner Loin d'être un ermite solitaire, comme on l'entend si souvent, l'Atout VIIII, veille à rester en lien avec le reste de l'humanité. Les connaissances qui sont les siennes pourraient l'isoler, d'où l'idée qui n'est pas totalement exclue de l'image que L'HERMITE est aussi un ermite dans le sens où son savoir l'isole tant que l'humanité reste endormie. Mais veut éveiller le reste de l'humanité à la sagesse qu'il a acquise. Ce qu'il éclaire donc, c'est le chemin à parcourir jusqu'à lui. Il est un guide plus qu'un ermite solitaire. Tel est le sens de la petite lumière placée haut pour éclairer ceux qui le suivent sur le chemin de la vérité. L'Hermite est celui qui a accès à la gnose hermétiste et qui attend le bon moment pour la diffuser dans le monde. En attendant, il l'a inscrite dans le Tarot. L'Hermite est assimilable au Créateur du Tarot. Comme L'HERMITE cache son savoir sous sa houppelande tant que celui-ci ne peut être accueilli par l'humanité, le créateur du Tarot a adopté un déguisement pour transmettre ses connaissances. Mais ce n'est pas dans un esprit élitiste qu'il le fait, contrairement à ce que les occultistes et taromanciens affirment souvent. Il n'a pas l'intention de réserver la transmission de son savoir à quelques rares disciples. Sa posture n'est pas celle d'un gnostique, mais celle d'un hermétiste. Il attend simplement son heure. D'où la patience qui, à juste titre, est souvent est liée à l'Atout VIIII. Si la transmission du savoir hermétique par le Tarot a pris la forme d'un jeu innocent pour traverser les temps jusqu'à ce que l'humanité soit prête à le recevoir, ce n'est pas par amour des énigmes et par élitisme. S'il a revêtu une telle apparence, celle, anodine, d'un jeu de Cartes, c'est parce qu'à l'époque où le Tarot fut créé, il ne pouvait pas être encore question de diffuser largement une telle doctrine. Il aurait aimé le faire, mais il ne le pouvait pas. Giordano Bruno, brûlé vif pour avoir exposé son adhésion à l'hermétisme L'inquisition sévissait. Elle brûlait des manuscrits et emprisonnait leurs auteurs comme en allait en faire tristement l'expérience Galilée un siècle plus tard, elle torturait ceux qui les avaient écrits ou traduits, comme en fit l'amère expérience Marsile Ficin qui avait traduit le Corpus Hermeticum et les oeuvres de Platon, et qui avait aussi écrit d'importants ouvrages de diffusion de la pensée hermétique. Parfois même l'Inquisition finissait par immoler ceux qui s'obstinait comme elle le allait le faire, en 1600, avec Giordano Bruno. Mais quelle était donc cette doctrine hermétiste qui faisait tellement prendre de risque à ceux qui voulaient pourtant la rendre accessible à tous ? UN PEU D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE : L'HERMÉTISME ALEXANDRIN L'hermétisme reste une doctrine peu connue du public bien qu'elle sans cesse utilisée en référence de manière nébuleuse par les discours ésotériques. D'où la nécessité pour ce blog de vous en présenter l'essentiel : elle est le fondement théorique qui a fait naître le Tarot de Marseille. Le phare d'Alexandrie, 7e Merveille du monde perdue, symbole de la lumière qu'apporta la ville sur le monde. C'est une théorie du réel qui se trouve à la frontière de la philosophie et de la spiritualité. Elle est l'une des deux grandes Traditions ésotérique d'Occident qui se sont, toutes deux épanouies dans la ville d'Alexandrie au commencement de notre ère. Ces deux Tradition vont particulièrement s'épanouir à la fin de l'Antiquité, après l'époque de l'Antiquité qu'on appelle "hellénistique" et qui s'achève à la Bataille d'Actium où Cléopâtre fut défaite en 31 av. J-C.. À ce moment, la ville d'Alexandrie était un carrefour culturel où se mêlaient Égyptiens, Grecs et Juifs. La ville d'Alexandrie connaît alors une intense effervescence intellectuelle, philosophique et spirituelle. C'est le fameux alexandrinisme : le développement néoplatonicien de la pensée antique, à la frontière des trois cultures, qui se développe pendant les premiers siècles de notre ère et qui mêle la magie et la métaphysique égyptienne, la philosophie rationaliste grecque, et la religion hébraïque et notamment sa dimension prophétique. Ces trois influences culturelles se sont cristallisées en deux pôles métaphysiques opposés bien que proches par les références culturelles utilisées. On peut dire, en simplifiant quelque peu, que la religion hébraïque, entremêlée de néoplatonisme a fait naître le gnosticisme qui s'est ensuite christianisé, tandis que l'union entre la métaphysique magiste égyptienne et le néoplatonisme issue de la philosophie grecque a fait naître l'hermétisme. Ces deux doctrines représentent le socle fondateur de deux Traditions ésotériques opposées, l'une fondée sur la haine du monde matériel, l'autre sur l'amour éprouvé à l'égard de ce dernier. Si ces deux traditions ont des postures doctrinaires opposées, elles présentent de grandes similitudes en termes de langage et par le développement des images mythologiques qu'elles emploient pour expliciter et diffuser leur doctrine. C'est la raison pour laquelle gnosticisme et hermétisme sont souvent prises l'une pour l'autre. Il est essentiel, cependant, de bien les distinguer car l'une - le gnosticisme - représente la tentation spirituelle la plus dangereuse pour l'humanité dans ses effets, l'autre - l'hermétisme - incarne sans doute la solution spirituelle la plus efficace pour sortir des impasses dans laquelle l'humanité, fortement imprégnée par la première, s'est fourvoyée. CE QU'ON APPELLE LA "GNOSE HERMÉTIQUE" On appelle "gnose" à l'époque de l'alexandrinisme, toute connaissance qui permet le salut de l'âme. Il y a donc toutes sortes de gnoses dans l'Antiquité, et notamment la gnose des gnostiques et la gnose hermétique. Ce n'est que plus tard que le terme de "gnose" va prendre un sens plus spécifiquement gnostique compte tenu du fait que les tenants du gnosticisme se sont approprié le terme général de gnose pour en faire un terme spécialisé, désignant leur seule doctrine, à leurs yeux, la seule qui pouvait sauver l'âme humaine de la déchéance et l'emmener à rejoindre sa véritable patrie, un au-delà transcendant éloigné de mille façons d'un monde matériel méprisé. On désigne ensuite toute posture philosophique ou religieuse qui est proche de la doctrine des gnostiques sous le terme de "gnose éternelle". Cette gnose éternelle se retrouve par exemple à bien des égards dans la philosophie de Platon fondée sur le mépris de la matière et la valorisation opposée du monde Intelligible, monde de l'esprit. Elle se déploie dans de nombreux dualismes philosophiques ou religieux. Le catharisme en est l'un des développements les plus connus, mais aussi par bien des aspects la cabale provençale et espagnole. Du mouvement originaire, le gnosticisme alexandrin, pendant longtemps la doctrine ne fut connue qu'à travers ses détracteurs. Les Actes des Apôtres (I 8, 9-24) évoque ainsi le gnostique Simon le Mage qui s'était attaché à l'Apôtre Philippe et avait reçu de lui le baptême. L'apôtre Pierre, connu pour son caractère difficile, rejeta violemment Simon quand ce dernier voulut acheter le pouvoir spirituel contenu dans l'imposition des mains. Irénée de Lyon, vitrail de Lucien Bégule Mais c'est surtout par Irénée de Lyon né à Smyrne et qui, jeune, avait été approché par des membres des communautés gnostiques présente les thèses gnostiques dans sa Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur . Plus tard, la découverte en 1945 de manuscrits gnostiques à la bibliothèque de Nag Hammadi a permis de lire directement quelques oeuvres gnostiques. Parmi les grands gnostiques de l'Antiquité, il y avait Apollos qui vivait à Alexandrie puis devint un disciple de Paul de Tarse et qui serait l'auteur de l'Évangile de Paul, cher aux cathares, Ménandre et Saturnin (Satornil), Basilide, Carpocrate, et Valentin qui serait l'auteur de l'Évangile de Thomas, et enfin Marcion, le plus christianisé de tous. Simon le Mage, Basilique de Saint-Sernin Pour les gnostiques, le monde matériel est un cloaque infâme et l'âme humaine éveillée à sa véritable nature se sent étrangère à la biosphère, exilée de sa véritable patrie, un monde spirituel, immatériel, parfait et transcendant. D'où cette idée que défendent les gnostiques que le monde créé n'est pas une production du Dieu véritable, Dieu nécessairement transcendant, très éloigné du Monde matériel et sans aucun rapport avec lui, mais d'une entité inférieure et mauvaise assimilée par certains gnostiques, au Dieu juif Yahvé. Dans le chapitre « La Gnose », de l’ Histoire des religions que dirige Henry Charles Puech, Jean Doresse donne voix à l’âme gnostique qui s’étonne : « pourquoi et comment suis-je venu en ce bas monde où je me sens étranger, exilé ? » L’âme gnostique est une âme révoltée qui sent entre elle et un monde de violence et de souffrance une hétéronomie radicale. Elle vit ce sentiment de révolte contre l’existence du mal qui l’imprègne comme « la preuve de notre appartenance première au bien parfait qui en est l’opposé ». Ce malaise justifie sa certitude intérieure de venir d’ailleurs, d’être l’enfant d’un autre monde, un monde où le mal n’a aucune existence, où la brutalité et la souffrance qu’elle engendre ne font pas sens. L’appel du bien qu’elle sent comme conforme à sa propre nature la conduit à croire qu'elle « ne peut, par nature, provenir que d’un absolu différent de ce bas monde temporel, mouvant, où les créatures sont en contradiction avec l’unité idéale ». L'hermétisme qui prend sa source dans la métaphysique égyptienne tient une posture exactement inverse : pour l'hermétisme, la Divinité n'est pas éloignée du Monde, car le Monde cosmique n'est autre que son Corps divin. La phénoménologie hermétique est à l'exact opposé de la phénoménologie gnostique fondée sur le sentiment d'exil : ce monde est le sien est d'une beauté invraisemblable. La phénoménologie hermétique est fondée sur l'émerveillement et le sentiment d'appartenance. S'éveiller à la gnose hermétique, à la connaissance qui sauve c'est selon l'hermétisme, c'est prendre conscience de la beauté du monde et de la fraternité universelle qui lie chacun à tout ce qui existe. Loin de considérer que la nature, et la sexualité qui reproduit la nature sont mauvaises, la nature apparaît comme l'Ordre divin par excellence. Et le monde cosmique, loin d'être la production d'un démiurge inférieur et mauvais, est le Corps sacré du Divin. HERMÉTISME ET ALCHIMIE : DEUX TRADITIONS SE REVENDIQUANT D'HERMÈS À NE PAS CONFONDRE Pour découvrir l'hermétisme, il ne faut pas seulement savoir distinguer, au sein de l'alexandrinisme, hermétisme et gnosticisme, il faut aussi arrêter de confondre hermétisme et alchimie. Cette confusion est cependant fondée sur le fait que ce qu'on appelle les Hermetica , l'ensemble des oeuvres écrites anonymement derrière le grand nom d'Hermès rassemblent les textes hermétiques, mais aussi les oeuvres alchimiques, et encore les textes d'astrologie de l'Antiquité et la médecine dite "hermétique". Toutes les Hermética affirmaient être écrites par Hermès et venir directement de la révélation qu'il aurait eu et dont il aurait transmis les connaissances aux autres êtres humains. Hermès Trismégiste Selon Jean Festugière, le grand spécialiste des Hermetica , il est nécessaire de distinguer entre un hermétisme savant de nature spéculative - celui qui nous intéresse - et un hermétisme populaire et de nature opérative - où il faut ranger l'alchimie, l'astrologie et les traités de magie qui affirmaient venir d'Hermès. Toute la question est alors de savoir si les Hermetica de nature opérative portant sur l'alchimie, l'astrologie, la médecine hermétique, etc. reposaient sur les mêmes bases doctrinaires que les Hermetica de nature spéculative. La question n'est pas tranchée entre spécialistes. S'il est incontestable qu'il y a entre elles des points de convergence, notamment cette revendication d'être des Révélations d'Hermès, et si certains alchimistes comme Zosime de Panopolis se réfèrent à l'hermétisme alexandrin, hermétisme et alchimie engendrent cependant des pratiques qui n'ont pas grand-chose à voir les unes avec les autres. L'alchimie s'enracine en réalité dans les besoins en or de l'Égypte pharaonique, ce qui avait poussé les métallurgistes à chercher les moyens de transformer les métaux vils. Plus tard, elle s'épanouit dans la même ville d'Alexandrie où, pendant l'époque hellénistique, l'hermétisme et le gnosticisme prennent leur essor. On la retrouve ensuite chez les Arabes qui ont conquis l'Égypte à partir de 640 et qui en perpétuèrent la tradition. Les pratiques alchimistes ont été poursuivies par les autorités, parce que souvent assimilées à du travail de faussaires. L'Empereur romain Doclétien avait ainsi ordonné, au IIIe siècle, de détruire les oeuvres alchimiques traitant de la fabrication de l'or et de l'argent, tant elles s'étaient rendues indissociables des pratiques d'escroquerie et de charlatanisme. De son côté, l'hermétisme s'est enfoncé dans l'oubli, même si l'une de ses oeuvres, l' Asclépios , restait entre les mains des élites. Le but de l'alchimie à travers les siècles de son existence a toujours été la transmutation d'un métal vil en or, en passant par la fabrication de la pierre philosophale. Mais il est vrai qu'une dimension psychologique de l'alchimie a toujours été mise en avant par les grands noms de l'alchimie, puis par les franc-maçons et par Jung. Du fait que la fabrication de la pierre philosophale impliquait une purification parallèle du matériau et de l'officiant, les amateurs de l'alchimie ont pris conscience que le but du Grand Oeuvre n'était pas tant l'or métallique que l'or de l'âme et la régénération intérieure. Ils avaient aussi un autre but, tout aussi peu vénal : comprendre les lois secrètes qui régissent la nature. Comme l'explique Serge Hutin dans son Que Sais-je sur l'alchimie : « Les tentatives expérimentales des vrais alchimistes pour transmuter les métaux étaient entreprises, non pour s’enrichir mais, avant tout, pour contempler le jeu des vraies lois qui régissent la matière pour l’esprit. » L'Oeuvre au blanc du Rosaire des Philosophes Cependant, la purification progressive de l'âme de l'alchimiste connaît des étapes très codifiées (les différentes Oeuvres : au noir, au blanc, au rouge) qui n'ont rien à voir avec la conversion immédiate et radicale que provoque la gnose hermétiste telle qu'elle est décrite dans le Corpus Hermeticum et qui ne consiste qu'en une transformation du regard qu'on porte sur soi ou sur le monde. C'est cette transformation qui représente la gnose hermétique. Une oeuvre précieuse et très courte, composée d'une douzaine d'images allégoriques en vers, se trouve cependant à la convergence de l'hermétisme et de l'alchimie : l a Table d'Émeraude que nous a transmis la littérature alchimique arabe. En voici le début qui concerne l'hermétisme, la suite relevant de la seule alchimie : " Ceci est vrai, sans mensonge aucun et très véridique : ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles de l'Unité. Et comme tout ce qui a été vient de l'Un par la médiation de l'Unique, ainsi, toutes les choses existantes sont nées de cette chose unique, par adaptation. Le Soleil est le Père, la Lune est la Mère, le Vent l'a porté dans son ventre, la Terre est sa nourrice.. ." La Table d'Émeraude Hermétisme et alchimie ont pris une importance considérable pendant la Renaissance, durant la période précisément où le Tarot fut créé. Mais le Tarot est le résultat de la redécouverte du Corpus Hermeticum par l'élite intellectuelle et artistique de la Renaissance. Or, le Corpus Hermeticum est la plus importante oeuvre théologique et spéculative de l'hermétisme alexandrin, et n'a pas grand-chose à voir avec l'alchimie. L'ITALIE DE LA RENAISSANCE REDÉCOUVRE LE CORPUS HERMETICUM Deux grandes oeuvres ont traversé l'histoire avant que trois courts textes soient retrouvés dans la bibliothèque gnostique de Nag Hammadi en 1945 ( une prière d'Action de grâce, un long extrait de l' Asclépios et un traité nommé L'Ogdoade et L'Ennéade) . À quoi, il faut ajouter vingt-neufs extraits d'oeuvres, sélectionnés par Jean Stobée à des fins éducatives dans son Anthologie . L'Asclépios Les deux grandes oeuvres sont l' Asclépios, connu du Moyen Âge à travers une traduction en latin, et surtout le Corpus Hermeticum qui arrive en Italie sous la forme d'un Codex de quatorze Traités en langue grecque et en provenance de Constantinople. C'est Cosme de Médicis qui le récupère en 1463. Appelé depuis "Cosme l'Ancien", il est le dirigeant de la République de Florence. C'est un fameux mécène et un érudit qui connaissait lui-même le grec. Il confie la traduction du Corpus Hermeticum au jeune Marsile Ficin, le fils de son médecin. Dès la même année, Tommaso Benci, grand ami de Marsile Ficin, opère une traduction de la version latine de Ficin, en italien. Les deux versions, latine et italienne, ont immédiatement circulé sous la forme de manuscrits dans un milieu constitué de penseurs et d'artistes qui voit là un ouvrage éminemment précieux. Le Manuscrit latin du Corpus Hermeticum traduit par Marsile Ficin Le manuscrit latin fut publié en décembre 1471 à Trévise, à l'insu de Marsile Ficin lui-même, et à l'instigation de Francesco Rolandello. En 1474, une autre édition paraît à Ferrare. Puis, cet ouvrage voyagea dans toute l'Europe, et connut , entre 1471 et 1641 où il paraît à Paris, 24 éditions différentes. Comme l'explique le spécialiste de l'hermétisme italien de la Renaissance, Eugénio Garin, la Renaissance s'en empare avec avidité : "Il circule dans tous les formats : des solennels in-folio des Oeuvres éditées à Bâle aux économiques petits volumes de poche de Lyon. Il circule dans le latin de Ficin comme dans l'italien de Benci, d'après la version de Ficin, pour ne rien dire évidemment des autres traductions ou éditions du texte." Ce fut littéralement une révolution dans les esprits italiens d'abord, puis européens : la Renaissance avait soif de ce que le Corpus Hermeticum apportait au monde. Elle avait soif du type de spiritualité, immanentiste où le divin n'est pas extérieur à la Création mais en elle, et qui plaçait l'être humain au coeur de la Création, que proposait le Corpus Hermeticum . Le climat culturel s'y prêtait explique Eugénio Garin, et l'élite européenne accueillit à bras ouvert " l'idée d'une très ancienne révélation " en lien avec l'Égypte ancienne des mystères qui la fascinait, parce qu'elle comblait un " besoin d'un renouvellement religieux universel " ainsi que celui d'un " nouveau lien à la réalité ". C'est cette révolution spirituelle, engendrée par la lecture du Corpus Hermeticum, qui s'est traduite, en image, dans le Tarot de Marseille. HERMÈS TRISMÉGISTE ET L'HERMITE DU TAROT Atout VIIII du Tarot Jodorowsky-Camoin Impossible de comprendre le message que contient l'Atout VIIII, L'HERMITE, si on ignore qui est Hermès Trismégiste et le type d'expérience que le Corpus Hermeticum affirme qu'il a vécu : une expérience de révélation mystique. Si à notre époque, personne n'aurait l'idée d'affirmer qu'Hermès Trismégiste est une personne historique, à l'époque où le Tarot fut créé, comme plus avant au Moyen Âge ou durant l'Antiquité, il ne venait l'idée à personne de croire qu'il ne s'agissait que d'un personnage légendaire. Augustin d’Hippone (saint Augustin pour les catholiques), au Ve siècle de notre ère, Marsile Ficin en pleine Renaissance, comme les intellectuels du monde arabe médiéval l’imaginaient être un contemporain de Moïse. Hermès Trismégiste, le trois fois grand, tient tient son nom du dieu égyptien Thot qui était dit "grand, grand, très grand" sur différents édifices égyptiens, notamment au Temple d'Esna. On a beaucoup glosé sur ce qualificatif de "trismégiste" qui est en réalité un résumé de cette répétition de termes égyptiens et qui permet d'adjoindre au nom grec d'Hermès une qualification du dieu égyptien. Car Hermès Trismégiste est la figure même de la conjonction de ces deux cultures de l'Antiquité : la culture égyptienne avec sa métaphysique et son sens de la magie, et la culture grecque et son rationalisme, mais aussi son platonisme. Bien qu'Hermès Trismégiste ait des traits de caractère relevant des dieux nationaux équivalents de Thot que sont l'Hermès grec et le Mercure latin, le Corpus Hermeticum le présente comme un homme, un ancien sage de l'Égypte pharaonique. Ayant, par sa sagesse, inspiré les mythologies religieuses de ces trois dieux, il serait l'inventeur de l'écriture hiéroglyphique, le premier prêtre, et un génie à l'origine de plusieurs sciences, dont les sciences mathématiques, l'architecture, la médecine et l'astronomie. Il était aussi considéré comme un mage . Certains font l'hypothèse que cet ancien Égyptien serait Imhotep qui vécut au XXVIIIe siècle avant J.-C, un homme aux multiples talents, et qui fut, entre autres, le grand architecte de Pharaon, mais aussi son chancelier et son médecin, l'inventeur de la pyramide et qui fut divinisé par le peuple égyptien qui fit de lui le fils du dieu Ptah, le démiurge artisan. Imhotep, statuette du Louvre Dans le Tarot, c'est L'HERMITE qui figure Hermès, et on le voit sous la forme du Vieux Sage archétypal, symbolisant par son grand âge, le savoir remontant à la nuit des temps, apportant au monde le sens que seul permet de saisir une très longue expérience, éclairant la postérité de cette révélation divine dont il fit l'expérience. L'Hermite a tous les attributs d'Hermès trismégiste : son bâton de mage, la lampe de la sagesse, son âge canonique, sa houppelande, son statut de marcheur ou du pèlerin. LA DOCTRINE HERMÉTIQUE Eugénio Garin, le spécialiste de l'hermétisme à la Renaissance résume ainsi la doctrine hermétique et les raisons de la fascination que produisit, sur l'élite intellectuelle et artistique de la Renaissance, la lecture du Corpus Hermeticum traduit par Marsile Ficin : " L''unité du grand tout, l'harmonie universelle, la centralité de l'homme, l'animation et la vie du cosmos, l'amour et la beauté universels, la musique du monde et la paix religieuse entre les peuples ". ( Hermétisme et Renaissance, p. 25 ) Prenons cependant le temps de présenter les différentes idées de l'hermétisme alexandrin, afin que votre lecture du Tarot puisse en être éclairée. - Un panthéisme nuancé, entre immanence et transcendance C'est sur ce point que la vision hermétique diverge le plus de la doctrine de Rome qui reste, sur ce point, dans la lignée du judaïsme. Mais c'est précisément ce qui renouvelle radicalement la vision que la Renaissance a du divin et la raison de fascination : enfin, un ouvrage l'autorisait à sortir de la théologie de la transcendance enseignée par l'Église de Rome. Le Dieu mâle transcendant Le Dieu unique des religions monothéistes est un dieu extérieur à la Création et aux créatures qui la compose. Il crée, de l'extérieur, le monde cosmique qui lui reste, en tant que monde matériel, étranger. C'est un Dieu transcendant. Cette conception inhérente aux trois monothéismes ne va pas jusqu'au mépris gnostique pour le monde créé qui aux yeux de l'Église de Rome reste une oeuvre divine. Mais, en laissant le divin extérieur à la créature, elle tend cependant bien à faire de la nature une réalité sans dignité, qu'on peut exploiter sans limites par exemple, et de l'expérience de l'incarnation, une expérience de souffrance. Le vrai monde, celui pour lequel il faut bien se comporter et accepter cette vallée de larme qu'est le monde matériel, c'est l'au-delà. Cette conception de la nature divine comme transcendante est l'une des origines de toutes les dérives que connaît notre monde industriel moderne avec sa surexploitation du monde animal et végétal et son interprétation mécaniste du monde naturel. Elle ne convenait pas à l'élite de la Renaissance qui voulait retrouver l'essence de l'ancien panthéisme qui était partagé, durant l'Antiquité, par de nombreuses philosophies païennes de l'Antiquité, dont l'hermétisme. Gaïa, Mère divine et l'immanentisme païen La Divinité Une des hermétistes a suscité l'enthousiasme de la Renaissance, parce qu'elle fait place à l'immanence divine : le fait que la Manifestation du monde n'est pas extérieure au divin, le fait que ce dernier habite chaque existant, jusqu'à la plus infime poussière, jusqu'au plus petit grain de sable. Le panthéiste de l'Antiquité que partageaient, avec l'hermétisme, par exemple les stoïciens, s'enracine cependant plus antérieurement encore dans la métaphysique égyptienne telle qu'elle était enseignée dans les temples égyptiens à Thèbes et à Hermopolis. C'est le Couple constitué par le dieu Amon - le Dieu caché, inconnaissable, imaginé sous la forme d'un Oeuf originel - et la déesse Mout - la Mère divine lionne et vautour - qui donne une image de ce que représentait pour les hermétistes alexandrin, cette Divinité originelle, Une et qui est cependant, et pour citer le Corpus Hermeticum , à la fois "mâle et femelle", "vie et lumière", et qui existe en tout existant, comme en tout être qu'il soit matériel ou immatériel. De cette Divinité originelle - Mère et Père conjoints - découle tout ce qui existe tandis que tout ce qui existe reste en Elle. Amon et Mout La Divinité originelle n'est pas séparée de la Création, et cette dernière n'est autre que Sa Manifestation. Et cependant, l'hermétisme, tout comme la métaphysique égyptienne qui la précéda, affirme l'antériorité à la fois temporelle et substantielle de la Divinité sur la Manifestation. La Divinité est à la fois antérieure à toute Manifestation, et en même temps dans toute Manifestation. On parle dès lors plus du panenthéisme de l'hermétisme que de son panthéisme. Voici ce que dit le Corpus Hermeticum de la nature panenthéiste de la Divinité originelle qui n'est pas extérieure à la Création, mais qui ne se réduire à la Création : " Invisible, parce qu'il est éternel, il fait tout apparaître, sans se montrer. Incréé, il manifeste toutes choses dans l'apparence; l'apparence n'appartient qu'aux choses engendrées; elle n'est pas autre chose que la naissance. Celui qui seul est incréé est donc par cela irrévélé et invisible, mais, en manifestant toutes choses, il se révèle en elles et par elles, à ceux surtout auxquels il veut se révéler. " Ce qui découle de la conception du réel comme soutenu, traversé, rempli de l'essence de vie du divin de l'hermétisme, c'est une profonde fraternité entre toutes les formes d'existants qui sont toutes à la fois des parcelles du Divin Manifesté et les enfants aimés d'une Divinité Une qui réside en chacun sous la forme d'une étincelle divine cachée. On voit aussi, dans cet extrait, que la Divinité peut se révéler tout particulièrement aux personnes humaines aptes à recevoir sa Révélation. C'est ce que raconte le premier Traité du Corpus Hermeticum , nommé Poimandrès (Pimandre) : Hermès est entré dans un état d'extase mystique qui lui permit d'entrer en dialogue avec le divin et de recevoir la Révélation qui fonde la doctrine hermétiste. - La profusion divine et la beauté du monde L'émerveillement hermétiste La deuxième grande idée de l'hermétisme réside dans l'émerveillement qu'entretient tout adepte de cette doctrine devant la richesse et la beauté du monde. C'est sur ce point, surtout, que l'hermétisme ne peut être confondu avec le gnosticisme qui, au contraire, est fondé sur un mépris radical du monde matériel vécu comme un infâme cloaque où l'âme élevée qui aspire à retrouver sa véritable patrie ne peut que se sentir étrangère et exilée. Pour l'hermétisme, le Cosmos tout entier n'est autre que le grand Corps du Divin qui se Manifeste dans et par la matière. Ce cosmos ne peut dès lors être que traversé de part en part par l'immense générosité divine et sa beauté. La Divinité originelle accorde à tout existant la perfection et la vie qui prennent racine en Elle. Cette Vie vivante qui est celle du divin dote tout ce qui est, même ce qu'on appelle les êtres inanimés, les métaux par exemple sur lesquels les alchimistes travaillent, d'une vie qui fait qu'ils croissent, mûrissent, se purifient à travers les siècles, etc.. C'est l'une des reprises théoriques de l'hermétisme par les alchimistes qui considèrent que leur travail sur les métaux ne fait qu'accélérer un processus naturel de purification et de maturation. Certes, chaque existant connaît aussi des formes de dégénérescences et de vieillissement du fait que la matière, dont est fait le monde, a pour nature une malléabilité qui permet à la Divinité de créer mais qui ne peut pas retenir indéfiniment les formes. Mais pour l'hermétiste ces processus de vieillissement, de pourrissement, et de mort sont des instruments mêmes de la vie qui circule dans tout l'univers. Il est heureux que les formes du monde vivant ne cessent de se défaire, car c'est la raison pour laquelle elles ne cessent de se refaire. Il est, en effet, selon le Corpus Hermeticum , dans la nature même du divin, de recréer sans cesse de nouveaux existants. Le Divin a pour essence d'être un Créateur. Il y a donc, dans cette association de Matière et de Formes dont est constituée toute la Manifestation, une Vie qui sans cesse se réinvente et se recrée dans une beauté qui est à la fois partout et sans cesse renaissante. Le renouvellement printanier La Divinité originelle a une générosité d’être qui, sans la rendre dépendante de la création et recréation permanente qui émane d'Elle, la Lui rend nécessaire, et cela sans pour autant diminuer en quelque manière que ce soit la perfection et l’indépendance de sa nature. Non seulement la Divinité Une de l’hermétisme crée sans cesse, continuellement, inventant sans cesse de nouveaux existants qui ne cessent de manifester leur parenté et ressemblance avec ce qu’Elle est, mais celle-ci ne cesse de soutenir chaque créature tout au long de sa vie. La sollicitude divine qui est une sollicitude parentale accompagne en effet chaque existence, selon le Traité IX du C. H. : « La Créatrice vit en toutes ses créatures. Elle ne demeure pas dans l’une d’elle séparément, et Elle ne crée pas en l’une d’elle seulement, mais Elle crée en toutes. / Puisqu’Elle est une force toujours active, ce n’est pas suffisant pour Elle d’avoir créé des êtres : Elle les prend tous sous sa garde ». Toute la Révélation d'Hermès ne consiste donc principalement en ces deux points liés : la prise de conscience que tout est en Dieu, et que tout est, de ce fait, parfaitement beau, mais aussi que tous les existants sont frères et soeurs, en tant qu'expressions limitées des mêmes Père-Mère divins illimités. Il y a, dans l'hermétisme, une joie sans limites. Mais, pour parvenir à cette Vision qui est la source de toute la joie hermétiste, l'humanité doit traverser de nombreux obstacles. - L'Anthropos primordial et la nature double de l'humanité L'Adam Kadmon, équivalent cabalistique de l'Anthropos primordial Au sein de la Création, l'humanité est une créature unique parce qu'elle possède la conscience et a - potentiellement - accès au Cratère de feu que la Divinité a fait descendre dans le coeur de chaque être humain. Sur un plan mythologique, le Poimandrès , le premier Traité du Corpus Hermeticum , explique cette singularité de l'humanité par le fait qu'elle n'est pas issue d'un archétype idéal identique à tous les autres. L'humanité est faite à l'image d'un archétype qui est lui-même l'image complète de la Divinité originelle, distinct en cela des autres archétypes, tous des expressions particulières et limitées du divin. Cet archétype-reflet du divin, c'est l'Anthropos originel. Voici le mythe de son engendrement tel qu'il est présenté par le Poimandrès : " Mais le moteur, Père-Mère de toutes choses, qui est la vie et la lumière, engendra l'Anthropos semblable à lui-même et l'aima comme son propre enfant. Par sa beauté ce dernier reproduisait l'image de son Parent et la Divinité aimait donc en réalité, en lui, sa propre forme, et il lui livra toutes ses créatures." Les Amours du Ciel et de la Terre dans la mythologie grecque La suite du récit mythologique raconte comment cet Anthropos primordial, en se penchant sur le monde matériel, s'est épris de la Nature et s'est uni amoureusement à elle, engendrant amoureusement l'humanité, cette espèce si particulière, à la frontière entre le monde mortel des espèces vivantes et le monde immortel des archétypes divins : " La nature saisit son amant et l'enveloppa tout entier, et ils s'unirent d'un mutuel amour. Et voilà pourquoi, seul de tous les êtres qui vivent sur la terre, l'homme est double, mortel par le corps, immortel par sa propre essence. Immortel et souverain de toutes choses, il est soumis à la destinée qui régit ce qui est mortel supérieur à l'harmonie du monde, il est captif dans ses liens; mâle et femelle comme son père et supérieur au sommeil, il est dominé par le sommeil. " ll y a donc, explique le Corpus hermeticum , deux destinées possibles pour l'être humain selon qu'il se relie à la Nature ou à l'Anthropos primordial, ses deux géniteurs : soit il est tiré du côté de sa réalité corporelle, animale, et instinctive et il est alors "dominé par le sommeil" de la conscience, soit il accède au Cratère spirituel, s'éveille à l'Esprit divin qu'il est en lui, et il rejoint le modèle éternel que représente l'Anthropos primordial. - L'humanité historique endormie et le risque apocalyptique Le problème, c'est que tant que l'humanité ne s'éveille pas à l'esprit, elle n'a pas la tranquillité des espèces animales. Le type de conscience qui est en elle, endormie, reste agissant. Elle s'enracine dans les appétits et instincts naturels, et pervertit ceux-ci, les rendant dangereux tant pour celui qui les subit que pour son entourage et même pour l'ensemble de la biosphère. L'Afrique submergée sous les déchets du monde Il y a dès lors une dégradation des milieux humains et naturels qui suit une pente qui ne fait que s'accélérer au fil de l'histoire de l'humanité. Cette pente du temps dégradatif fait alors peser sur la biosphère un risque apocalyptique, dont la description qu'on trouve dans l' Asclépios ne peut que nous faire frémir à notre époque qui semble désormais être devant l'inéluctable. Jamais autant qu'à notre époque la prophétie apocalyptique de l'Asclépios n'a autant parlé aux êtres humains qui ne sont plus devant ses descriptions comme devant de purs effets de l'imagination : "La terre n’aura plus d’équilibre, la mer ne sera plus navigable, le cours régulier des astres sera troublé dans le ciel. Toute voix divine sera condamnée au silence, les fruits de la terre se corrompront et elle cessera d’être féconde ; l’air, lui-même s’engourdira dans une lugubre torpeur. Telle sera la vieillesse du monde, irréligion et désordre, confusion de toute règle et de tout bien." Le monde totalement dégradé par cette humanité-à-la-conscience-accrochée-aux-pulsions-de-prédation arrivera à un tel point d'éloignement à l'égard de sa beauté première, que sa fin est inéluctable, engendrant par un terrible cataclysme, un nouveau grand cycle dans l'histoire de la biosphère : " Quand toutes ces choses seront accomplies, ô Asclépios, alors le seigneur et le père, le souverain Dieu qui gouverne l’unité du monde, voyant les mœurs et les actions des hommes, corrigera ces maux par un acte de sa volonté et de sa bonté divine ; pour mettre un terme à l’erreur et à la corruption générale, il noiera le monde dans un déluge, ou le consumera par le feu, ou le détruira par des guerres et des épidémies, et il rendra au monde sa beauté première. » Samuel Colman, Veille d’Apocalypse , 1836-1838 Cette vision hermétiste de la fin des temps donne valeur aux notions de grands cycles historiques et d'éternel retour que développe aussi Platon dans l' Étranger et le Timée : la dégradation engendrée par les agissements humains non éclairés s'accélère de siècle en siècle et à la fin finit par un cataclysme qui remet en quelque sorte la temporalité au Temps zéro et permet au monde de retrouver sa beauté naturelle. Dans le Tarot cette association du temps dégradatif et du temps cyclique se retrouve dépeint, symboliquement, par LA ROUE DE FORTUNE où l'on peut voir la roue du temps et des aléas de la vie qui tourne à l'envers : l'humanité non éveillée ne peut aller que vers plus de dégradation, jusqu'à ce que la roue tourne un grand coup et que tout recommence à zéro. Mais ce destin de répétition dans lequel interviennent à la fin de chaque cycle de grands cataclysmes n'est pas un destin inéluctable. L'hermétisme est en effet une doctrine pleine d'espérance car elle délivre les moyens d'une guérison de l'humanité à l'égard de cette tendance à la prédation et à la destruction : la Divinité a laissé à la disposition de l'humanité, au coeur de chacun, un grand Cratère spirituel divin. - Le retour à l'intériorité, l'éveil de l'humanité philosophe et mystique, éveillée au Cratère spirituel et devenue une Coupe capable d'accueillir les bénédictions du Ciel Au VIIe Traité du Corpus Hermeticum est évoqué l'existence d'un Cratère spirituel, "empli des Forces de l'Esprit" et qui est à la disposition de l'humanité : « La Divinité a fait descendre un grand Cratère, empli des Forces de l’Esprit et a envoyé un messager pour annoncer au cœur des êtres humains : ‘immergez-vous dans ce cratère, vous âmes qui le pouvez ; vous qui espérez avec foi et confiance vous élever vers celui qui a fait descendre ce vase ; vous qui savez à quelle fin vous avez été créées’. » Ce grand Cratère se dévoile, en chacun, par la voie de l'intériorité, quand l'humanité au lieu d'être happée par les objets de ses pulsions de possession et de consommation, revient au silence de son coeur et y trouve l'Esprit. Chaque être humain a la possibilité de s'immerger dans ce grand Cratère intérieur qui n'est autre que la parcelle de divinité qui est en chaque existant. C'est alors qu'il découvre "à quelles fins" l'humanité a été créée. Il sait alors quelle est sa mission sur terre. Il est devenu un hermétiste. L'As de Coupe Cette immersion dans le grand Cratère intérieur est si transformante et éveillante, qu'elle libère l'âme de l'aliénation qu'engendre l'entrelacement de sa conscience à l'instinctivité corporelle. C'est tout son être qui devient comme une Coupe, celle précisément qui prend place dans le Tarot. Les Honneurs de Coupe mettent en scène la part de l'humanité qui, plus que les autres, est destinée à recevoir les bénédictions du ciel : les médiums, artistes, et mystiques. Cet éveil de l'âme humaine s'apparente à une transformation du regard sur le monde : au lieu de se voir comme un individu séparé, l'éveillé se voit comme le membre d'une immense famille d'existants, tous liés par un lien de fraternité universelle. Au lieu de voir la nature comme un fond de ressources à exploiter, il la voit comme une Mère bienveillante qu'il faut traiter avec un immense respect. Au lieu de s'obséder de tout ce que la temporalité de l'incarnation lui fait perdre dans le rapport à l'irréversibilité du temps, il s'ouvre à la perpétuelle fraîcheur d'un monde sans cesse en transformation et en renouvellement... La gardienne du Ciel : la sphinge Dans le Tarot, cette transformation passe par la confrontation à la sphinge qui se trouve dans l'Atout X, LA ROUE DE FORTUNE. Pouvoir répondre aux énigmes qu'elles oppose à l'aspirant, et dès lors changer son regard sur le monde et sur la relation de l'humanité au temps, le conduit à s'élever jusqu'aux Atouts des troisième et quatrième Main, à ouvrir son coeur, à transformer les épreuves de la vie en vertus de résilience, et à faire de son être une coupe ouverte, un cratère intérieur, prêt à recevoir les bénédictions du Ciel qui pleuvent au niveau des Atouts cosmiques de la quatrième Main. C'est, en langage du Tarot, faire de sa personne une Coupe. - Le féminisme hermétique et le rôle de la sexualité dans l'éveil L'hermétisme est une tradition spirituelle qui va à contre-courant des expressions philosophiques et religieuses du patriarcat. Le Dieu originel des hermétistes n'est pas un Dieu mâle, mais à la fois Mère et Père des mondes immatériel et archétypal ou matériel et existentiel, comme l'explique Hermès à son fils Tat dans le Ve Traité du Corpus Hermeticum : " Qui a fait toutes ces choses ? Quelle est la Mère, quel est le Père, si ce n'est l'unique et invisible Divinité qui a tout créé par sa volonté ? " La Grande Prêtresse Isis du Rider Parce que les femmes sont faites à l'image de la Féminité archétypale divine, elles sont tout autant que les hommes de grandes hermétistes. La plus grande de toutes c'est Isis qui, dans le long extrait sélectionné par Jean Stobée : la Koré Kosmou, enseigne les secrets d'Hermès à son fils. Cette importance hermétiste du Féminin sacré s'est traduit dans le Tarot à travers le personnage de LA PAPESSE, femme de sagesse, grande devineresse et grande tisseuse, qui possède le Livre du destin et file la Toile de ce dernier. LA PAPESSE a toujours, et à raison, été identifiée à la déesse-femme Isis, grande prêtresse et enseignante, diffusant un savoir secret, le savoir hermétiste. Le féminisme de l'hermétisme s'est traduit aussi dans l'importance qu'il accorde à la sexualité humaine, à ce mystère de la Chambre où se joue, pour l'humanité, bien autre chose que la seule reproduction. Celle-ci touche au sacré non parce qu'elle engendre des fils à des pères patriarcaux, mais parce qu'elle se charge d'amour. Durant l'acte sexuel, l'humanité retrouve l'évidence de l'Unité qui, si elle est toujours et partout, reste souvent cachée sous la dualité, l'opposition, la contradiction, etc. Alors que le gnosticisme et la gnose éternelle qu'on trouve dans tant de philosophies et de religions prônent la chasteté à moins qu'ils n'autorisent ou même suscitent une sexualité perverse, dans les deux cas par mépris pour la chair, rejet de la matière, de la vie, et du pouvoir reproducteur des femmes, l'hermétisme qui représente la culture de l'émerveillement cultive une sexualité saine et sainte. C'est cette fois dans l' Asclépios que les paroles hermétistes sont à ce sujet parvenues jusqu'à nous : " Les deux sexes sont pleins de procréation, et leur union, ou plutôt leur unification in- compréhensible peut être appelé Éros (Cupidon) ou Aphrodite (Vénus), ou de ces deux noms à la fois. Si l'esprit conçoit quelque chose de plus vrai et de plus clair que toute vérité, c'est ce devoir de procréer que le Dieu de l'universelle nature a imposé à jamais à tous les êtres, et auquel il a attaché ta suprême charité, la joie, la gaieté, le désir et le divin amour. Il faudrait montrer la puissance et la nécessité de cette loi si chacun ne pouvait la reconnaître et l'observer par le sentiment intérieur. Considère, en effet, qu'au moment où Ia vie descend du cerveau, les deux natures se confondent, et l'une saisit avidement et cache en elle-même la semence de l'autre. À ce moment, par l'effet de cet enchaînement mutuel, les femelles reçoivent la vertu des mâles, et les mâles reposent sur le corps des femelles. Ce mystère si doux et si nécessaire s'accomplit en secret. » Voir dans le monde cosmique le corps de la Divinité - ce qui est le coeur de l'hermétisme alexandrin - accorde une tout autre posture que de voir en lui une création extérieure du divin (la position monothéiste), ou pire une création méprisable d'un mauvais démiurge (la position gnostique). L'hermétisme fait de la sexualité, par laquelle le divin ne cesse de renouveler la vitalité de son Corps cosmique à travers la biosphère, un acte sacré auquel s'adonnent sans conscience les bêtes, auquel s'adonnent en le pervertissant les inconscients, auquel s'adonne avec un immense respect, joie, amour et sens du sacré, les hermétistes. Précisément parce que l'acte sexuel est conscient dans l'humanité, il est tout autre chose aussi qu'un simple acte reproductif. ll est le lieu des pires et des meilleures expressions de l'humanité. Le pire consiste à chercher son plaisir dans le corps de l'autre, à l'instrumentaliser comme s'il était un objet masturbatoire. C'est le fondement du vice et de toutes les perversions si déployées dans le sexuel de l'humanité. Le meilleur fait vivre ce qu'il y a de meilleur en l'humanité : la charité - la caritas - au sens qu'on lui donnait aux premiers siècles de notre ère jusqu'à ce que son sens se pervertisse : l'amour du prochain, mais aussi la joie et la gaieté, le désir et le divin amour. Lorsque deux êtres humains s'unissent, ils rejoignent l'unité divine à l'origine de toutes choses et qui a dû se diviser en se manifestant. Ils reforment un cercle, et un cercle d'amour. D'où la joie qui fuse. D'où le divin amour qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. Avec cette philosophie immanentiste, nous sommes à des années-lumière de la sexualité honteuse qui accompagna la valorisation de la chasteté et du rejet de la chair du christianisme. La sexualité est humaine pudique, elle s'accomplit comme un mystère sacré dans le secret, et elle est sanctifiante. Elle crée, dans la joie et le bonheur, un cercle où le don de soi rencontre le don de soi de l'autre. - L'art et l'Action de grâce Une des dimensions les plus importantes de l'hermétisme et qu'il est nécessaire de bien connaître pour comprendre le sens de la Couleur de Coupe dans le Tarot, consiste dans le rôle unique qu'il accorde aux artistes. Le Corpus Hermeticum ne cesse de rappeler que le monde est une merveilleuse création, ce qui fait du Divin un artiste incomparable. C'est " le créateur et l'artiste du monde " explique Isis à son fils Horus dans la Koré Kosmou. C'est " le grand musicien de la nature ", " le Dieu qui préside à l'harmonie des odes et qui fait résonner les instruments selon le rythme de sa mélodie " trouve-ton aussi dans les extraits sélectionnés par Jean Stobée. Voici par exemple ce que dit le deuxième Traité du Corpus Hermeticum : " Mais sache que Dieu est un artiste au souffle infatigable, toujours maître de sa science, toujours heureux dans ses efforts, et répandant partout les mêmes bienfaits ." La quatrième Main du Tarot et l'As de Coupe : les artistes-mystiques recueillant les Bénédictions du Ciel pour, comme L'ÉTOILE, les répandre sur Terre. On comprend dès lors que les artistes qui apparaissent, dans le Tarot, comme l'une des quatre expressions de l'humanité, celle qui correspond aux Figures de Coupes, sont, de tous les êtres humains, ceux qui ressemblent le plus au divin. Ce sont les Figures les plus élevées du Tarot, destinées, comme L'ÉTOILE, à recueillir les émanations du Ciel et ses Bénédictions pour les verser sur la Terre. Pour l'hermétisme, devenir un artiste n'est pas faire croître en soi un art et une imagination créative qui n'a d'autre raison d'être que de s'exprimer comme dans la définition de l'art pour l'art qui domine notre vision de l'expression artistique. C'est un élan qui vient du coeur devant la beauté du monde et le bonheur d'être vivant, devant le spectacle grandiose que représente la Création du monde et qui spontanément prend la forme de poèmes et de musiques. L'art naît de l'élan mystique et représente la forme spontanée que prend cet élan mystique pour s'exprimer. On a de nombreux hymnes dans les oeuvres hermétiques qui sont parvenus jusqu'à nous, à commencer par celui qui termine le Poimandrès du Corpus Hermeticum . Car tel est le rôle dévolu de toute éternité à l'humanité : elle est le chantre du divin. Elle est ce regard extérieur dont il a besoin comme tout artiste. Elle est cet Autre du divin qui est partie du divin et qui, comme lui, peut créer. Tout véritable hermétiste, dans l’accomplissement du culte qu’il rend à la Divinité, se fait donc poète, chanteur et musicien et les Hermetica nous dévoilent quelques-uns des hymnes que leur inspire leur cœur enflammé d’amour à l'égard de la Divinité une, ainsi que plein d’un amour filial d’une profondeur infinie. Le quatorzième Traité, le dernier que Marsile Ficin a, en son temps, traduit, se termine par la révélation du « Chant secret de Louanges » appelé aussi « Formule sacrée » et par lequel s’expriment tout l’amour et toute l’admiration que l’hermétiste ressent devant la Création divine ainsi que le bonheur qu’elle ressent d’être une partie essentielle de Celle-ci. En voici le début : « " Que toute nature du cosmos écoute ce Chant de louange ! Ouvre-toi, ô terre ! Que les eaux du ciel ouvrent leurs sources à l'écoute de ma voix ! Restez immobiles, vous les arbres ! Car je veux chanter et louer le Seigneur de la Création, le Tout l'Unique ! / Ouvrez-vous, Cieux ! Vents, apaisez-vous ! Afin que l'immortel Cycle de Dieu puisse recevoir ma parole. /, Car je vais chanter la Louange de Celui qui a créé l'Univers entier." -L'hermétisme et les religions historiques Il n'y a pas plus tolérant qu'un hermétiste à l'égard de toute forme de religiosité, lui qui, pourtant, n'est enfermé dans aucune forme de religion. L'hermétisme est probablement la première et plus importante forme de spiritualité humaine universelle qui ne peut exister qu'en se situant au-delà de toute religion, de toute croyance culturelle. Les armées fanatiques de l'islamisme L' Asclépios manifeste la conscience qu'avaient les hermétistes du fait que les religions sont souvent cause de dissensions entre êtres humains, sans parler de guerres : "« ce qui est adoré par les uns, ne reçoit aucun culte des autres » affirme l'Asclépios, ajoutant « ce qui cause souvent des guerres ». Le simple fait qu'il y ait un lien entre la guerre - expression maximale de la séparation et de la division - montre à quel point les religions historiques peuvent être contraires à toute authentique spiritualité. Car cette dernière ne s'enracine que dans l'intériorité de chacun. La spiritualité n'est pas une croyance, et ne dépend d'aucune révélation, pas même celle d'Hermès, elle est propre à l'âme qui se relie à la divinité qui est en chacun. Et, quand elle est authentique, la spiritualité est toujours hermétiste : elle s'exprime toujours par un sentiment d'unité et d'appartenance qui ne peut pas conduire à la haine ou à la guerre. Le gnosticisme, par conséquent, est moins une spiritualité qu'une tentation perverse avec son élitisme. Cependant, l'hermétisme ne rejette pas les religions historiques. Il les considère comme des étapes nécessaires sur le chemin de l'humanité et il se méfie davantage de l'athéisme qui souvent sert de justification à l'individualisme et d'égoïsme. Mais il ne se fait aucune illusion sur les religions historiques : ce sont des créations culturelles destinées à être dépassées par une spiritualité tolérante et universelle. Sortir des religions traditionnelles ne conduit pas, en effet, l’hermétiste et dès lors la philosophie dans sa quête de sagesse à l’athéisme, bien au contraire, car l’hermétisme est autant fondé sur le Savoir que sur la Foi. Mais c’est sortir du collectif dans la relation au divin, et dès lors de ce que la religion peut avoir d’aliénant et de violent, autrement dit d'intolérant et de fanatique. - L'humanité divine, jardinière de la Création divine Enfin, ce dernier point est important pour comprendre pourquoi l'hermétisme a connu une telle faveur à la Renaissance : il affirme la divinité de l'être humain éveillé à sa nature profonde. Il y a, nous l'avons vu, du fait de cet Anthropos primordial, une profonde communauté entre l'humain et le divin. L’humanité est destinée à être la jardinière du Monde créé par la Divinité, comme l’affirme l’ Asclépios : « si le monde est l’œuvre de Dieu, celui qui, par ses soins, en entretient et en augmente la beauté, est l’auxiliaire de la volonté divine, employant son corps et son travail de chaque jour au service de l’œuvre sortie des mains de Dieu ». Celui qui, Artiste dans l'âme et inspiré, fait surgir des êtres nouveaux qui sont par leur beauté un ajout à la beauté générale du monde est l’instrument du divin, sa main est bénie, elle est, reprendre l’expression de Bergson dans sa désignation du grand mystique, un « adjutores dei », ou pour citer l’ Asclépios , « l’auxiliaire de la volonté divine, employant son corps et travail chaque jour au service de l’œuvre sortie des mains de Dieu . » À la jonction de deux mondes : la main de l'homme et celle de la divinité se rejoignent dans cette célèbre fresque de Michel Ange. De ce fait, l'humanité a une place unique dans le monde. Elle est supérieure non seulement aux autres existants, mais aussi aux êtres purement spirituels aux yeux des hermétistes, en tant qu'elle, et elle seule, appartient aux deux mondes : spirituel et matériel, elle est unique, semblable et elle seule à la Divinité originelle. Lisons ce petit passage du Xe Traité du Corpus Herméticum nommé judicieusement La Clé : "L'homme est un animal divin qui doit être comparé, non aux autres animaux terrestres, mais à ceux du ciel qu'on nomme les Dieux. Ou plutôt, ne craignons pas de dire la mérité, l'homme véritable est au-dessus d'eux ou tout au moins leur égal. Car aucun des Dieux célestes ne quitte sa sphère pour venir sur la terre, tandis que l'homme monte au ciel et le mesure. Il sait ce qu'il y a en haut, ce qu'il y a en bas ; il connaît tout avec exactitude, et, ce qui vaut mieux, c'est qu'il n'a pas besoin de quitter la terre pour s'élever. Telle st la grandeur de sa condition. Ainsi, osons dire que l'homme est un Dieu mortel et qu'un Dieu céleste est un homme immortel." L'HERMÉTISME DE LA RENAISSANCE IDENTIFIE LE CHRIST ET L'ANTHROPOS PRIMORDIAL Le Christ transfiguré et LE MONDE La Renaissance n'est pas un simple retour à l'hermétisme alexandrin, elle a adapté ce dernier à sa propre compréhension du message évangélique, tel qu'enfin elle a pu le lire, dans les manuscrits originaux ou fidèles aux originaux, écrits en grec, arrivés aussi en Italie de Constantinople. Les hermétistes de la Renaissance interprètent la figure du Christ comme étant l'Anthropos primordial dont parle le Corpus Hermeticum et dont Jésus de Nazareth, la personne historique, fut la première incarnation. Jésus de Nazareth est le premier être humain réalisé dans sa pleine humanité, lui qui enseigne la fraternité universelle et la parentalité du divin à l'égard de chaque être humain. Dürer, Auto-portrait à la fourrure (1500) Tout le but de cette élite de la Renaissance est d'atteindre le même état. C'est ce but que signale l'Auto-portrait à la fourrure de Dürer qui n'a rien d'égotique dans cette identification au Christ qu'il présente : l'humanité qui s'éveille n'a pas d'autre destin. Et c'est ce même but que met en scène le Tarot qui identifie le Christ et l'Humanité éveillée dans l'Atout XXI. Ce but n'est pas une aventure exclusivement individuelle. C'est l'aventure de chacun et de tous, c'est l'aventure de l'humanité et sa destination ultime.
- LA CLÉ DU TAROT ET POURQUOI ELLE EST RESTÉE SI LONGTEMPS INTROUVABLE (accès libre)
Le Tarot complet, Éditions Y. Reynaud L'HISTOIRE DU TAROT ET LES RAISONS DU MYSTÈRE PROLONGÉ QU'IL REPRÉSENTE Le Tarot est un Livre en images gravées sur bois, probablement produit pour la première fois en pleine Renaissance italienne, à Naples, et plus précisément à la Cour du Duc Ludovic Sforza, ce que démontre le fait que six Cartes datant du XVIe siècle ont été retrouvées, au début du XXe siècle, dans le puits du château des Sforza à Milan . LE MONDE trouvé dans le puits des Sforza et LE MONDE du Conver Il y avait cinq Cartes Numérales et un Atout, LE MONDE, appartenant à un Tarot visiblement déjà semblable à lui-même. Le Tarot de Marseille devrait, de fait et en réalité, être appelé "Tarot napolitain". Ce Tarot originel fut créé à l'imitation des jeux de cartes princiers de l'époque dont le plus célèbre est le Visconti-Sforza, mais en en étant suffisamment transformé pour devenir un testament, légué à la postérité par une élite d'artistes et d'intellectuels qui avait été invitée à la Cour du Duc Ludovic Sforza, et dans laquelle on trouve Léonard de Vinci, Luca Pacioli et Sandro Botticelli. Dissimuler un message essentiel, celui de toute leur philosophie, dans un jeu de Cartes permettait à cette élite d'échapper aux mesures de rétorsion d'une Église de Rome alors de plus en plus censurante et, surtout, de plus en plus violente dans son usage de l'Inquisition, sa police religieuse. Ce testament hermétique en apparence anodin et laissé entre les mains des joueurs de Cartes, a sans doute ensuite et très vite émigré en France où se trouvent les plus anciens jeux complets de Tarot qu'on a pu conserver. Le Duc Ludovic Sforza avait en effet été fait prisonnier par l'armée française. Il n'aurait sans doute pas été étonnant qu'il ait emmené, avec lui, un jeu de Cartes fait par les artistes de sa Cour. Il est possible aussi que ce soit Léonard de Vinci qui l'ait pris en France, lorsqu'il est parti d'Italie pour rejoindre François 1er. Léonard de Vinci, Autoportrait On sait en effet que Léonard de Vinci aimait conserver ses propres oeuvres, et qu'il avait emporté avec lui certaines de ses oeuvres les plus précieuses, dont le tableau de La Joconde, La Sainte Anne qui présente l a Vierge marie assise sur les genoux de sa mère et regardant l'Enfant Jésus s'échapper de ses bras pour jouer avec un agneau, et le Saint Jean Baptiste . Et il est probable, aussi, que le sens profond du Tarot n'ait pas encore, alors, été perdu, et ait accompagné ceux qui l'ont emmené en France, car les cartiers français ont scrupuleusement conservé l'esprit du Tarot devenu depuis "de Marseille". Et puis, en France même où il perdura en tant que jeu de cartes... il finit par être oublié. Quand Court de Gébelin, en plein siècle des Lumières, le redécouvre, c'était un jeu qui venait, selon lui d'Allemagne ou d'Italie. Antoine Court de Gébelin Spécialiste de la symbolique et de la mythologie, quand Court de Gébelin découvrit le Tarot de Marseille, il pense qu'il s'agit d'un Livre en image qui met en scène une doctrine venue d'une Tradition égyptienne oubliée. Lorsqu'il le met alors sur le devant de la scène auprès du public français, en le présentant dans le huitième volume de son Monde primitif , Il a le sentiment de fair e une radicale découverte, car il n'en avait encore jamais entendu parler. Le Tarot était alors revenu sur les tables des joueurs français, après avoir émigré en Suisse et en Allemagne. Qu'était-ce donc que cet extraordinaire jeu où se reconnaissaient tous les symboles que lui avait enseignés la loge maçonnique à laquelle il appartenait ? Court de Gébelin projette beaucoup sur le Tarot et commence à le transforme r. Il ouvre alors la porte aux fantaisies occultistes et taromanciennes qui allaient suivre durant deux siècles. Le Livre en image qu'est le Tarot de Marseille a, en effet, conservé son mystère jusqu'à nos jours. Il a résisté aux efforts d'élucidation multiples de la part des occultistes qui, à la suite de Court de Gébelin, s'en sont emparés, parce qu'ils sentaient qu'il recelait une signification symbolique, de nature initiatique. Les occultistes furent incapables de retrouver ce qui, dans le Tarot, aurait pu conduire les amateurs à en comprendre le message : son Organisation holistique qui fait de lui un ensemble parfaitement cohérent où les Cartes, par leurs iconographies, leurs nombres, leurs désignations et leurs places sont en relation précise les unes avec les autres. Il est pourtant impossible d'ouvrir le Livre du Tarot si on ne tient compte ni des règles du jeu de Tarot telles que longtemps, les joueurs, les avaient possédées et encore moins ni si l'on ne cherche pas à résoudre les nombreuses énigmes qui s'égrènent tout au long du jeu et qui ne sautent aux yeux que de qui s'est longuement plongé dans le Tarot sans accepter comme argent comptant les interprétations des occultistes et des taromanciens. Impossible de comprendre le Tarot de Marseille non plus si on ne le replace pas dans le contexte historique de sa création et qui est celui de la Renaissance italienne. Trop souvent et durant trop longtemps, le Tarot a subi des interprétations arbitraires plaquées sur un jeu qui n'était pas assez appréhendé par et pour lui-même. Trop souvent aussi les amateurs se sont permis de transformer le Tarot de Marseille, éloignant, pour les amateurs, leur chance d'en comprendre son message. ` Tout commence avec Court de Gébelin qui transforme le nombre global de Cartes en soixante-dix-sept, parce qu'il voulait à tout prix lire le Tarot de Marseille à travers un multiple du nombre sept. Cela se poursuit avec Paul Christian qui divise le Tarot en deux types de cartes : les arcanes majeurs et les arcanes mineurs. Commencer par se défaire de ces interprétations occultistes et regarder le Tarot tel qu'il est nécessaire si l'on veut enfin en percer le mystère. Il faut ensuite écouter son murmure, et cela commence par la résolution de ses énigmes. Car le Tarot est plein d'étranges anomalies, qui sont autant de clés laissées par ses créateurs à la faveur de qui s'attacherait suffisamment au Tarot. Vous trouverez dans cette catégorie de posts : Les énigmes du Taro t , quelques-unes des anomalies les plus visibles et ce que leur résolution apporte dans la compréhension de ce que le Tarot représente en réalité, et le type de message que ses créateurs ont voulu déposer en lui. L'ERREUR INITIALE D'UNE DISTRIBUTION DES CARTES SEPT PAR SEPT La distribution des Cartes sept par sept qu'opère Court de Gébelin est encore, de nos jours, l'une des raisons pour lesquels ce Livre en image reste fermé, à de nombreux tarologues. Il nous faut donc commencer par comprendre pourquoi elle ne peut pas être la clé qui ouvre le Livre en image qu'est le Tarot. Court de Gébelin a vu, dans le Tarot entier, onze sous-parties gérées par le nombre sept : " Ce jeu est absolument fondé sur le nombre sacré de sept. Chaque couleur et de deux fois sept cartes. Les Atouts sont au nombre de trois fois sept : le nombre des cartes de soixante-dix-sept ; le Fou étant comme zéro ." (Court de Gébelin, Le Monde primitif, Tome 1, 1773.) L'organisation du Tarot selon Court de Gébelin : 11 ensembles de 7 Cartes Comme le nombre de Cartes en jeu dans le Tarot est soixante-dix-huit et non soixante-dix-sept et pour parvenir à un multiple de ce nombre sept qui lui semble le seul nombre suffisamment sacré pour justifier d'une organisation du Tarot, Court de Gébelin est obligé de retirer une Carte au jeu : il s'agit du MAT qu'il requalifie "Le Fou". Il est vrai que sur la Carte du MAT, aucun Nombre n'apparaît, et pour cause : le nombre zéro n'existe pas en chiffres romains. Mais éliminer LE MAT sans autre justification n'est pas acceptable, car LE MAT est bien l'une des soixante-dix-huit Cartes du Tarot. Pourtant, Court de Gébelin n'était pas loin de trouver la clé qui ouvre le Tarot, car la bonne distribution des Cartes qui va de cinq en cinq connaît des exceptions nécessaires et qui, nous le verrons sont fondées sur le sens profond qui se dégage alors de l'ensemble des Cartes du Tarot. Parmi ces exceptions, il y a bien celle du MAT mais aussi celle du MONDE qui ne peuvent pas aller l'un sans l'autre, étant deux Atouts complémentaires : LE MAT contient tout en potentialité, il ne peut donc pas faire partie du Tout et LE MONDE contient tout en réalité, il sera donc, aussi, hors de la distribution des autres Cartes. Admettons, un instant, la validité d'une telle distribution du Tarot par le nombre sept proposée par Court de Gébelin. Cette distribution s'impose en effet d'elle-même bien plus rapidement que la distribution des Cartes cinq par cinq qui est pourtant la clé qui ouvre le Livre en image du Tarot de Marseille : il y a en effet vingt et un Atouts nombrés, comme le remarque Court de Gébelin, et c'est un multiple de sept. Et il y a aussi quatorze Cartes dans chaque Couleur, un autre multiple de sept. Mais si nous étalons le jeu de cette manière, les ensembles de Cartes qui en ressortent ne font malheureusement pas sens. Rien ne justifie l'existence des ensembles de Cartes qui pour le premier irait des As aux Sept, et pour le second, des trois dernières cartes numérales (du VIII au X) aux quatre Figures de Cour. Que pourraient bien signifier de tels ensembles ? Quel sens donner a cet ensemble de Cartes ? Rien ne me venait dès lors à l'esprit quand j'essayais de voir si effectivement cette distribution des Cartes sept par sept faisait sens. Aurons-nous plus de chances avec les seuls Atouts qui, pour nombres de taromanciens et tarologues actuels, se distribuent sept par sept comme l'avait pensé Court de Gébelin, en se contentant, cependant et contrairement à ce dernier, de l'appliquer aux seuls Atouts ? L'erreur initiale s'est prolongée jusqu'à nous : l'habituelle distribution des Atouts sept par sept On a alors trois ensembles d'Atouts en exceptant LE MAT qui ne se compte pas : le premier qui va du BATELEUR au CHARIOT, le second de LA JUSTICE À TEMPÉRANCE et enfin le dernier qui mène du DIABLE au MONDE. Quel sens véritable peut bien avoir une telle répartition de trois ensembles ? La tarologue qui, à mon sens a poussé le plus loin l'interprétation et a presque donné du sens à cette organisation du Tarot par une distribution des Cartes sept par sept, c'est Claude de Milleville qui est aussi l'une des rares à donner une grande importance aux Nombres dans le Tarot. Claude de Milleville voit dans cette organisation du Tarot un verger de l'amour composé de sept arbres qui correspondent aux sept Verticales qui ressortent avec en premier Arbre, l'ensemble LE BATELEUR, LA JUSTICE et LE DIABLE à qui elle donne un titre : " entreprendre " en second Arbre, LA PAPESSE, L'HERMITE et LA MAISON DIEU, qui s'intitule : " apprendre " etc. Claude de Milleville a ensuite considéré les trois étages d'Atouts sous le modèle temporel des trois âges de la vie. Si l'idée d'une répartition des Cartes qui fait sens tant horizontalement que verticalement montre une remarquable intuition, malheureusement cette dernière est restée enfermée encore dans la distribution des Cartes sept par sept initiée par Court de Gébelin et transmise par les occultistes des deux siècles qui allaient suivre, elle est restée dans une relation totalement arbitraire au sens et rien d'évident ne relie ces trois Atouts qu'elle imagine être des Arbres. Il manqua, à Claude de Milleville, la clé initiale qui, seule, lui aurait permis d'ouvrir le Tarot : la distribution des Cartes cinq par cinq. Certains taromanciens, judicieusement, évoquent pour expliquer les trois étages d'Atouts qui ressortent de cette distribution des Cartes sept par sept initiée par Court de Gébelin, la traditionnelle répartition entre le corps, l'âme et l'esprit... Mais nul ne s'explique de manière convaincante en quoi cette répartition est fondée par ces suites très arbitraires d'Atouts. PARLER "D'ARCANES" A DIVISÉ EN DEUX LE TAROT ET A INVISIBILISÉ LES FIGURES DE COUR En renonçant à intégrer les Cartes de Couleurs dans cette distribution du Tarot sept Cartes par sept, inventée par Court de Gébelin, et en ne l'appliquant qu'aux seuls Atouts, les taromanciens contemporains suivent en réalité une nouvelle habitude qui nous vient de l'occultiste français qui se faisait appeler Paul Christian et qui a donné le nom d' "arcanes" aux Cartes de Tarot, conduisant finalement à la séparation désormais généralement admises entre "Arcanes majeurs" et "Arcanes mineurs". Né sous le nom de Jean-Baptiste Pitois, Paul Christian publia une Histoire de la magie en 1870 où apparaît pour la première fois ce nom d'"Arcanes" qu'il attribue aux Atouts sur lesquels portait exclusivement son attention. La division en Arcanes majeurs et Arcanes mineurs est intervenue ultérieurement, peut-être avec l'intéressante création du Rider, le Tarot recomposé de la Golden Dawn. Ce cercle ésotérique anglais du début du XXe siècle a en effet stabilisé les différentes déformations opérées par les occultistes des deux siècles passés et habitué les amateurs à ces dernières. Paul Christian, nomme "Arcanes" les Cartes du Tarot . Il est alors devenu commun de voir le Tarot composé de deux parties séparées et hiérarchisées, cette hiérarchie expliquant sans doute l'abandon des Cartes de Couleur par une grande partie des amateurs du Tarot qui se concentrent, comme Jean-Baptiste Pitois, sur les seuls Atouts. Bien que le mot "Arcane" soit d'abord un terme alchimique qui désigne une étape qui n'est connue que par les initiés dans la fabrication de la pierre philosophale ou de l'élixir de longue vie, Paul Christian lui a donné un sens initiatique, en lien aux Mystères qu'il imagine être ceux de l'Égypte antique, se pratiquant dans les souterrains de la pyramide de Gyseh où les aspirants auraient subi de multiples épreuves, parmi lesquelles il y aurait eu la découverte des Atouts du Tarot, retrouvant les trois mondes de Court de Gébelin : Paul Christian décrit ainsi comment l'apprenti magiste accédait un enseignement sacré en contemplant "vingt-deux Arcanes ou hiéroglyphes symboliques, dont chaque attribut voile un sens, et dont l'ensemble compose une doctrine absolue, qui se résume dans la mémoire par sa correspondance avec les Lettres de la langue sacrée et avec les Nombres qui se lient à ces lettres", tout en précisant que "chaque Lettre et chaque Nombre, quand le regard les contemple ou que la parole les profère, exprime une réalité du Monde divin, du Monde intellectuel et du Monde physique" . Renoncer au terme d'"Atout" ou à celui qui le précéda historiquement et en Italie de "Triomphe", en usage chez les joueurs n'est pas anodin ; il a a toujours eu une signification positive que n'a pas le terme d'Arcane : l'Atout ou le triomphe c'est ce qui donne avantage au joueur, ce qui lui permet de gagner. Il y a en outre, dans le langage des oisons l'idée que, dans un Atout, il y a tout, c'est-à-dire cette unité de tout avec tout sur laquelle repose peut-être un important message du Tarot. Avoir un Atout dans son jeu, du point de vue symbolique, c'est peut-être devenir capable de retrouver cette unité de tout avec tout qui est la condition d'une métamorphose de la conscience. Mais surtout, cette répartition des Cartes du Tarot en deux parties, avec d'un côté les Atouts et de l'autre les Cartes de Couleur tend à invisibiliser les Cartes de Cour qui représentent l'humanité. Or l'hermétisme, et tout particulièrement l'hermétisme humaniste de la Renaissance, fait jouer à l'humanité un rôle central, médiateur entre les forces du Ciel (les Atouts) et celles de la Terre (les Nombres). Les quatre Cours du Tarot De même que, dans le XXIe Atout, LE MONDE, l'humanité sous la forme de la Danseuse est au centre de la Carte, les Cartes de Cour ne peuvent être qu'au coeur du Tarot et la bonne distribution des Cartes doit nécessairement y conduire. D'autre part, s'il y a un lien incontestable entre le Tarot et l'Égypte antique, ce n'est pas un lien direct et on ne peut agréer l'imagination échevelée de Jean-Baptiste Pitois sur les mystères qui se seraient déroulées dans le ventre de la Pyramide de Gizeh qu'aucun historien n'a jamais attesté. La hiérarchie qu'induit en outre les adjectifs "mineurs" et "majeurs" dans l'usage ordinaire désormais du mot "Arcane" pour désigner les Cartes du Tarot est-elle bien en accord d'autre part avec l'humanisme de la Renaissance ? L'Auto-portrait à la fourrure d'Albrecht Dürer et l'éminente dignité que la Renaissance reconnaissait à l'humanité. Parler d'Arcanes mineurs à propos des Honneurs qui représentent les différentes expressions de la diversité de l'humanité à la fois une et diverse est une trahison de l'esprit de la Renaissance qui a présidé à la création du Tarot et qui visait à rendre l'humanité de consciente de son rôle - unique - en tant que créature matérielle et à la fois spirituelle, au sein du Cosmos. Il n'y a en réalité rien de "mineur" dans les Cours du Tarot aux yeux des humanistes de la Renaissance qui ont présidé à la création du Tarot. Incarnant l'humanité au sein du jeu de Cartes inventé à. la Renaissance, les Honneurs ont été placé, par les créateurs du Tarot, au centre du jeu, ce que révèle seulement la distribution des Cartes du Tarot cinq par cinq, conformément aux règles des joueurs longtemps en cours et certainement avant ou depuis la création du Tarot. L'ÉTERNEL RETOUR PROPOSÉ PAR LA ROTA D'ÉLIPHAS LÉVI S'OPPOSE À LA PROGRESSION CONTENUE DANS LE TAROT Bien que tout aussi tentante soit la Rota d'Éliphas Lévi - de vrai nom Alphonse-Louis Constant - , elle a éloigné les amateurs du Tarot de la possibilité d'en saisir les messages.` La Rota tarologique d'Éliphas lévi Cet ecclésiastique que fut Alphonse Louis Constant avant de se passionner d'occultisme, a cru voir dans les Atouts une organisation en forme de Roue, conformément à l'étymologie latine qu'il attribue au mot "Tarot" : "Rota" : la Roue. Dans Dogme et rituel de Haute Magie (1854), Éliphas Lévi met en relation le terme latin "Rota" et la Torah hébraïque du fait de la proximité des mots. Reprenant l'idée kabbaliste d'une correspondance entre Nombre et lettres, pour l'appliquer aux Cartes du Tarot, il affirme du tarot qu'il est une production kabbaliste : " Le secret absolu de cette direction a été possédé par quelques hommes et peut encore être trouvé. C'est le grand arcane magique, il dépend d'un axiome incommunicable et d'un instrument qui est le grand et unique athanor des Hermétistes du plus haut grade./ L'axiome incommunicable est renfermé cabalistiquement dans les quatre lettres du tétragramme (...), et dans le monogramme du Christ, tel qu'il était brodé dans le labarum, et que le cabaliste Postel interprète par le mot ROTA, dont les adeptes ont formé leur tarot ou tarot, en répétant deux fois la première lettre, pour indiquer le cercle et faire comprendre que le mot est retourné ". Outre que le fait que la conception qu'Éliphas Lévi se fait de la cabale et qui donne au Christ un rôle essentiel n'a bien évidemment aucun fondement dans la tradition cabaliste, faire du Tarot une production cabaliste est presque un contresens historique, du fait que la cabale, de tradition juive, est issue du gnosticisme dont la conception du réel était, aux premiers siècles de notre ère où le gnosticisme s'épanouit, à l 'exact opposé de celle de l'hermétisme, dont nous verrons qu'il représente le socle doctrinaire qui inspire le Tarot. Éliphas Lévi fut l'un des occultistes qui, avant René Guénon, pensaient qu'à l'origine, une Tradition spirituelle unique aurait été directement enseignée à de rares élus par une Entité divine nommée "Archange Raphaël" par les monothéistes juifs, chrétiens et musulmans mais, préalablement, "Mercure" par les Latins, "Hermès" par les Grecs et "Thot" par les Égyptiens. Cette entité, considérée comme l'Enseignant originel de l'humanité, aurait transmis à un cercle originel de disciple la toute première écriture existante : celle des hiéroglyphes, et dont le jeu de Tarot aurait conservé la mémoire et l'expression en image. Ce sont les Bohémiens, explique-t-il, en outre, dans La Clé des grands mystères (1861), qui auraient assuré la conservation et la transmission de ce savoir, à travers un certain nombre de jeux, dont celui des Tarots mais aussi celui des Échecs et celui de l'Oie. Le Tarot aurait reproduit la forme de la temporalité cyclique propre, selon Éliphas Lévi, à toute Manifestation, ce qui aussi expliquerait l'origine de son nom, car le Tarot n'aurait été selon lui qu'un " cercle ou rota, formé par le dragon ou le serpent pour exprimer la longueur des jours ". Même si le mot alchimique d'"Ouroboros" n'est pas alors, clairement, rappelé, Éliphas Lévi assimile le Tarot à un Serpent antique (ou à un dragon) qui se mord la queue et prend la forme de la roue : "Le jeu d'échecs, attribué à Palamède, n'a pas une autre origine que le tarot, et l'on y retrouve les mêmes combinaisons et symboles, le roi, la reine, le cavalier, le soldat, le fou, la tour, puis des cases représentant des nombres. (...) Notre vulgaire jeu d'oie, renouvelé des Grecs et attribué également à Palamède, n'est qu'un échiquier à figures immobiles et à nombres mobiles au moyen des dés. C'est un tarot disposé en roue, à l'usage des aspirants à l'initiation. Or, le mot tarot, dans lequel on trouve rota et tora, exprime lui-même, comme l'a démontré Guillaume Postel, cette disposition primitive en forme de roue. / Les hiéroglyphes du jeu d'oie sont plus simples que ceux du tarot, mais on y trouve les mêmes symboles : le bateleur, le roi, la reine, la tour, le diable ou Typhon, la mort, etc. Les chances aléatoires de ce jeu représentent celles de la vie et cachent un sens philosophique assez profond pour faire méditer les sages et assez simple pour être compris par les enfants." Rien, en réalité, ne nous permet d'assimiler au Tarot à une roue qui ne concernerait, de surcroit, que les Atouts. Et surtout l'idée d'Éternel Retour que cette dernière contient est en contradiction flagrante avec l'espérance de la Renaissance et que les créateurs du Tarot ont véritablement voulu inscrire dans ce jeu. La représentation que se fait en réalité du temps le Tarot et qu'on peut voir à travers différents Atouts, dont celui de LA ROUE DE FORTUNE, où il y a bien une roue, n'est circulaire que tant que l'humanité reste endormie. Elle subit, alors, les aléas de la vie, ses hauts et ses bas, dans un temps circulaire qui la conduit à toujours répéter les mêmes erreurs. Mais tout autre que circulaire est la temporalité de l'adepte qui sort de l'inconscience ordinaire où cependant, il est vrai, reste encore trop souvent la majorité des êtres humains. La roue qui tourne à. l'envers dans l'Atout X Si LA ROUE DE FORTUNE fait place à la notion de Roue du temps et d'éternel retour, elle propose en réalité à l'aspirant qui désire cheminer sur le chemin hermétique la résolution d'une énigme, celle même qu'a posé la sphinge à Oedipe, et qui permet de sortir du temps à la fois répétitif représenté par la roue de l'Atout X. Le but du Tarot est de permettre à l'humanité qui est en chacun de s'éveiller à sa haute nature de façon à agir avec conscience, de manière non mécanique, de manière donc exclusivement créative, semblable à l'agir divin lui-même. Loin donc de représenter un éternel retour semblable aux cycles de la nature, le Tarot affirme l'espérance d'un progrès radical qui rendra inutile les cycles de création, parce que la dégradation, puis la destruction apocalyptique qui est le lot de l'humanité tant qu'elle ne s'éveille pas à sa nature divine... n'auront plus lieu d'être. SUIVRE LES INDICES DU TAROT ET REVENIR À LA DISTRIBUTION ORIGINELLE DES CARTES, PAR LES JOUEURS Le tricheur à l'As de carreau de G. de la Tour (détail), 1636-1638. Si l'on veut ouvrir le Tarot de Marseille, il faut commencer par distribuer les cartes comme le faisaient les joueurs de l'époque où il fut créé : cinq Cartes par cinq. Cette distribution est la principale clé qui permet d'accéder la lecture du message que contient le Tarot. Cette distribution n'est pas arbitraire, contrairement aux autres types de distribution de Cartes : les créateurs du Tarot ont en effet laissé des indices aux amateurs pour que cette clé ne se perde jamais, ou du moins, qu'elle puisse être retrouvée après avoir été perdue. Le premier indice, c'est la façon dont le jeu était distribué à l'époque de la Renaissance. Il y a fort à parier que les créateurs du Tarot se sont appuyé sur les habitudes des joueurs, à moins même qu'ils aient inventé une nouvelle tradition de façon à ce que la distribution des Cartes du Tarot, cinq par cinq ne soit pas oubliée, et cela pour la bonne raison qu'elle est la clé qui permet d'ouvrir le Livre en image qu'est le Tarot. En 1637, une lettre de l'abbé Michel de Marolles témoigne de cette distribution des cartes cinq par cinq entre les joueurs de tarot . On peut lire aussi qu'au XVIIIe siècle, cette ancienne distribution était alors toujours d'actualité. On la trouve mentionnée par Court de Gébelin dans le Monde primitif où il présente le Tarot et le sens symbolique de ses Cartes à ses contemporains : " On donne les Cartes par cinq, ou de cinq en cinq. /Sur les78 Cartes il en reste donc trois à la fin au lieu de les partager entre les Joueurs et la réserve ou le Mort, celui qui donne les garde pour lui ; ce qui lui donne l'avantage d'en écarter trois. » Que cette habitude soit née d'une volonté des créateurs du Tarot ou bien qu'elle relève d'une tradition plus ancienne, ne change rien sur l'essentiel : elle est la clé qui révèle l'Organisation holistique du Tarot de Marseille, sans laquelle il est impossible, par exemple, de voir le rôle - central - que jouent les Figures au sein de cette Organisation, ou de visualiser la mise en image du message que contient le Taraot. Si toutefois cette règle du jeu avait dû être oubliée dans le futur, les créateurs du Tarot ont laissé un important indice pour permettre à l'amateur de la retrouver : certains "U" s'écrivent comme des "V", au sein des désignations d'Atout. Or, le V n'est pas seulement une lettre, c'est aussi un nombre : le nombre cinq qui renvoie à la notion de Main et de doigts, ainsi qu'à la distribution des Cartes cinq par cinq. Ce remplacement des "U" par des "V" au sein du Tarot est systématique dans certains des plus anciennes éditions conservées, comme c'est le cas de celle du cartier Jean Dodal (XVIIe siècle), mais il est limité à certains "U" dans d'autres éditions, comme c'est le cas dans celle du Nicolas Convers du début de la seconde moitié du VIIIIe siècle. L'Atout X du jeu Jodorowski-Camoin Comment ne pas remarquer le sens que prend, par exemple, ce remplacement dans la désignation de l'Atout X, "LA ROVE DE FORTVNE" du Tarot Conver. Les deux "V" sont aussi les deux cinq qu'on trouve unis par la pointe dans le Nombre de l'Atout X. Ce remplacement des "U" par les "V" apparaît seulement à partir de "L'AMOUREVX", c'est-à-dire à un moment où le Nombre V est intégré dans le cheminement que propose le Tarot. Le V dans son écriture latine est en outre le symbole d'une coupe ouverte vers le ciel. Il a d'importantes significations hermétiques et son écriture vise à orienter le sens des Cartes du côté de la géométrie sacrée à laquelle Lucas Pacioli avait consacré son remarquable ouvrage à l'époque et au lieu mêmes où fut créé le Tarot : à la Cour milanaise de Ludovic Sforza. Ce nombre V est central dans la relation au nombre d'or, au même titre qu’au pentagramme étoilé, et à la main humaine cette dernière formant un V en partant du pouce pour aller au coin de la paume, et remonter vers l'auriculaire et dont les différentes mesures sont en jeu dans la canne de l'architecte, justement nommé aussi le quine, et qui a servi à la construction des édifices sacrés. En outre, le terme de "Main" appartient au vocabulaire des joueurs. Une Main c'est, pour les joueurs, une combinaison de cinq Cartes qui expose la puissance du joueur face à celle des autres. Il ne faut pas s'étonner que la distribution des Cartes qui ouvre le Livre du Tarot soit celle qui procède cinq par cinq Cartes, ni que les créateurs du Tarot aient insisté sur l'importance de ce nombre en remplaçant certains "U" par des "V". Ce Nombre V est en effet au coeur de la symbolique propre à l'humanisme et à l'hermétisme de la Renaissance. C'est un Nombre qui fait jouer à l'humanité un rôle essentiel, comme le rappelle aussi l' Homme de Vitruve de Léonard de Vinci qui assimile le pentagramme étoilé et le corps de l'être humain. C'est ce nombre V qui supporte toute l'Organisation holistique du Tarot de Marseille. CE QUE RÉVÈLE LA DISTRIBUTION DES CARTES CINQ PAR CINQ -Elle rend visibles les Cours du Tarot Ce que commence par faire voir à l'amateur du Tarot la distribution des Cartes cinq par cinq, ce sont les trois types de Cartes dont le Tarot se compose. Le Tarot n'est pas en effet constitué que de deux types de Cartes, "Arcanes Majeurs" et "Arcanes Mineurs" qu'il serait au demeurant plus judicieux et respectueux à l'égard des créateurs du Tarot de nommer "Atouts" et "Cartes de Couleurs", mais de trois types de Cartes : il y a les Atouts , les Honneurs (Figures ou Cartes de Cour), et les Cartes Numérales (dits encore Nombres ou Cartes à points). L'Organisation holistique révélée Si le Nombre trois est effectivement important dans le Tarot - ce qu'avaient bien soupçonné les occultistes des siècles passés -, il ne faut pas l'appliquer arbitrairement aux seuls Atouts, mais à cet ensemble complet que représentent les soixante-dix-huit Cartes du Tarot. Les Nombres représentent la Terre matérielle et concrète du Tarot, les Atouts le Ciel archétypal, et les Figures de Cours l'humanité qui fait le lien entre ces deux mondes du Ciel et de la Terre. Il n'est pas faux dès lors de reprendre l'antique division philosophique de la réalité en trois parties : corps , âme , et esprit , mais il faut l'appliquer à l'ensemble que représente le Tarot en entier, sachant que ce dernier est une représentation de la réalité telle que l'hermétisme de la Renaissance la concevait. Selon cette division du réel, à l'Esprit correspondent les Atouts ou archétypes immatériels, à l'Âme du monde les Cours du Tarot, et aux Nombres le Corps matériel et cosmique de l'univers. On se rend alors immédiatement compte alors que les Cours du Tarot jouent un rôle central à plusieurs titres. Non seulement elles incarnent l'Âme du monde puisque, seule, au sein du monde cosmique, l'humanité est dotée de conscience réflexive, capable donc d'admirer l'oeuvre de la Création, mais aussi, elles se révèlent les essentiels intermédiaires entre l'Esprit divin et Son Corps qu'est l'Univers, et donc au sein du Tarot qui est le miroir du Réel tel qu'il était conçu par les hermétistes de la Renaissance, entre le monde archétypal que sont les Atouts et le monde matériel que représentent les Nombres. Parce qu'elle possède une partie de chacun de ces deux mondes, l'humanité, et elle seule, est capable de fermer le cercle ouvert par la dualité lors de la création du monde. Tel est le destin ultime de l'humanité, le rôle que lui a dédié le Divin de toute éternité, et qu'entendent bien révéler au monde, dès lors qu'il sera prêt à l'entendre... ou à le voir, les créateurs du Tarot. Elle rend visible le lien entre les Atouts et les Cours du Tarot Les Cours reflets des Atouts Le lien qui existe entre les Cours et les Nombres est évident : ils partagent la même des quatre Couleurs qui organisent le Tarot. Mais le lien qui existe entre les Atouts et les Cours reste peu visible si on ne distribue pas les Cartes cinq par cinq. Cette dernière dévoile donc en quoi les Cours sont autant du Ciel que de la Terre, en plaçant chaque membre sous la direction d'un ou de deux atouts. Il y a en effet une forte ressemblance entre les Atouts des deux premières Mains et les Figures de Cour dès lors que les Cartes sont distribuées cinq par cinq faisant des Atouts des premières Mains des Maître-Atouts des Honneurs qui leur correspondent en termes de place. Ainsi, LE BATELEUR et secondairement L'AMOUREUX sont les Maîtres-Atouts des Valets. LE CHARIOT, seul Atout accompagné de deux chevaux, est clairement le maître-Atout des Cavaliers. L'IMPÉRATRICE et secondairement LA JUSTICE sont les Maîtres-Atouts des quatre Reines du Tarot, tandis que L'EMPEREUR et secondairement L'HERMITE sont ceux des Rois. Cette distribution des Cartes cinq par cinq soulève d'autre part certaines énigmes que posent les Cours du Tarot et qui restaient totalement occultées sans elle : pour quelle raison ni LA PAPESSE ni LE PAPE n'ont-ils leurs représentants et représentantes au sein de l'humanité ? Il y a manifestement un cinquième Honneur manquant, plus puissant que le Roi et qui a manifestement l'oreille de ce dernier comme le montre la systématique posture des Rois, au regard attiré par la droite. Aussi nous vous invitons à poursuivre cette intéressante interrogation : existe-t-il un cinquième Honneur invisible ? Elle rend accessible la signification symbolique des Nombres L'Atout XIII et le III d'Épée dans le Conver et le Rider Enfin, la distribution des Cartes cinq par cinq a un autre intérêt, particulièrement pour ceux qui désirent avoir accès à la signification symbolique des Cartes numérales. Certes, cette symbolique est plus ancienne que le Tarot puisqu'elle remonte à Pythagore. Il s'agit alors de lier la symbolique du nombre à la Couleur en jeu. Mais, l'Organisation holistique du Tarot de Marseille telle qu'elle est révélée par la distribution des Cartes cinq par cinq, permet aussi de placer les Nombres sous le patronage des Atouts. Les amateurs alors peuvent examiner avec plus d'assurance intérieure et plus d'autonomie la validité des différentes interprétations, et tout particulièrement celle, référentielle pour ceux qui utilisent les Cartes de Couleurs dans leurs interprétations psychologiques ou taromanciennes, du Rider. Ainsi, le III d'Épée qui, placé sous l'égide de l'IMPÉRATRICE mais aussi de l'Atout XIII, dans la Couleur de Coupes, parle de liens ou projets naissants, coupés à leur racine, ce que Paméla Colman Smith a représenté par un Coeur traversé de trois épées, dans un Ciel plombé de gros nuages et pluvieux. -Elle fait surgir les Croix de complémentaires et le XXI qui s'y trouve au coeur Les Atouts qui représentent les archétypes immatériels à partir desquels la réalité matérielle est modelée par la force divine se présentent, dans l'Organisation holistique du Tarot révélée par la distribution des Cartes cinq par cinq comme reliés à leur Atout complémentaire. Le plus beau message du Tarot se trouve dans la révélation de cette inscription du Chrisme qui est au coeur des quatre Mains des Atouts. Dès lors que les tarologues ont renoncé aux distorsions et élucubrations des occultistes des siècles passés, et en particulier à voir dans LE MAT l'expression du Nombre XXII, ils peuvent enfin découvrir la façon dont les créateurs du Tarot ont pensé la complémentarité des Atouts. Chaque Atout en effet représente une expression particulière du divin qui est en elle-même insuffisante et qui a besoin de se connecter à son Atout complémentaire pour parvenir à la perfection du MONDE. Cette complémentarité résulte d'une addition de deux Nombres pour aller jusqu'à XXII. Les Atouts I et XX sont complémentaires Ainsi, l'Atout I, LE BATELEUR, qui contient en lui l'individualité originelle, le petit Soi, ne peut cependant réaliser la perfection de sa nature qu'en se reliant et s'additionnant à l'Atout XX, LE JUGEMENT où une famille complète constituée de la Mère Terre et du Père Ciel contemple la naissance-renaissance de l'Enfant bleu, et cela sous le chant triomphant de l'ange. Et pour prendre un autre exemple, l'Atout V, LE PAPE, qui représente la personne consacrée, le sacrificateur appartenant à une tradition religieuse et qui a pour fonction d'unir et séparer par un acte sacré ce qui doit l'être, ne peut parvenir à la perfection de sa nature qu'en se reliant et en s'additionnant à l'Atout XVI qui représente le Temple de Dieu ouvert sur le Ciel, autrement dit une spiritualité sans frontière, sans dogmatisme, sans fanatisme. Ainsi donc, les Atouts I et XX, mais aussi V et XVI forment une Croix de complémentaire. Ces Croix de complémentaires une fois déployées ont, en outre, un autre cadeau à offrir à l'amateur du Tarot de Marseille : elles inscrivent le Nombre XXI au coeur même des deux Voies, femelle et mâle que forment les Mains des Atouts, confirmant s'il en était besoin que la bonne distribution des Cartes du Tarot ne peut se faire que cinq par cinq. Le XXI et la Voie femelle et unificatrice du Tarot Cette distribution des Cartes cinq par cinq n'a donc rien d'arbitraire. Elle est la clé qui ouvre le Livre en image du Tarot et en révèle le message hermétique : l'éveil de l'humanité, l'humanité enfin christique, l'Ève divine, est ce qu'attend le cosmos tout entier, Âme et Corps divin, pour transformer toute opposition née avec la dualité de la Manifestation en complémentarité et fermer le Cercle divin. - Elle révèle que le Chrisme est au coeur du Tarot Le Tarot réserve cependant maintenant son plus beau cadeau à celui qui parvient à en découvrir le sens : les Croix de complémentaires ne s'étirent pas horizontalement comme dans le Nombre XXI dans le Tarot, elles dessinent le symbole du Christ, le comme la Figure même qui organise les quatre Mains du Tarot. Le Chrisme, symbole du Christ Les créateurs du Tarot ont donc inscrit, au sein même de la structure du jeu de Tarot, le message hermétique tel qu'il avait été repensé à la Renaissance : l'Anthropos primordial n'est autre que le Christ, dont Jésus de Nazareth fut la première Incarnation sur Terre. Ainsi, l'Âme divine n'est-elle elle-même dans son entièreté que l'Image cosmique immatérielle de l'Anthropos primordial : accordée depuis toujours pour transformer les oppositions en Croix de complémentaires, elle n'est autre que l'expression d'une même profonde réalité : le Monde est Un, les oppositions s'accordent pour devenir des complémentaires, la division disparaît, l'Unité divine redevient visible, et l'émerveillement de l'humanité renaît. Le Chrisme tarologique inscrit dans la Voie féminine du Tarot
- L'ÉNIGMATIQUE ÉCRITURE DU NOMBRE QUATRE (accès libre)
La Verticale des IIII du Tarot Conver, éditions Yves Reynaud L'amateur qui veut ouvrir le Livre du Tarot, tel que l'ont conçu ses créateurs en pleine Renaissance italienne, doit commencer par regarder le Tarot tel qu'il est en lui-même et, pour cela, se garder de toutes les interprétations qu'en ont faites les occultistes à partir du XVIIIe siècle et jusqu'à nos jours. Dès lors, un certain nombre d'énigmes s'offrent à lui. Résoudre ces énigmes est le premier pas pour ouvrir le Livre du Tarot. L'une de ses plus énigmes dont la résolution s'est révélé pour moi la plus prometteuse, réside dans l'écriture des IIII. Pour quelle raison, le Tarot n'écrit pas le Nombre quatre ainsi : "IV" mais ainsi : IIII ? UNE ÉTRANGE SINGULARITÉ : L'ÉCRITURE DU NOMBRE IIII DANS LES ATOUTS IIII, VIIII, XIIII ET XVIIII La première énigme qui m'a conduite à sortir des sentiers battus à propos du Tarot et engagée à faire ce travail de décryptage de sa signification globale qui est l'objet de ce blog, se situe dans l'écriture du nombre quatre. Très manifestement, les créateurs du Tarot ont voulu interpeller celui qui contemplait le jeu : que signifie, en effet, l'atypique écriture des nombres quatre, neuf, quatorze et dix-huit et qui, au sein de ces Atouts, prend cette forme : IIII, VIIII, XIIII et XVIIII ? Le Tarot a adopté l'écriture romaine, alors même que cette écriture n’était quasiment plus en usage en Europe à l'époque où le Tarot fut inventé. C'était en effet déjà les chiffres et nombres arabes qui s'imposaient partout, y compris dans les textes officiels. On pourrait penser que, dans ce milieu humaniste de la Renaissance où est né le Tarot, il s’agissait par ce retour à l'écriture chiffrée romaine, de rendre hommage à l'Antiquité dont on redécouvrait les oeuvres, en particulier celles des philosophes qui se révélaient des sources de sagesse et d'inspiration importantes. Mais on ne peut se contenter de cette interprétation, car les concepteurs du Tarot n'ont tout simplement pas suivi la forme ordinaire que prenait le nombre IV en écriture romaine et qui place un I devant un V. Même si on trouve, particulièrement dans les édifices religieux du Moyen-Âge, cette écriture du nombre quatre sous cette forme IIII, cela ne signifie pas qu'elle était un usage courant au Moyen Âge, mais plutôt que les bâtisseurs de cathédrales faisaient déjà passer, par là, le même message que plus tard les créateurs du Tarot. C'est ainsi que le quatre de L'EMPEREUR s'écrit IIII et avec lui tous les quatre des Cartes Numérales, le neuf de L'HERMITE VIIII. De même, le quatorze de TEMPÉRANCE s'écrit XIIII et enfin le dix-neuf du SOLEIL XVIIII. Et on retrouve aussi l'écriture du IIII et du VIIII dans les Cartes numérales du Tarot. Je devais donc m'interroger sur le sens qu'un tel choix d'écriture du nombre quatre peut avoir eu pour les créateurs du Tarot. Et je commençais bien sûr par consulter ce qu'avaient pu écrire à ce sujet les tarologues . S'AGISSAIT-IL, D'ÉVITER TOUTE SOUSTRACTION ? Marianne Costa et Alexandro Jodorowsky qui ont observé le Tarot, avec beaucoup d'attention, n'ont pas manqué de remarquer cette étrange écriture et ont tenté de lui apporter une explication. Dans La Voie du Tarot , il est en effet expliqué que le Tarot, en tant que cheminement initiatique ne peut pas s'exprimer par une soustraction, ce que le chiffrage romain habituel du IV induit. Le IV, c'est, en effet, tel qu'il est présenté ainsi en écriture latine un cinq moins un. Dans l'écriture du Tarot, et selon Costa et Jodorowsky, les I s'additionneraient jusqu'au V : " La notation numérique est organisée de manière uniquement progressive : le Tarot se refuse à considérer le 4 comme un 5-1, le 14 comme un 15-1, le 9 comme un 10-1, le 19 comme un 20-1. Ce détail est une clé pour la compréhension du Tarot : il nous indique ici qu'il tend à additionner plutôt qu'à soustraire. En d'autres termes, il décrit un processus d'avancée et de croissance degré par degré." Sur un plan symbolique, cette interprétation est recevable. Mais il y a une autre explication, à la fois plus enracinée dans l'histoire de l'humanité, et plus puissante sur le plan métaphorique. Si les créateurs du Tarot ont inscrit le nombre quatre de cette manière, reprenant certaines habitudes des bâtisseurs de cathédrales, c'est pour inciter les amateurs de à réfléchir au saut qui existe entre le Nombre IIII et le Nombre V. C'est aussi pour rappeler le lien qu'il y a eu, dans l'histoire de l'humanité entre la découverte et l'apprentissage des Nombres et la main humaine. Quelque chose est d'essentiel est dit là, par les créateurs du Tarot, et ce quelque chose a à voir avec la Main de l'être humain, l'apprentissage originel des nombres par l'humanité, mais aussi le Nombre d'or et la géométrie sacrée. C'était aussi pour eux l'un des indices laissés à la postérité pour lui permettre de retrouver la clé du tarot que représente sa distribution des Cartes cinq par cinq, si toutefois elle en était arrivé à la perdre, ce qui est effectivement arrivé. LES NOMBRES JUSQU'À V ET L'APPRENTISSAGE DES NOMBRES, PAR L'HUMANITÉ Si la géométrie sacrée nous emmène du côté de l'architecture religieuse, elle s'enracine d'abord dans une compréhension des mesures et des proportions du corps humain, et singulièrement dans celles de la main. Cela nous ramène à une époque très antérieure à celle de l'Antiquité et de la construction des temples grecs, à une époque préhistorique, en réalité, et dans un temps où les êtres humains découvraient les nombres et apprenaient à compter sur les doigts. Les enfants qui apprennent à compter retrouvent spontanément ce qui fut l'aube des mathématiques pour l'humanité : les quatre premiers doigts de la main se comptent un par un. C'est ce comptage qui s'inscrit dans les traits de l'écriture romaine des Nombres : chaque trait représente une unité mais aussi un des doigts de la main, et cela jusqu'au nombre quatre qui a donc dû spontanément s'écrire ainsi : IIII, bien avant que les Romains aient adopté le IV. En revanche, quand on parvient au dernier doigt, à l'auriculaire, on n'a plus seulement des doigts, mais une main entière. Le Tarot, en écrivant le Nombre quatre ainsi : IIII, fait directement référence à l'origine de l'écriture des chiffres romains : il rappelle à chacun la transformation qu'opère le V qui fait passer des doigts séparés en un ensemble complet qu'est la Main. Celle-ci forme en effet un grand V qui part du pouce, en descendant jusqu'au coin du poignet et en remontant vers l'auriculaire. L'invention de l'écriture romaine des chiffres et nombres date, selon les historiens, du Ve siècle avant Jésus-Christ. Mais en réalité, les hommes savaient compter sur leurs doigts bien antérieurement et savaient donc que le cinquième doigt forme et ferme la main, et que parvenir au cinquième doigt, c'est changer de registre : l'auriculaire n'est donc pas un doigt comme les autres, c'est un doigt qui transforme les doigts séparés en une communauté de doigts : la main. Or, il n'est pas anodin non plus qu'on appelle "main", chez les joueurs de cartes, un ensemble de cinq cartes. Ce mot "main" est essentiel dans le Tarot, comme nous aurons l'occasion de le voir. Il désigne quatre sous-ensembles constitués de cinq Atouts et qui, tous ensemble, forment un individu. QUATRE MAINS FORMENT UN INDIVIDU COMPLET Si cinq doigts forment une main, quatre mains (dont deux pieds ), toutes constituées de cinq doigts, forment un être humain complet. Nous avons là une des plus importantes clés du Tarot : le Nombre XXI n'est pas autre chose que cinq fois quatre réuni par le I final c'est-à-dire, par le Nombre qui renvoie à l'Individualité et à l'unité. Sur le plan symbolique, deux Mains forment un ensemble représenté, au sein de l'écriture en chiffre romain, par un X qui n'est autre chose que deux V rejoints par la pointe. Et deux X forment un autre ensemble plus complet qui, nous le verrons renvoie soit à la réunion de la terre et du ciel sur un plan macrocosmique, soit encore, sur un plan microcosmique, à l'individu complet qui possède deux pieds et deux mains. Quel est cet individu ? La réponse se trouve là : https://www.organisationholistiquedutarot.com/post/l-%C3%A9nigme-que-repr%C3%A9sente-le-nom-de-tarot ou là : https://www.organisationholistiquedutarot.com/post/la-premi%C3%A8re-main-au-sein-des-atouts-du-tarot LA VERTICALE DES IIII ET LES CINQ VERTICALES DU TAROT L'écriture du Nombre IIII était si singulière qu'elle m'a incité à ranger, les uns sous les autres, les Atouts qui en étaient porteurs. C'est ainsi que la Verticale des IIII m'apparaissait comme contenant L'EMPEREUR (Atout IIII), L'HERMITE (Atout VIIII), TEMPÉRANCE (Atout XIIII) et LE SOLEIL (Atout XVIIII). Comment ne pas reconnaître, dans cette Verticale une certaine expression de la virilité ? L'EMPEREUR représente l'homme mûr, solide, protecteur, et gardien des frontières et des limites. C'est l'époux de L'IMPÉRATRICE et c'est un père de famille. C'est aussi un chef d'État, plein d'autorité. L'EMPEREUR est le représentant de la mâlitude sacrée sur Terre comme LE SOLEIL tout en haut de la Verticale des IIII est le représentant de la mâlitude sacrée céleste. Au-dessus de lui, L'HERMITE : ce pourrait être le père de L'EMPEREUR, ou ce pourrait être son futur de Vieux Sage détaché et transmettant ses connaissances à la postérité. Mais que venait faire TEMPÉRANCE dans cette Verticale où il est question d'expressions fortes de la virilité sur différents plants et à différents âges ? L'absence d'article dans la désignation de l'Atout XIIII : TEMPÉRANCE m'a fait comprendre que le créateur du Tarot ne parlait pas tant ici de la tempérance et qu'il ne s'agissait pas, sur l'iconographie de l'Atout XIIII, d'un ange de sexe féminin. L'ange de TEMPÉRANCE me semblait dès lors incarner - et en conformité avec le message globale de l'Atout - un homme à la virilité largement tempérée par une forte féminité. Le Tarot, de manière incroyablement moderne, incluait donc dans sa Verticale des IIII, où il est question de la diversité des manières d'être un homme, l'homme féminin, l'homme qui, tout en étant un homme, possède une puissante composante Anima qui n'est pas refoulée. Après avoir découvert la Verticale des III, l'alignement des autres Atouts en fonction de leur Nombre s'imposait. Se révélait alors à moi les cinq Verticales du Tarot. Je tenais là l'une des plus importantes clés qui permettent d'ouvrir, enfin, le Livre en image du Tarot qui se compose, au niveau des Atouts qui se situent entre LE MAT et LE MONDE, de quatre Mains et de cinq Verticales. La Verticale des I qui part du BATELEUR, remonte à L'AMOUREUX puis à LA FORCE et aboutit à LA MAISON DIEU me semblait mettre en jeu une construction de l'individualité. La Verticale des II qui part de LA PAPESSE, remonte au CHARIOT, passe par LE PENDU et arrive à L'ÉTOILE mettait clairement en évidence, aux extrêmes de la Verticale, deux types de femmes opposées l'une à l'autre : la plus jeune et la plus âgée, la plus dénudée et la plus vêtue, etc.. Et au centre de la Verticale, m'apparaissait aussi deux types de jeunes hommes opposés l'un à l'autre : le plus véloce des Atouts et le plus immobile, un grand voyageur du monde horizontal, et un grand découvreur du monde vertical, etc.. C'était bien la Verticale de la dualité comme l'indiquait son Nombre. Dans la Verticale des III qui unit L'IMPÉRATRICE, LA JUSTICE, L'ATOUT XIII et LA LUNE, me sautaient aux yeux la justesse des analyses sur le pouvoir féminin de la Vie/Mort/Vie tel que Clarissa Pinkola Estés l'avait présenté dans Femmes qui court avec les loups . Enfin, dans la Verticale des V où est en jeu LE PAPE, une sphinge dans LA ROUE DE FORTUNE, LE DIABLE et un ange claironnant dans LE JUGEMENT, je voyais clairement des gardiens du seuil et une sorte d'examen de passage. LA RÉSOLUTION DE CETTE ÉNIGME QU'EST LE NOMBRE IIII ET L'OUVERTURE DU LIVRE EN IMAGE QU'EST LE TAROT La résolution de l'énigme que représente, dans le Tarot, l'étrange écriture du Nombre IIII, s'accompagne d'une merveilleuse découverte : le Livre en image qu'est le Tarot commence à s'ouvrir et son message peut dès lors commencer à se diffuser. Clairement, à ce stade, on peut dire qu'il y a, au sein de cet ensemble d'Atout qu'encadrent LE MAT et LE MONDE, une Entité cosmique qui se reflète dans le XXIe Atout, LE MONDE, mais quelle est-elle ? Répondre à la question de son identité était alors devenue l'objet de mes recherches ultérieures et c'est la lecture du Corpus Hermeticum qui m'en a donné la clé, cet ouvrage que venait de traduire Marsile Ficin peu de temps avant que le Tarot ne soit créé. On peut aussi voir, dans cet ensemble, cinq Verticales où sont en jeu les cinq doigts de la Main humaine, et la mise en image de la symbolique des cinq premiers Nombres avec leur traduction en termes en lien à l'humanité sous la forme de questions : celle de l'individuation (le I), celle de la dualité (le II), celle du Féminin sacré (le III), celle de la mâlitude sacrée (le IIII) et enfin, celle du passage des différents seuils initiatiques (le V) qui mènent LE BATELEUR au MONDE. Mais que signifient précisément ces cinq Verticales ? Pour aller plus loin : https://www.organisationholistiquedutarot.com/post/la-premi%C3%A8re-main-au-sein-des-atouts-du-tarot https://www.organisationholistiquedutarot.com/post/la-structure-holistique-des-atouts-du-tarot-de-marseille
- L'ÉNIGME QUE REPRÉSENTE LE NOM DE "TAROT" (accès libre)
Georges de la Tour, Le Tricheur à l'As de carreaux QUELQUES ÉNIGMES DOIVENT ÊTRE RÉSOLUES SI ON VEUT OUVRIR LE LIVRE EN IMAGE QU'EST LE TAROT L'amateur du Tarot doit commencer par regarder avec attention ce qui s'offre à ses yeux en se gardant de toute précipitation. Dès lors, toute une série d'énigmes s'offrent à lui. Résoudre ces énigmes est le premier pas pour ouvrir le Livre du Tarot. Toute anomalie doit dès lors être explorée, car n'en doutez pas, le ou les créateur(s) du Tarot n'ont pas fait d'erreurs : une singularité, au sein d'un ensemble bien ordonné, est toujours un indice volontairement laissé par lui ou eux sur la route de l'amateur pour que ce dernier puisse s'orienter vers la clé qui lui permettra d'ouvrir le Livre du Tarot. L'une des énigmes les plus évidentes réside dans le nom de "Tarot" : d'où vient-il ? Est-il un indice laissé par le ou les créateurs du Tarot pour permettre à l'amateur attentif d'ouvrir ce Livre en image ? Ou bien ce nom vient-il des joueurs et fait-il référence à une des règles organisant leurs échanges ? Résoudre cette énigme ne peut se faire qu'à l'aide des historiens. Capture d'image dans Les Mystères du Tarot de Marseille , de Philippe Truffault, Arte France, Média entreprise, 2015 Les premiers nous apprennent que le tarot qui est inspiré en partie du jeu princier des cartes de Triomphes prend un nom spécifique dont les premières traces apparaissent au XVIe siècle, même si la découverte, au début du XXe siècle, de six Cartes de Tarot dans le puits de Milan qui sont en tous points semblables à celles du Tarot de Marseille tel qu'il est parvenu jusqu'à nous, conduit à penser que le Tarot existait avant ce ce nom de "Tarot" apparaisse dans les traces de l'histoire. Sir Mickael Dummet, le plus grand historien du Tarot, l'affirme : ce qu'on appelle "le Tarot de Marseille" est en réalité un Tarot milanais, créé pendant la Renaissance, vraisemblablement au XVe siècle, à la Cour du Duc Ludovic Sforza. Mais d'où vient le mot même de "Tarot" ? Était-il déjà en jeu lorsque ses créateurs se sont emparés des jeux princiers à Triomphes pour en faire un Livre en image de la philosophie qui était la leur ? APPARITION DU MOT "TARAUX" AU DÉBUT DU XVIe SIÈCLE Deux sources signalent, en Italie comme en France, l'apparition du mot "Tarot" pour désigner des jeux de cartes : des registres du comte d'Este à Ferrare parlent, en 1505, d'un achat de huit jeux nommés "tarochi" et, la même année, un notaire d'Avignon enregistre un contrat de cartier qui engage la livraison de quatre douzaines de jeux de "taraux". Ces termes remplacent les mots "trionfi" italien et "jeux de Triomphes" en langue française. Dans l'acte notarié avignonnais, les jeux qui font l'objet du contrat sont présentés, par le notaire, comme "communément appelés taraux", témoignant ainsi qu'à l'époque où il consigne ces quatre douzaines de jeux qui y sont en question, il y avait déjà un usage répandu de ce terme de "taraux". Ce terme ne s'est donc pas répandu d'un seul coup, au début du XVIe siècle où des historiens en ont trouvé l'usage. Manifestement, le terme remonte au moins au siècle précédent. Le Tarot étant une modification profonde des jeux princiers à Triomphes en cours au XVe siècle, ce terme de "tarot" a probablement accompagné cette modification et est tout aussi probablement le fait des créateurs du Tarot dit de Marseille et qui résidaient à Milan à la Cour de Ludovic Sforza. Reste qu'une telle hypothèse ne répond pas à la signification que ce terme avait dans l'esprit de celui qui, recréant un jeu de cartes à des fins philosophiques et spirituelles à partir des jeux à triomphes des cours italiennes, ne lui avait certainement pas donné sans raison un nom nouveau. LES PSEUDO-ÉTYMOLOGIES DES OCCULTISTES DES XVIIIe ET XIXe SIÈCLES La méconnaissance des raisons historiques qui ont pu conduire à la création du nom "tarot" que les historiens observent au tout début du XVIe siècle a conduit les occultistes des XVIIIe, XIXe, et même XXe siècles à une surabondance d'interprétations dans leur recherche d’une étymologie adéquate. Nous trouvons ces différentes interprétations dans le remarquable livre d'Isabelle Nadolny, L'Histoire du Tarot. Parmi les propositions occultistes de l'origine du mot "Tarot", il y a le mot latin "orat" qui signifie, en langue française, "il parle" ou "il prie", et bien sûr, le mot hébraïque "torà" qui désigne « une image significative ». On y trouve aussi la proposition d'Éliphas Lévi, né Alphonse Louis Constant, et qui fut un ecclésiastique, avant de s'affilier à l'Ordre occulte de la Rose-Croix universelle. Selon Éliphas Lévi, le mot latin "rota" qui, en langue française, renvoie à "la roue". Et le mot latin aurait lui même une origine dans le mot hébreux « Torah ». Éliphas Lévi voit, en effet, dans le Tarot, l'image inspirée par les enseignements spécifiques et secrets de la Torah qu'il voit remonter à " la roue mystique d'Ézéchiel " et avant même celle-ci, à un savoir mystique égyptien transmis par les "magistes" et les "bohémiens". La présence de "t" final dans le mot « tarot » est interprétée par Éliphas Lévi comme un signe laissés par les créateurs du Tarot pour que les adeptes se doutent que le mot " doit être retourné ", envoilant ainsi son secret au grand public, tandis qu'il le dévoilait à une élite d'occultites, tout en illustrant la temporalité circulaire de la Manifestation, qu'on trouve aussi symbolisé dans le symbole bien connu de l'Ouroboros. L'ouroboros et la pierre philosophale Toutes ces pseudo-étymologies latines et hébraïques sont nées de ce que les occultistes ont vu dans le Tarot de Marseille : la transmission en image des enseignements de la cabbale, enseignements que certains font remonter à une « loi orale et secrète » qu’aurait transmise directement Yahvé Dieu à Moïse sur le mont Sinaï, en parallèle à " la loi écrite exotérique " (la Torah). Or, aussi intéressante que soient les apports de la Cabbale au monde des occultistes, cette tradition n’est pas celle du Tarot, car elle appartient à un espace-temps différent. La Cabbale est provençale et espagnole et elle appartient aux XIIe et XIIIe siècle de notre ère, même si elle s'enracine dans une culture antique antérieure, en particulier dans la Littérature des Palais ou Écrits du Char célest e, ceux-ci sont eux-mêmes enracinés dans le gnosticisme. Le gnosticisme est, en effet, un courant spirituel qui, comme l'a expliqué Gershom Scholem, représenta une déviance du judaïsme des premiers siècles de notre ère, avant de recruter auprès des chrétiens. Le Tarot est, de son côté, italien, propre à la Renaissance et naît d'un important renouveau de l'hermétisme, un courant de pensée contemporain du gnosticisme, mais à la doctrine opposée et enraciné dans la confluence d'une métaphysique égyptienne et d'une philosophie grecque. Si vous voulez découvrir l'hermétisme, en tant que doctrine redécouverte par les créateurs du Tarot, je vous invite à lire ce post : résoudre l'énigme du H de la désignation de L'HERMITE et découvrir l'hermétisme . Cette lecture du Tarot de Marseille à partir de ce que les occultistes des XVIIIe et XIXe siècles croyaient connaître de la Cabbale est la principale raison de la longue incapacité où se sont trouvés les amateurs du Tarot de recevoir le message du Tarot. Vous pouvez approfondir les raisons de cet aveuglement de presque trois siècle avec la lecture de ce post : la clé du Tarot et pourquoi elle est restée si longtemps introuvable . LA RANGÉE DE CINQ DOIGTS ET LE TAROT Cinq cartes ou cinq doigts font une Main pour les joueurs Dans la multiplicité des étymologies possibles du mot « Tarot », il n'y en a qu'une qui s’accorde pleinement avec cette vision propre à l’humanisme de la Renaissance que porte le Tarot de Marseille et qui, de surcroit, appartient à l'univers des jeux de cartes et à son champ sémantique : le mot grec "tarros" (ou "tarsos") qui renvoie à la rangée des cinq doigts dans la main. Il n’y a rien d’étonnant en effet à ce que des joueurs cultivés de la Renaissance aient adopté le mot grec « tarros » pour désigner un jeu où la distribution initiale du jeu se faisait cinq Cartes par cinq, ce qui est attestée par une lettre de l’abbé Michel de Marolle datant de 1637 et encore, à la fin du XVIIIe siècle, par Court de Gébelin dans Le Monde Primitif qui décrivant le jeu de Tarot explique qu'à son époque encore, « on donnait les Cartes par cinq, ou de cinq en cinq ». Cette distribution cinq Cartes par cinq s'est prolongé jusqu'au XIXe siècle, où elle a été abandonnée par les joueurs au moment où le tarot s'est dédoublé, devenant d'un côté un objet occultiste tandis que, de l'autre, celui des joueurs, il se débarrassait d'iconographies jugées trop médiévales, pour les remplacer par des scènes de la vie quotidienne dans la France de cette époque. Retrouver c ette distribution des Cartes cinq par cinq est cependant la clé qui permet à ceux qui cherchent le sens profond de ce jeu d’images d'ouvrir le Livre du Tarot, Livre dans lequel ils trouveront l’esprit même de la Renaissance. Elle dévoile l’Organisation holistique du Tarot de Marseille, une organisation en trois types de Cartes : Atouts, Honneurs et Nombres et qui témoigne d’une espérance humaniste et mystique : la foi dans le rôle que doit jouer l'humanité afin de permettre le mariage mystique de la Terre et du Ciel. LA MAIN DES JOUEURS : UNE SUITE DE CINQ CARTES Que le Tarot renvoie aux cinq doigts de la main, et par là même à la notion de « Main », ce qu'induit l'étymologie grecque renvoie aux usages des joueurs de cartes. Les Tricheurs de Le Caravage Le mot « main » désigne, par exemple, dans le jeu de poker, une combinaison de cinq cartes, et notons au passage aussi - car le nombre cinq est lié à la notion de main -, que l’on parle de "quinte" pour désigner cinq cartes de rang successif de la même couleur. Ainsi, après une distribution, chacun des joueurs regarde ses cartes et sait avec quel type de main il démarre le jeu : une bonne main, une main médiocre, une mauvaise main. Cette évaluation s'est étendue bien au-delà de l'espace sémantique du jeu de cartes. L’expression en langue française « avoir la main » insiste, ainsi, sur le fait d’être en possession d’un avantage manifeste dans l’ordre de l’activité et cela, quel que soit le domaine de cette activité. Celui qui a la main a la possibilité d’engager un mouvement décisif pour remporter une victoire. Il a, dit-on encore, la balle dans son camp. Le mot "main" au sein des jeux, et d’une manière générale au sein des différentes activités humaines, renvoie donc à bien d’autres choses que cet organe de l’activité humaine qu’elle représente aussi, sur un plan purement physiologique, en tant qu’ensemble de cinq doigts. Elle symbolise l’activité humaine dans son ensemble, et même le potentiel d’activité que chacun possède. Mais la notion de doigts contenue dans le mot "tarot" avait d'autres fonctions aux yeux des créateurs du Tarot de Marseille, dans son lien au nombre cinq, et du fait qu'une main complète a cinq doigts : elle rappelait d'abord le rôle essentiel qu'avaient joué les doigts de la main humaine, dans l'invention des nombres et du calcul à la préhistoire . Cette notion des cinq doigts était aussi, en tant renvoyant au Nombre V, au fondement de l'architecture sacrée, tout comme elle rappelait les mesures de la quine de l'architecte, cette canne qui supportait tout le travail des bâtisseurs des temples antiques et des cathédrales médiévales. La main est, en effet, dans ses mesures et sa symbolique, au fondement de la géométrie sacrée, telle que la présentait Luca Pacioli dans De la divine proportion , et cela n'est certainement pas sans importance dans le choix du nom de ce jeu que les créateurs du Tarot de Marseille avaient créés. L'ÉTYMOLOGIE GRECQUE EST-ELLE UNE HYPOTHÈSE HISTORIQUE ACCEPTABLE ? Est-il historiquement judicieux d'imaginer que les joueurs aient eu, en usage, un mot enraciné dans l'étymologie grecque ? La question se pose car l'historienne Isabelle Nadolny exclut cette hypothèse à cause du vocabulaire employé par le notaire dans les traces de l'apparition du mot en langue française en 1505 : "Il y est écrit : vulgo appelatarum , c'est-à-dire "vulgairement appelé ; en d'autres termes, taraux est un terme de langue vulgaire. Les auteurs de l'époque faisaient une distinction entre les langues dites 'vulgaire' et les langues 'classiques', celles qui servaient à tout lettré dans ls études des humanités et qui étaient le latin, le grec et l'hébreu. Si cette mention parle de langues vulgaires nous pouvons alors écarter de nos recherches sur le mot 'tarot" toute hypothèse de racines latines ou grecques, et par extension de racines provenant de langues anciennes." (Histoire du Tarot, p. 87) Nous ne souscrivons pas à un tel rejet de l'hypothèse selon laquelle le mot "tarot" aurait une origine dans l'étymologie grecque et cela pour de multiples raisons. D'abord l'adjectif latin "vulgus" a certes pour signification possible un usage non raffiné, vulgaire, et populaire, mais il peut aussi signifier ce qui est courant, couramment utilisé, répandu, communément en usage et dès lors renvoyer à un usage qui n'est pas très récent, mais a déjà connu une forme de développement. D'autre part, on peut supposer que le mot "tarochi" italien précède le mot "taraux" qui est probablement une francisation d'origine populaire du mot savant né en Italie. Même si le mot "tarochi" n'apparaît qu'en 1505, dans les registres de compte d'Alphonse d'Este, Duc de Ferrare, il remonte sans doute à l'époque où le Tarot fut créé, au milieu du XVe siècle. Si le Tarot est bien né à Milan, et s'il a bien été inventé pour désigner la mise en image de la doctrine hermétiste ce qui représente l'essentiel de ce qui est affirmé sur ce blog, comment s'étonner que les créateurs du Tarot (bien mal nommé) de Marseille, aient voulu changer le nom des jeux qui les avait inspirés, les "trionfi" : ce qu'ils avaient créé était tout autre chose. Il s'agissait par ce nouveau jeu de faire passer un message hermétique, inspiré de l'antique Alexandrie où la langue parlée était... le grec. Qui pourrait s'étonner que les inventeurs du Tarot de Marseille aient doté leur nouveau jeu, un jeu destiné à incarner une doctrine qui leur était éminemment précieuse, sans risquer les foudres de l'Inquisition, d'un nom en accord avec la langue parlée par la patrie de l'hermétisme ? Les quatre Mains du Tarot Il n'y a rien d'absurde en outre à imaginer que les créateurs du Tarot originel se soient servi de l'étymologie grecque pour désigner ce jeu en images où il s'agissait d'abord de distribuer les Cartes cinq par cinq, mais aussi où des Mains - des suites signifiantes d'Atouts - apparaissaient à la suite de cette distribution, racontant à qui sait entendre et voir une fabuleuse histoire. Le mot "Tarot" se révélait en outre, à l'amateur attentif, l'un des moyens d'atteindre le message du Tarot. En lui est contenu l'une des plus importantes clé du Tarot : la distribution des Cartes cinq par cinq . LE TERME "TAROT" EST UN RAPPEL CONSTANT DE LA PREMIÈRE CLÉ DU TAROT : LA DISTRIBUTION DES CARTES CINQ PAR CINQ Si le mot grec « tarros » a bien été utilisé pour désigner le jeu né à Milan en pleine Renaissance, et s’il a été adopté par les créateurs du Tarot ou par de géniaux utilisateurs, c’est aussi parce qu’il renvoie à l’importance que revêt le nombre cinq sur un plan symbolique. Le Christ Transfiguré, plaque de marbre révélée par les travaux de 2016 sur le Tombeau du Christ du Saint Sépulcre C’est par sa main, et en tant qu'incarnation du nombre V que l’être humain peut transformer le monde sans s'éloigner de la perfection divine. Il suffit qu'elle se réfère au Nombre d'or dont le nombre cinq est la clé. À cette époque où fut créé le Tarot : la Renaissance, l’Occident commence à être fasciné par la capacité de l’être humain à inventer, créer, modeler le réel à sa guise. À cette époque donc, et pour citer H. Arendt, l’ homme fabricateur commence à remplacer l’ homme contemplateur , au sommet de la hiérarchie des différents types d’être humain. Mais l'homme fabricateur peut beaucoup dévier du droit chemin. D'où l'enseignement que dispense le Tarot où le Nombre cinq et la notion de Main sont essentiels. S'il n’y a rien d’étonnant à ce que le créateur du jeu de tarot ait adopté un nom qui met l’accent sur la manière dont doivent être distribuées les Cartes chez les joueurs de tarot, il évoque aussi ce Nombre cinq qui rappelle le rôle que la main de l'être humain doit jouer, au sein du cosmos : devenir l'ouvrière du Ciel et permettre à la Terre et au Ciel de s’unir et se refléter pleinement l’un l’autre. Comme le pentagramme étoilé et le pentagone régulier sont au cœur du dodécaèdre régulier, le nombre V est ce qui bâtit le Nombre XXI comme le met en évidence l’écriture romaine qui relie quatre V, deux à deux, par la pointe. Cette dernière représente l'humanité : le point le plus élevé de la Terre et le plus bas du Ciel. Le Monde et le Christ transfiguré du Saint Sépulcre C'est aussi ce qu'exprime la Carte ultime du Tarot, le XXI : l'Ève mystique, est placée au centre d'une mandorle entourée par quatre personnages qui renvoient autant aux quatre éléments (Terre, Feu, Air et Eau) qu'aux quatre Couleurs du Tarot (Denier, Bâton, Épée, et Coupe), et ceci, dans la posture du Christ transfiguré, tel qu'on a pu le redécouvrir sur la plaque de marbre scellant le Tombeau du Saint Sépulcre, en 2016, suite à sa rénovation. L'humanité est au coeur du MONDE, au coeur du Cosmos, elle relie le Ciel et la Terre et son Nombre est le Nombre V qui règne sur les doigts de la Main, comme le montre aussi L'homme de Vitruve de Léonard de Vinci. Il suffit pour que tout change et à jamais que cette main de l'humanité sache devenir la Main du divin.
- OUVRIR LE LIVRE DU TAROT : À QUELLES CONDITIONS ? (accès libre)
L'HERMITE du Tarot Enchanté Le Tarot de Marseille est un Livre en image qui parle un langage symbolique universel et divulgue un enseignement précis qu'il s'agit d'apprendre à décrypter. Mais aborder le Tarot de Marseille est une véritable gageure pour tout amateur débutant tant les interprétations abondent. Pour ne pas se perdre dans la forêt des interprétations, il faut suivre quelques règles. Celles-ci vont permettre vous permettre d'avoir un regard neuf sur le Tarot. POUR OUVRIR LE LIVRE DU TAROT, IL FAUT DONC... I - REPÉRER LES DEUX AXES INTERPRÉTATIFS : INTIATIQUE OU DIVINATOIRE Le Tarot a suscité deux axes interprétatifs, depuis sa découverte par Antoine Court de Gébelin au milieu du XVIIIe siècle. Court de Gébelin, un spécialiste de la symbolique, de la mythologie antique, et un franc-maçon, y a vu le Livre en image d'un savoir secret antique, égyptien et qui représentait une sorte d'initiation. Il a inauguré l'axe initiatique du Taro t. Mais, dans le Livre même, Le Monde primitif , où Court de Gébelin présenta au grand public sa découverte du Tarot de Marseille et le sens qu'il lui attribuait, il fit place à une dissertation écrite par le Comte de Mellet, qui affirmait l'existence d'un usage divinatoire du Tarot de Marseille. Lequel de ces deux axes a-t-il été voulu par les créateurs du Tarot de Marseille ? L'axe divinatoire : des interprétations taromanciennes projectives Sur l'axe divinatoire, on va essentiellement trouver des interprétations de type projectif, avec lecture des Cartes à l'endroit, à l'envers, considération des regards, des couleurs, du type de personnage, etc. Les taromanciens sont des cartomanciens spécialisés dans le tirage du Tarot qui considèrent que le Tarot de Marseille n'est pas un oracle comme tous les autres. C'est à leurs yeux, l'Oracle premier, l'oracle originel, celui à partir duquel tous les autres oracles se seraient constitués. Cependant, chacun propose ses interprétations... Et celles-ci varient beaucoup d'un taromancien à l'autre. Un incendie ou un feu d'artifice ? Pour les mêmes Cartes du Tarot, on peut avoir des interprétations très opposées. Ainsi, LA MAISON DIEU est vue par certains comme une tour en feu et devient l'expression d'une catastrophe à venir. Pour d'autres, elle apparaît comme une pluie de pièces de monnaie, et la promesse d'une manne financière à venir. Certains autres encore y voient un feu d'artifice, et dès lors une carte de fête, de joie, l'occasion de sortir la bouteille de champagne... On ne peut faire plus dissemblable... D'où les interprétations en pour et en contre, tout comme les interprétations de Cartes à l'endroit et à l'envers... Pour tenter de contenter tout le monde... On a quand même bien l'impression que tout et son contraire peuvent être affirmés de chaque Carte. Clairement, ce n'est pas en allant chercher chez les uns ou les autres des taromanciens qui offrent leurs interprétations que le message du Tarot risque d'être entendu. Cela ne signifie pas que les taromanciens n'ont aucun talent ni ne dit rien en réalité sur la valeur de leurs capacités divinatoires. Cela signifie simplement que, pour eux, le Tarot n'est qu'un support qui soutient leur don de voyance. Mais était-ce bien le rôle du Tarot ? Laissons parler à ce sujet, Gérald Gassiot qui a recueilli les confidences de la plus grande voyante du XXe siècle, Yaguel Didier qui ne peut pas utiliser le tarot, comme si cela lui était interdit. Elle utilise un jeu commandé par le magazine Elle à Alain Le Foll et qu'elle avait découpé et encollé sur des rectangles de carton : " de nombreux consultants croient qu'il s'agit du Tarot. Il n'en est rien, même si certaines lames ont des affinités avec les arcanes majeurs. Mais il émane du Tarot une force mystérieuse que notre amie ne souhaite pas apprivoiser. Jodorowski disait : 'le Tarot est un instrument magique, initiatique et merveilleux, un cadeau mystérieux fait à l 'humanité..." Ce miroir de l'inconscient peut§il renvoyer à celui qui l 'utilise des forces qu'il ne peut dominer ? Toujours est-il que chaque fois qu'elle a essayé d'utiliser le Tarot de Marseille, des troubles, des événements inexplicables, des phénomènes violents l'en ont dissuadée. Yaguel considère bien le Tarot comme un instrument initiatique, mais trop directif, impératif ; elle tient à rester libre et maîtresse du jeu, ce qu'elle peut faire avec la création de Le Foll." J'ai eu personnellement le bonheur de rencontrer cette grande dame de la voyance et elle m'a confirmé qu'il y avait un interdit sur elle, à propos du Tarot. Il n'est pas fait pour cela pensait-elle, sans néanmoins porter le moindre jugement sur ceux qui en faisait cet usage. Pour elle c'était comme interdit. L'axe initiatique et l'imagination sans limites des occultistes Sur l'axe initiatique, l'amateur du Tarot ne sait pas plus où donner de la tête, car là aussi l'imagination projective s'en donne à coeur joie, faisant du Tarot de Marseille, l'enseignement des temples égyptiens reçus directement du dieu Thot, celui des religions à Mystères grecques, la transmission d'un enseignement secret de Dieu à Moïse et le fondement de la Cabale, le savoir secret des bohémiens, celui des templiers, ou celui des bâtisseurs des Cathédrales, le livre en image des anciens gnostiques, un livre alchimique équivalent du Mutus liber, etc., etc. Comment s'y retrouver ? Pour sortir de ces ambiguïtés et enfin découvrir ce que les créateurs du Tarot de Marseille ont voulu faire du jeu, il faut peut-être commencer par cesser de rattacher le Tarot à des traditions spirituelle, initiatiques ou divinatoires quelles qu'elles soient, tout comme à cesser de consulter les différentes interprétations qu'on trouve partout en librairie ou sur le Net... et cela jusqu'à ce qu'un examen approfondi de son histoire et de ce qu'il nous donne, vraiment, à voir, vous permettra de vous faire votre propre idée et de trancher. Car il est clair qu'on ne peut pas en rester là. Il est nécessaire qu'un jour ou l'autre, ce Livre hautement symbolique soit enfin ouvert et que son enseignement devienne enfin accessible à l'humanité. II - NE PAS FAIRE L'IMPASSE SUR L'HISTOIRE DU TAROT : ON DÉCOUVRE LES DEUX TYPES PRINCIPAUX DE TAROTS L'amateur du Tarot est confronté au fait qu'il y a une foule de jeux différents, dans lesquels un certain nombre, plus restreints, se désignent eux-mêmes "Tarots de Marseille". C'est le recours à l'histoire du Tarot qui permet de clarifier les choses : elle nous apprend à voir dans la foule des Tarots existants qu'il y a, en réalité, deux types de Tarot : il y a le Tarot de Marseille et ses différentes variantes, et le Rider et ses différentes variantes. L'origine du Rider : une transformation du Tarot de Marseille qui démarre avec Court de Gébelin L'histoire du Tarot nous apprend que, dès la découverte par Antoine Court de Gébelin du Tarot de Marseille, ce dernier dont il faut rappeler qu'il faisait partie des franc-maçons, opère des modifications importantes l'iconographie du Tarot de Marseille qu'il redessine. Et surtout, il opère une redésignation de certaines de ses Cartes. Deux pages du Monde primitif parmi celles consacrées au Tarot Dans Le Monde primitif où il présente le Tarot au public, Antoine Court de Gébelin requalifie ainsi LE BATELEUR en JOUEUR DE GOBELET, LA PAPESSE en GRANDE PRÊTRESSE, et LE PAPE en GRAND PRÊTRE ou encore CHEF DES HIÉROPHANTES, LE CHARIOT en OSIRIS TRIOMPHANT, L'AMOUREUX en LE MARIAGE, etc. Court de Gébelin a ouvert une porte dans laquelle se sont ensuite engouffrés les occultistes des XVIIIe, XIXe et XXe siècles. Éliphas Lévi qui veut faire du Tarot une expression de la cabale opère des transformations sur les Nombres. Ce dernier attribue, ainsi, sous l'influence de la place du Fou dans l'ordre des Lettres hébraïques, le Nombre XXI au MAT, et par voie de conséquences, le Nombre XXII au MONDE. Paul Christian de son côté requalifie les Cartes du Tarot parlant d' "Arcanes" et de "lames" au lieu de Cartes, d'Atouts, de Cartes de Couleur, de Cartes de Cour ou Honneur et de Cartes Numérales ou Nombres. Papus présente son Tarot dans un style égyptien, etc. Toutes ces transformations occultes se sont ensuite rassemblées pour se stabiliser dans un Tarot fait par des membres de la Golden Dawn, "l'Ordre hermétique de l'Aube dorée", une société secrète britannique, consacrée à l'étude et à l'enseignement des sciences occultes. Ce Tarot anglais, édité pour la première fois en 1909, prend le nom de son éditeur William Rider & Son, mais peut aussi être désigné par le nom de ses créateurs, Arthur Waite, le théoricien du Tarot, et Paméla Colman Smith, l'artiste-peintre et médium. LE MAT du Tarot Conver et The FOOL du Rider I l y a à partir de là deux types de Tarot : les éditions du Tarot de Marseille et le Rider et ses multiples recréations . Nous aurons l'occasion de comparer en détail les interprétations respectives Tarot de Marseille et du Rider des différentes Cartes et examiner la validité ou l'absence de validité des transformations que le Rider a opérées. Le III d'Epée du Rider L'une des caractéristiques du Rider qui explique l'immense succès qu'il a connu dans les pays anglo-saxons en tant qu'oracle divinatoire, c'est le fait que Pamela Colman Smith, la dessinatrice, a remplacé l'iconographie des Cartes numérales à enseignes du Tarot de Marseille par des symboles et des scènes qui sont beaucoup plus aisées à traduire sur un plan symbolique. Mais les interprétations de Paméla Colman Smith, aussi remarquables qu'elles soient au regard des clés du Tarot que nous possédons, ont eu tendance à figer l'interprétation des Cartes Numérales et cela se constate dans toutes les recréations modernes du Rider. Les multiples recréations anglo-saxonnes du Rider Il y a, à partir de la moitié du XXe siècle jusqu'à nos jours, une intense production de Tarots divers et variés dans les pays anglo-saxons qui trouvent leur inspiration dans le Rider et lui restent, pour la majeure partie, grandement fidèles. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne les Cartes Numérales, et on comprend pourquoi : en ce qui concerne la symbolique des Nombres, seule l'intuition de Pamela Colman Smith fait référence. Parmi les très nombreux Tarots anglo-saxons, nous vous proposons de comparer deux Cartes du Rider avec leurs équivalentes dans deux jeux qui sont des recréations artistiques du Rider que vous rencontrerez sur ce blog, et cela afin que vous puissiez prendre la mesure de l'influence que conserve le Rider dans le monde anglo-saxon. Le III de Pentacle de l'Enchanted Tarot (1992) d'Amy Zerner Le Tarot enchanté est unique au monde en tant que création artistique. On le doit à Amy Zerner, issue d'une famille d'artistes américains. Elle a mis deux ans à la recréation des 78 Cartes de son Tarot. Chacune des Cartes est une oeuvre d'art faite de collages de tissus, dans un style de tapisseries, et l'ensemble a régulièrement participé à de prestigieuses expositions. Le III de Pentacle dans Le Tarot Enchanté d'Amy Zerner et dans le Rider de Paméla Colman Smith Si on compare le III de Pentacles - le nom donné aux Deniers dans de nombreux Tarots anglo-saxons - du Rider et du Tarot enchanté, on remarque immédiatement la communauté d'esprit qui les anime : il s'agit d'une scène de collaboration professionnelle. L'espace de travail est masculin dans le Rider et féminin dans le Tarot Enchanté. Pour le coup, le Tarot enchanté me semble plus en conformité avec l'influence du Nombre III et de son Atout, L'IMPÉRATRICE, que le Rider qui n'a pas mis en avant le côté féminin de ce Nombre. Le VI d'Épée du Golden Tarot (2004) de Kat Black Le Golden Tarot relève de la même veine artistique que le Tarot Enchanté . Son autrice, Kat Balck use d'une même technique de collages mais s'est fondée, cette fois, d'extraits de tableaux du Moyen-Âge. Le VI d'Epée dans le Rider à gauche et le Golden Tarot Nous voyons ici, le VI d'Épée du Rider en comparaison avec le VI d'Épée du Golden Tarot. Dans les deux Cartes, c'est à peu près la même scène : dans une barque poussée par un homme debout se trouvent une femme voilée et assise, et un enfant. Il y a bien sûr quelques variations mais l'idée reste la même : il s'agit clairement d'un changement de rive. Dans le Rider cependant où l'eau mouvementée est quittée au profit d'une eau calme, le message n'est pas tout à fait le même que dans le Golden Tarot, la femme dont on voit le visage porte un voile noir et tient l'enfant dans ses bras. Le Retour, en France, tout au long du XXe siècle, du Tarot de Marseille originel Face à la prolifération des Tarots anglo-saxons de plus en plus éloignés du Tarot de Marseille, des Cartiers français et des tarologues du XXe siècle ont éprouvé un fort besoin d'authenticité, et sont revenus aux jeux anciens du Tarot de Marseille. Tout démarre avec Paul Marteau, héritier des Éditions Grimaud et philosophe, qui décide de relancer la vente de la partie ésotérique de ses collections. En 1930, il publie à cette fin un Tarot inspiré par le Tarot de Nicolas Conver et qui prend le nom d'"Ancien Tarot de Marseille". L'ÉTOILE des éditions Grimaud à gauche et celle du Conver modernisé par les Éditions Y. Reynaud à droite. Ce Tarot encore considéré comme un excellent Tarot par les amateurs a cependant le défaut d'avoir, pour des raisons d'économies, simplifié les couleurs des iconographies du Conver qui manifestement est la base sur laquelle il travaille. Nous voyons sur l'iconographie de L'ÉTOILE qu'en comparaison avec le Conver, la couleur verte a disparu et que des transformations de couleurs ont été opérées en particulier au niveau de la chevelure, devenue bleue, de l'arbre du fond devenu noir, et dans une partie des deux vasques devenues entièrement de couleur rouge. À partir de là, le Tarot de Marseille provoque un véritable engouement en France et sur le continent européen. LE DIABLE de Jacques Viéville rénové par J.C. Flornoy Le cartier Philippe Camoin se rapproche d'Alexandro Jodorowsky pour faire une sorte de synthèse qu'ils veulent aussi authentique que possible d'anciennes éditions du Tarot de Marseille dont celle bien sûr de Nicolas Conver, mais aussi celle de Jean Dodal, ou encore le Tarot de Besançon. De son côté, Jean Claude Flornoy, cartier, mais aussi enlumineur et philosophe, publie d'anciennes éditions du Tarot de Marseille parmi lesquelles celles de Jean Noblet ou de Jean Dodal, et de Jacques Viéville. Des Cartiers qui nous sont contemporains continuent ce travail de publication des Tarots des XVIIe et XVIIIe siècles, comme c'est le cas d'Yves Reynaud à qui l'on doit les illustrations principales de ce blog, ainsi que de l'artiste et tarologue éclairé qu'est Igor Barzilai du Tarot artisanal. Cela veut-il dire que le véritable Tarot de Marseille est français ? Pour Sir Michael Anthony Eardley Dummett, le grand historien anglais du Tarot, le Tarot n'est pas français, bien que les plus anciennes éditions du Tarot qu'on a pris l'habitude de désigner comme le "Tarot de Marseille" soient dues à des Cartiers français. Il ne vient pas du Moyen Âge non plus. Mais il est italien et né en pleine Renaissance à Milan. LE MONDE retrouvé avec six autres Cartes dans le puits du Château des Sforza à Milan à côté du MONDE de Nicolas Conver Il se trouve, en effet, qu'au début du XXe siècle, six Cartes datant du début du XVIe siècle ont été retrouvées dans un puits du Château des Sforza à Milan. Or, elles étaient en parfaite conformité avec les images du Tarot de Marseille tel que nous le connaissons. Elles étaient aussi déjà accompagnées de leur Nombre. Parmi ces six Cartes, se trouve la Carte du Monde avec une iconographie qui était déjà celle du Conver, et cinq Cartes aux enseignes italiennes. Cette découverte a été décisive à nos yeux. Pour aller plus loin et replacer les Cartes du Tarot de Marseille dans le contexte historique de leur création, celui de la Renaissance italienne, nous vous invitons à lire ce post : l es jeux de cartes à l'époque de la Renaissance . Savoir que le Tarot est né en Italie, à la Renaissance, est essentiel pour ouvrir le Livre en image qu'il représente. Mais cela ne suffit pas. Il faut encore regarder le Tarot pour lui-même et en lui-même et chercher ce qui, dans ce qu'il nous présente, peut nous aider à en retrouver la clé. III - OUVRIR LES YEUX ET TRAQUER, DANS LE TAROT, LES SINGULARITÉS ET ANOMALIES Il y a de nombreuses anomalies et d'étranges singularités dans le Tarot de Marseille, disséminées dans les désignations de Cartes, dans les Nombres et dans les iconographies des Atouts. Sachez que ces anomalies et singularités sont toutes des indices laissés par les créateurs pour permettre à l'amateur de retrouver la clé pour le cas où celle-ci aurait été perdue par la suite des temps qui permet d'ouvrir le Livre en image qu'est le Tarot de Marseille. Résoudre les énigmes que représentent ces anomalies et singularités est l'un des plus sûrs moyens, que possèdent les amateurs du Tarot, pour ouvrir le Livre du Tarot et en lire le message qui s'y trouve inscrit. Voici certaines de ces énigmes : L'étrange écriture du Nombre IIII -Que signifie le nom de "Tarot" ? -Pourquoi les nombres quatre, neuf, quatorze et dix-neuf ont-ils cette graphie si particulière : IIII, VIIII, XIIII, et XVIIII ? -Pourquoi le créateur du Tarot a-t-il éliminé l'article dans la désignation de "TEMPERANCE" faisant, de l'Atout XIIII, une exception ? -Pour quelle raison, dans certains Atouts, le "U" des désignations est remplacé par un "V" ? -Pourquoi la roue dans l'Atout X, LA ROUE DE FORTUNE, tourne-t-elle à l'envers ? -Pourquoi cette écriture du "H" dans la désignation de L'HERMITE ? -Pourquoi LE MAT, le premier Atout, ne comporte-t-il pas de Nombre ? -Que signifient le Livre que tient LA PAPESSE et la Toile qui s'étend derrière elle ? Nous vous invitons à découvrir quelques énigmes du Tarot de Marseille ainsi que la résolution que nous en proposons dans cette catégorie de posts au sein de ce blog : Les énigmes du Tarot . IV - RETROUVER LA TERMINOLOGIE ORIGINELLE ET COMPRENDRE QU'IL Y A TROIS TYPES DE CARTES ET NON DEUX Dépoussiérer les appellations des Cartes De nouvelles terminologies ont, historiquement, et progressivement accompagné les évolutions dans la façon dont le Tarot de Marseille a été saisi en Europe puis partout dans le monde, depuis la redécouverte du Tarot par Court de Gébelin. Elles ont effacé progressivement celle qui se maintenait encore au XVIIIe siècle, dans le monde des joueurs. Or la manière dont sont désignées de nos jours les Cartes du Tarot est loin d'être anodine. Pour accéder à l'enseignement du Tarot, il faut donc procéder à un dépoussiérage dans l'abord du Tarot au regard des transmissions opérées par les occultistes qui démarrent avec Court de Gébelin, car ils ont projeté sur les Atouts du Tarot des interprétations qui ne trouvent pas leur source dans le milieu humaniste de la Renaissance où manifestement le Tarot fut créé. Connaître l'origine des termes "lames", "Arcanes Majeurs" et "Arcanes Mineurs" pour s'en libérer Nous devons les plus importantes redésignation des Cartes du Tarot essentiellement à Paul Christian, de véritable nom Jean-Baptiste Pitois. Cet occultiste du XIXe siècle a projeté sur le Tarot le vocabulaire de la cartomancie et de l'alchimie. C'est ainsi que le terme de "carte" fut progressivement banni et remplacé par celui de "lame", au point même que les ouvrages des taromanciens et tarologues les plus sérieux interdisent désormais à l'amateur de parler de "cartes de Tarot", estimant voir là, un sacrilège. Ce terme de "lame" renvoie pourtant à une interprétation du Tarot en faveur de l'axe divinatoire dont rien ne prouve qu'il fut celui du Tarot au moment de sa création : il vient de la notion de coupe en jeu dans la cartomancie. Le mot "lame" contient d'autre part une forme de tranchant qui, nous le verrons est à l'opposé est du message du Tarot qui ne sépare pas mais unifie, qui ne rejette rien, mais au contraire donne place à tout, y compris au jeu, au léger, au divertissement, et ne choisit pas entre deux valeurs contraires, mais au contraire les harmonise. Mme Anne Catherine d'Helvétius dans le salon de laquelle Court de Gébelin découvrit le Tarot entre les mains des joueurs. Les historiens rectifient au demeurant la légende qui court sur le Tarot et qui ferait de lui l'oracle originel. En réalité, la cartomancie existait avant que Court de Gébelin ne découvre le Tarot et, quand il le découvrit, ce fut sous la forme d'un jeu de société qui se jouait dans le salon de Mme d'Helvétius. C'est donc la cartomancie qui est la mère de la taromancie, et non l'inverse. C'est en effet cet art de la divination à travers la lecture des cartes de jeux qui influence la dissertation que fit le Comte Mellet sur l'usage divinatoire du Tarot et qui se trouve incluse par Court de Gébelin dans son Monde primitif. Nous y lisons clairement des interprétations divinatoires sur les Cartes de tarot qui dérivent de celles qu'avait publiées Jean-Baptiste Alliette dit Etteilla quelque temps avant l'écriture du Monde primitif . Par la suite, ce dernier, trouvant sans doute l'interprétation du Comte Mellet intéressante, s'appropria le Tarot et le transforma, pour le rendre plus "égyptien". Nous devons aussi le terme d'"Arcane" à Jean-Baptiste Pitois - dit Paul Christian - par l'usage d'un terme alchimique qu'il a plaqué sur le Tarot. Un arcane, en matière d'alchimie, c'est une opération secrète connue de quelques rares initiés dans l'élaboration du grand Oeuvre. S'il y a bien un message hermétique dans le Tarot - car tel est bien celui que nous avons découvert - celui-ci ne doit rien à l'alchimie et qui relève d'une autre tradition centré sur un travail concret sur les métaux. Diviser le Tarot en Arcanes Majeurs et Arcanes Mineurs est contraire à la doctrine hermétique qui fonde le Tarot Le défaut majeur de la redésignation opérée par Paul Christian, c'est d'avoir hiérarchisé les Cartes du Tarot. Qui pourrait bien s'intéresser sérieusement, dès lors, à ce qui est mineur ? Tant de taromanciens, comme l'avait fait lui-même Paul Christian, se contentent des Atouts ! Le vocabulaire employé par Jean-Baptiste Pitois a donc un immense défaut : il divise le Tarot en deux parties et les hiérarchise. Diviser le Tarot en Arcanes Majeurs et Arcanes Mineurs a eu pour effet d'invisibiliser les Cartes de Cour En divisant le Tarot en deux parties, il invisibilise une partie essentielle du Tarot : les Honneurs. Dans les Cartes dites "de Couleur", ce qui est le terme exact pour parler de ce que Jean-Baptiste Pitois désigna sous le terme d'"Arcanes mineurs", il y a ce que les joueurs appellent des "Honneurs" appelées aussi "Cartes de Cour" ou encore "Figures", c'est-à-dire les représentants de l'humanité. Qui peut croire que les humanistes de la Renaissance qui, comme leur nom l'indique, avaient la plus haute idée du rôle de l'humanité dans le monde, auraient pu désigner les Cartes représentant l'humanité par ce terme d' "Arcanes mineurs". Le terme d'"Honneur" des joueurs rend bien mieux ce qui était en jeu pour eux : c'est effectivement une désignation très positive. Pourquoi revenir à la terminologie originelle ? Les Honneurs dans les quatre Cours du Tarot Revenir à la terminologie originelle nous permet donc de mettre de côté les usages divinatoires des Cartes de Tarot, de nous tourner davantage vers l'axe initiatique, mais aussi d'interroger le milieu historique de la création de cet étrange jeu à si forte valeur symbolique. Essayer de retrouver l'esprit qui animait la Renaissance italienne qui a vu naître le Tarot c'est en effet être tout près de se mettre en capacité de comprendre le message du Tarot. Revenir à la terminologie originelle met l'accent sur les différents types de Cartes en jeu dans le Tarot : ce dernier n'est pas constitué de deux types de Cartes mais de trois : les Atouts, les Cartes de Cour et les Nombres. Retrouver le vocabulaire originel permet de redonner de la visibilité aux Cartes de Cour et de comprendre qu'elles sont au centre du Tarot, exactement comme la Danseuse cosmique est au centre de l'Atout XXI, LE MONDE. L'une reflète les autres et vice-versa. Parler de "cartes du tarot" permet aussi, et ce n'est pas négligeable, de dégonfler les prétentions qui ne manquent pas de trouver de quoi se nourrir sur le chemin spirituel : c'est par un jeu et de manière ludique que la destinée hermétique de l'humanité se réalisera. Car le jeu est une activité libre, gratuite, ludique, créative, sociale, et ressourçante. IV - SE RENSEIGNER SUR LE TYPE DE DOCTRINE SPIRITUELLE QUI IMPRÈGNE L'ESPRIT DE L'ÉLITE DE LA RENAISSANCE Apprivoiser l'Esprit de la Renaissance italienne Cette dernière règle est essentielle, même si malheureusement la Renaissance italienne est mieux connue du côté de ses expressions artistiques et pour ses inventions technologiques que du côté de sa philosophie. Lucas Paccioli et son enseignement de la géométrie sacrée Pourtant il y a de grands noms qu'on ne peut oublier, que ce soit Lucas Pacioli et sa Géométrie sacrée dont l'oeuvre principale, La Divine proportion , n'a certainement pas été écrite à Milan entre 1496 et 1498 à la Cour de Ludovic Sforza sans que les créateurs du Tarot n'en ait été informés. Marsile Ficin est aussi un grand nom qu'on ne saurait négliger si on veut comprendre l'ambiance qui a conduit à la création du Tarot de Marseille. C'est lui qui fit redécouvrir Platon à l'Italie intellectuelle et artistique ainsi que le Corpus Hermeticum arrivé de Constantinople en langue grecque et traduite par ses soins. Lire ou relire Les Mots et les Choses de Michel Foucault Pour ceux qui veulent aller plus loin et s'imprégner de l'esprit de la Renaissance en se gardant des préjugés qu'on trouve habituellement sur cette période, ils trouveront un texte précieux : le début d es Mots et des Choses de Michel Foucault. Dans cette archéologie qu'il entreprend des sciences humaines, au chapitre II, intitulé "la prose du monde", il étudie les procédés intellectuels qui supportaient toute l'architecture mentale de la Renaissance. Car si certes à la Renaissance s'enracinent nos sciences modernes, expérimentales, il serait cependant vraiment dommage de ne voir en elle que le socle fondateur de la modernité. Ce serait surtout une erreur qui rendrait impossible de comprendre le message du Tarot. La Renaissance était encore enracinée dans une vision médiévale où le merveilleux n'avait pas quitté la Terre. Elle croyait à l'harmonie de tout avec tout. Elle s'enchantait de ce que le Ciel et la Terre ne cessaient de se refléter mutuellement, s'interrogeant sur le rôle de l'humanité au milieu de la Création. La Renaissance ne voulait pas tout soumettre à la raison ce que fera le XVIIe siècle qui allait suivre, elle voulait la parfaite entente entre l'imagination et la raison. Elle n'était pas encore rationaliste. Elle croyait aux forces de l'invisible et de l'esprit. Voici comment démarre l'inoubliable peinture que fait, dans Les Mots et les choses, Michel Foucault de la représentation du monde qui était celle de l'élite intellectuelle de l'Europe à la Renaissance. Cet état d'esprit que peint Michel Foucault est encore valable ou peut-être même surtout valable au quattrocento, en Italie, à l'époque où selon toute vraisemblance historienne, le Tarot fut créé : " Jusqu'à la fin du XVIe siècle, la ressemblance a joué un rôle bâtisseur dans le savoir de la culture occidentale. C'est elle qui a conduit pour une grande part l'exégèse et l'interprétation des textes : c'est elle qui a organisé le jeu des symboles, permis la connaissance des choses visibles et invisibles, guidé l'art de les représenter. Le monde s'enroulait sur lui-même : la terre répétant le ciel, les visages se mirant dans les étoiles, et l'herbe enveloppant dans ses tiges les secrets qui servaient à l'homme. La peinture imitait l'espace. Et la représentation - qu'elle fût fête ou savoir - se donnait comme répétition : théâtre de la vie ou miroir du monde, c'était là le titre de tout langage, sa manière de s'annoncer et de formuler son droit à parler." Le Tarot est l'Objet par excellence dont s'est dotée cette époque pour servir de Miroir où se reflétait pour l'élite de la Renaissance Ciel et la Terre et surtout la vie humaine et, au tarologue attentif, il murmure bien des secrets profonds de la vie .
- L'AMOUREUX, Atout VI (accès libre)
L'AMOUREUX - ATOUT VI (Tarot Conver, Éditions Yves Reynaud) LES CARACTÉRISTIQUES DE L'AMOUREUX L'AMOUREUX est le deuxième Atout collectif après LE PAPE : on y voit quatre personnages, dont un ange - le petit Éros- et trois êtres humains - dont un jeune homme, au centre de la Carte, et qui donne son nom à l'Atout. Sous l'influence d'Éros, c'est une relation triangulaire qui se joue sur la Carte : un jeune homme se tient entre une femme plus âgée sur sa gauche, et une jeune femme sur la droite. Les jambes de L'AMOUREUX montrent son hésitation puisque ses pieds rouges sont orientés des deux côtés. Et si la jambe droite fait clairement un pas, cependant, vers la jeune fille, le visage et les yeux du jeune homme restent fixés sur la femme d'âge mûr. Chacune des femmes revendique L'AMOUREUX comme sien, chacune a une main sur son corps. La couronne des jeunes femmes est différente : fait de laurier pour la femme d'âge mûr et de fleur pour la jeune fille. Bien que les cheveux de L'AMOUREUX soient plus longs, son visage est si ressemblant à celui du BATELEUR qu'ils sont souvent identifiés l'un à l'autre. Pourtant, l'âge symbolique qui est le leur est différent : âge du nouveau et de l'enfance pour LE BATELEUR, L'AMOUREUX est un adolescent. Le petit ange qui surplombe L'AMOUREUX est volant et puissamment rayonnant. Identifié à raison au petit dieu Éros de la mythologie grecque, il incarne, cependant, dans le Tarot, une manifestation de l'énergie divine. L'AMOUREUX est le premier Atout de la seconde Main du Tarot. L'AMOUREUX appartient à la Verticale du Nombre I du Tarot. De ce fait, cet Atout joue un rôle important dans la construction de l'individualité. LE DIABLE est l'Atout complémentaire de L'AMOUREUX, et le couple qu'il forme avec lui appartient à une Croix de Complémentaire où se trouvent aussi LA ROUE DE FORTUNE et LA FORCE. L'AMOUREUX EST L'ATOUT DES TEMPS DE MUTATION ET DES HÉSITATIONS QUI LES ACCOMPAGNE L'étape que représente L'AMOUREUX, c'est celui du passage : passage de l'enfance à l'âge adulte, passage des habitudes anciennes à un comportement nouveau, passage d'une vie dépassée à une vie renouvelée. Mais le passage n'est pas aisé. L'AMOUREUX témoigne de son attachement à la vie passée. Il se tient hésitant entre les deux mondes que symbolisent les deux femmes qui l'entourent. Mais ce qui, en lui, permet d'envisager la transformation qui approche, c'est la force de la passion et l'attrait du Nouveau qu'incarne le petit Dieu Éros. En chacun, Éros s'exprime sous la forme d'une puissante impulsion vers un renouveau de vie. Cette impulsion naît du plus profond de soi explique le Tarot qui lie le Nombre I à l'Atout VI. Cette mutation qui s'approche, et dont l'Atout témoigne par l'image de la jeune fille de droite, n'est pas subie de l'extérieur. En réalité, c'est l'énergie érotique, la libido de L'AMOUREUX qui mobilise les forces de ce dernier pour le faire avancer. L'énergie érotique oriente celui qui l'éprouve vers ce dont il vraiment besoin, tout comme vers ce qu'il lui est nécessaire pour suivre l'impératif du moment, et accomplir sa vraie nature. En L'AMOUREUX dont le Nombre VI termine par le I, c'est le petit Soi qui s'exprime par cette impulsion qui l'oriente vers autre chose que ce qu'il a l'habitude d'être ou de faire... Il est appelé par de nouvelles aventures, souvent amoureuses, mais pas seulement. La passion qui se déclenche, dans la seconde Main du Tarot et qui place cette dernière en relation harmonieuse avec les Bâtons, relève de l'élément Feu. Or le Feu nourrit une dynamique profondément transformatrice. L'ENGAGEMENT DANS LE VISCONTI-SFORZA Comparer le Tarot à son prédécesseur : le Visconti-Sforza, le jeu princier à Triomphes qui a inspiré le Tarot permet toujours de mieux cerner le message hermétique que contient le Tarot dit de Marseille. Or, dans , la scène qu'on y trouve est très différente. Le Visconti-Sforza saisit un moment important dans la vie amoureuse : c'est une scène d'engagement : déclaration d'amour ou fiançailles. L'engagement dans le Visconti-Sforza Si l'on regarde les exemplaires qui nous restent du jeu princier à Triomphes Visconti-Sforza, à partir duquel les créateurs du Tarot ont repensé le Tarot pour en faire un Livre en image de la doctrine hermétiste, on ne peut donc qu'être frappé par le fait que le Tarot de Marseille s'est alors puissamment émancipé de son modèle et des codes de l'époque. Alors que nous assistons à un engagement sous l'égide d'un jeune dieu Éros aveugle dans le Visconti-Sforza, dans le Tarot de Marseille, il s'agit d'un triangle avec trois êtres humains, où manifestement un jeune homme hésite entre deux femmes. Nous n'avons pas, dans le Visconti, la notion d'hésitation qui devient centrale dans le Tarot de Marseille. C'est même l'inverse. S'engager, c'est sortir de la période que cerne L'AMOUREUX du Tarot de Marseille où l'on hésite encore entre l'Ancien monde et le Nouveau. L'UNION ÉDÉNIQUE DU RIDER La suite est ici .
- LE CHARIOT, Atout VII (accès libre)
LE CHARIOT du Tarot Conver, des Éditions Yves Reynaud) LES CARACTÉRISTIQUES DU CHARIOT Un jeune prince couronné nous fait face, dans un chariot couvert et entouré de quatre piliers, dont deux verts et deux dorés. C'est un guerrier qui a des épaulettes en forme de visages lunaires. LE CHARIOT est le seul Atout avec des chevaux : c'est le plus véloce des Atouts. Les chevaux du CHARIOT ont des orientations différentes, bien que tous les deux regardent vers la gauche. LE CHARIOT fait suite à L'AMOUREUX dans la seconde Main du Tarot, Main où est en jeu l'appartenance de l'être humain à la cité, la communauté relation sociale et politique. LE CHARIOT est le second Atout de la Verticale des II. Le Nombre VII du CHARIOT est le seul Nombre qui va jusqu'à la réalisation, le Nombre XXI, en ne faisant que se répéter : VII+VII+VII=XXI. L'Atout complémentaire du CHARIOT est TEMPÉRANCE. LE CHARIOT appartient à une Croix d'Atouts complémentaires où en plus du couple qu'il forme avec TEMPÉRANCE est en jeu le couple formé par LE PENDU et L'HERMITE. LE CHARIOT est le Maître-Atouts des Cavaliers. LE NOMBRE VII DU CHARIOT, SA SYMBOLIQUE, ET SA PUISSANCE Il y a un autre fondement structurel à cette intuition qu'ont eu les taromanciens selon lesquels LE CHARIOT représente le succès, la chance, la réussite. Il se trouve en effet que le Nombre VII est le seul Nombre qui n'a besoin que de se tripler lui-même pour aller jusqu'au XXI : VII plus VII plus VII égale XXI. LE CHARIOT-Camoin-Jodorowsky Pour parvenir à TEMPÉRANCE, LE CHARIOT ne fait que se doubler lui-même. Cela met en lumière la puissance que possède le nombre VII qui n'a en quelque sorte qu'à s'affirmer encore et encore pour parvenir, dans sa singularité, à la perfection que représente LE MONDE, comme s'il était en lui-même un raccourcis du MONDE. En ce sens, on peut dire que LE CHARIOT représente quelque chose de singulièrement parfait dans ce reflet qu'il présente à voir du visage céleste du divin qu'est l'Anthropos, tout comme archétype de l'humanité. C'est pourquoi il est légitime de faire du CHARIOT l'un des visages du Christ. C'est sans doute ce pouvoir d'aller directement au but sans avoir besoin d'autre Nombre que de lui-même et sa propre multiplication, qui explique aussi pourquoi LE CHARIOT a pris une valeur aussi positive au sein du discours de taromancie. Rappelant aussi les défilés antiques de César au retour de ses victoires, LE CHARIOT se présente en effet pour lui comme la carte du succès et du triomphe. Voici ce qu'en disent Marianne Costa et Alexandro Jodorowssy dans La Voie du Tarot : " LE CHARIOT est souvent vu comme un conquérant à l'action puissante, un amant à la sexualité triomphante. Il annonce parfois un voyage. Certains y voient même l'annonce d'un succès au cinéma ou à la télévision, puisque le personnage apparaît dans un cadre, comme une marionnette dans un théâtre. Dans tous les cas, c'est une carte qui s'avance vers le succès. Ses seuls dangers sont l'imprudence et l'inflexibilité du conquérant qui ne doute pas du bien-fondé de sa conquête ." Si la référence au cinéma et à la télévision relève de ces anachronismes suscités par la projection d'un esprit moderne sur un objet créé à la Renaissance, la tonalité reste juste : LE CHARIOT est un conquérant qui va de succès en succès, en raison de la puissance du Nombre VII, seul Nombre qui se suffit à lui-même pour parvenir jusqu'au XXI. LE CHARIOT EST UN CONQUÉRANT, UN CONQUISTADOR, UN COLONISATEUR Alexandre le Grand, beau Chariot de l'histoire antique Très clairement le jeune prince couronné qui est monté sur son char est harnaché comme un militaire et possède une armure en partie dorée. Il possède un haut et fin bâton de commandement. Dans sa vélocité - LE CHARIOT est le plus rapide des archétypes tarologiques - et dans sa puissance, il part à la conquête d'un Nouveau Monde. Très vraisemblablement passionné par la nouveauté, les découvertes, et les explorations, c'est un conquérant qui s'empare d'aussi vastes territoires que possibles. LE CHARIOT s'est trouvé incarné dans des personnages remarquables au sein de l'histoire de l'humanité : Alexandre le Grand ou le jeune Napoléon Bonaparte en sont d'illustres manifestations. Mais le regard sur ces grands conquérants a bien changé depuis quelques décennies et le Christophe Colombe de mon enfance, un explorateur et un héros de la conquête du Nouveau Monde a pris le visage odieux des conquistadores, ces aventuriers sans foi ni loi qui ont décimé les populations indiennes d'Amérique. C'est hélas l'un des aspects du CHARIOT : quand il part à la conquête du monde, il ne fait guère de quartiers de ses rivaux, et lui qui part à la découverte de terres inconnues, ne sait rien faire d'autre que de les ramener aussi près de lui que possible. Ce conquérant est aussi un envahisseur et un colonisateur, il exporte partout ses manières d'être. D'où l'importance que LE CHARIOT se mette en relation avec son Atout complémentaire TEMPÉRANCE qui le conduit au respect de la différence et à faire des autres des amis plutôt que des soumis ou des ennemis. LE CHARIOT EST LE SECOND ATOUT DE LA VERTICALE des II Pour aller plus loin, c'est ici .
- L'EMPEREUR, Atout IIII (accès libre)
L'EMPEREUR du Tarot Conver, Éditions Yves Reynaud LES CARACTÉRISTIQUES DE L'EMPEREUR Le Nombre de L'EMPEREUR est le Nombre IIII, à l'écriture si particulière. Vous pouvez trouver ici , de quoi nourrir votre réflexion sur cette écriture, car elle représente une des énigmes du Tarot. Et résoudre ses énigmes, c'est commencer à en traduire le langage et à en saisir le message. Le symbole de L'EMPEREUR est le carré, forme géométrique parlant de réalisation concrète et de frontières. L'EMPEREUR a le corps entièrement tourné vers la gauche : c'est un conservateur. Il est le gardien des traditions. Ses pieds sont rouges, et la couleur rouge domine, avec la couleur dorée, sa vêture et sa coiffe. Sa couronne est un casque. L'EMPEREUR est un défenseur : il est le gardien des frontières et de l'ordre. Sur son blason, on voit un aigle doré déployé. Dans sa main gauche, le sceptre de son pouvoir, dans sa main droite, la ceinture d'or. Sur sa poitrine, une chaîne en or, symbole du maillage sociétal qui est de sa responsabilité. Les jambes de L'EMPEREUR forment un quatre en chiffre arabe. Il a le genou gauche plié, se tenant sur la jambe droite. L'EMPEREUR est sur un trône, mais il règne sur un sol où domine la nature et qui a la couleur bleue. Socle de la Verticale des IIII et quatrième Atout de la première Main, L'EMPEREUR représente un type d'homme viril et le père tribal. Son Atout complémentaire est L'ÉTOILE, et il appartient à la Croix des complémentaires où ce couple croise avec celui que forme LA PAPESSE et LE SOLEIL. L'EMPEREUR, LES VIEUX TYRANS ET UN MONDE POLITIQUE ARCHAÏQUE L'EMPEREUR est entièrement tourné vers la gauche qui symbolise le passé, les acquis, les traditions. C'est le rôle de L'EMPEREUR que d'en être le gardien. L'EMPEREUR n'est pas un progressiste, ce que sera au contraire LE PAPE après lui. C'est un conservateur qui se veut le gardien des traditions. Le Nombre est le IIII de L'EMPEREUR a pour symbole géométrique le carré, un symbole angulaire qui renvoie à l'idée de solidité, de construction, de clôture, et de défense d'un espace fermé. L'EMPEREUR impose un ordre politique hiérarchique. Il est le garant d'un fonctionnement politique qui repose sur des hiérarchies qui imposent une inégalité entre les êtres humains. Entre les hommes et les femmes, par exemple, entre les générations, entre nobles et roturier... et toujours il est placé, lui, tout en haut des hiérarchies de pouvoir et de privilèges. Dans l'univers historique de l'humanité, L'EMPEREUR semble le digne représentant du pouvoir patriarcal. L'EMPEREUR est en outre casqué et pas seulement couronné. Les chefs politiques qui peuvent décider que leurs communautés vont prendre les armes ne le font pas seulement pour garantir la sécurité nationale, son territoire et ses frontières (symbole du carré), et dès lors l'intégrité et la survie de la communauté qu'ils dirigent contre les agressions extérieures. Ce sont souvent des conquérants comme le signale l'Aigle qui se trouve sur le blason de L'EMPEREUR et qui a toujours accompagné les ambitions impériales depuis la Rome antique. Poutine et l'armée russe Comment ne pas voir dès lors que la stabilité du monde a toujours été mise en risque - et c'est particulièrement vrai de nos jours - du fait même de l'autorité de vieux chefs politiques aux structures mentales archaïques dont L'EMPEREUR semble le représentant symbolique ? Poutine, Erdogan, Trump, Xi Jinping, Benyamin Netanyahou... Ne sont-ils pas tous des EMPEREURS traditionalistes et conservateurs, arc-boutés sur les défenses de leur territoire, désireux d'en annexer de nouveaux, entraînant leur communauté dans des aventures militaires déplorables et dangereuses ? Cela signifie-t-il que cet Atout III qu'est L'EMPEREUR est dépassé ? Qu'il est le symbole d'un âge, où tout ce qu'il représente : des formes d'enfermement traditionnel et de domination aux volontés impérialistes apparaît désormais inacceptable ? Ne s'agit-il pas désormais de se débarrasser du pouvoir de L'EMPEREUR en transformant les vieux mécanismes de la domination politique, en institutions démocratiques où l'égalité remplace la hiérarchie, où l'ordre n'a d'autre fin que de garantir la liberté de chacun, où les femmes ne seront plus soumises à un ordre aussi archaïque que déplorable ? Ne serait-il pas temps, aussi, de reléguer ces vieux représentants du pouvoir mâle dans des rôles plus subalternes et de mettre fin, définitivement, au vieil ordre patriarcal, dont le Tarot resterait, hélas, le représentant archaïque en faisant de L'EMPEREUR un Atout plus puissant que celui de L'IMPÉRATRICE ? L'AIGLE IMPÉRIAL ET SA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE AU SEIN DE L'ATOUT IIII L'Aigle est inscrit sur le blason posé sur le sol à la droite de L'EMPEREUR. C'est le symbole de son pouvoir impérial. Or l'aigle n'est pas n'importe quel animal au sein de l'imaginaire politique. C'est le symbole du pouvoir politique d'un homme étendu, par la conquête, sur des nations au départ étrangères. C'est l'emblème de Zeus puis de Jupiter, son équivalent latin, en tant qu'il est le roi de l'Olympe, dans un Ciel divin déjà contaminé, gravement, par le pouvoir patriarcal. C'est aussi le symbole du pouvoir colonisateur de la Rome antique d'abord, repris ensuite par Charlemagne. Napoléon a remplacé, par l'aigle, la fleur de lys de l'ancien pouvoir royal de France. C'est le symbole des États-Unis d'Amérique. Et on le trouve parmi les emblèmes nazis après avoir orné les blasons du pouvoir germanique. Mais l'aigle a sa place, aussi, dans l'imaginaire symbolique. C'est un symbole alchimique avec une double valeur : il proclame une supériorité politique, mais aussi une profonde aspiration spirituelle. Ce symbole affirme des ambitions de domination temporelle, mais il parle aussi d'une grande élévation de l'âme, confirme G. Romey, qui dévoile ses significations au sein de l'univers onirique dans le Dictionnaire de la symbolique des rêves : "L’alchimie offre une image qui expose la profonde ambivalence symbolique de ce rapace. L’éclosion d’un œuf laisse apparaître un aigle à deux têtes dont l’une porte la couronne royale et l’autre soutient la tiare pontificale. L’une et l’autre parures proclament l’aspiration à la puissance : domination temporelle pour la première, emprise spirituelle pour la seconde. Les richesses de la terre et les chemins du ciel ! La puissance et la gloire ! Comme l’or, l’aigle alimente une formidable ambiguïté. L'aigle du rêve, explique ce grand compilateur de la symbolique onirique que fut G. Romey n'est pas cependant, d'abord, l'animal qui est en lien à l'Élément Air, et qui, dans l'Atout XXI incarnera la plus haute sagesse humaine. Dans les rêves éveillés libres, il intervient d'abord en tant que rapace à la griffe prédatrice et dominatrice. L'aigle onirique est d'abord l'oiseau noir, l'oiseau qui apporte l'obscurité et la guerre, quand la colombe, son antagoniste en tant qu'oiseau blanc, est porteuse de lumière et de paix. L'aigle du rêve, explique encore G. Romey, " dénonce le plus souvent un rapport au monde construit autour d'un réflexe de compétition ." Et pour l'inconscient, « sa puissance reste celle d’un rapace, sa serre une griffe cruellement dominatrice ; son goût de l’altitude en fait un créateur d’abîmes . » Comment dès lors concilier la sagesse de l'Aigle qui accompagne la Danseuse du MONDE et les emblèmes impériaux, symboles de violence et d'oppression qui ont accompagné l'histoire des empires politiques ? Et que dit vraiment ce symbole, sur le blason de L'EMPEREUR ? Pour aller plus loin, c'est ici .
- L'IMPÉRATRICE, Atout III (accès libre)
L'IMPÉRATRICE du Tarot Conver, Éditions Yves Reynaud LES CARACTÉRISTIQUES DE L'IMPÉRATRICE L'IMPÉRATRICE est assise, sur son trône aux couleurs bleu et or, de face, les jambes ouvertes. Elle tient son sceptre dans la main droite, et un écusson impérial avec un aiglon dans le bras gauche. Les Yeux de L'IMPÉRATRICE regardent vers la droite, en direction de son époux, L'EMPEREUR. L'IMPÉRATRICE a pour Nombre le III, elle inaugure, de ce fait, la Verticale des III où se trouvent LA JUSTICE, L'ATOUT XIII et LA LUNE. L'Atout XVIII, LA LUNE, est l'Atout complémentaire de L'IMPÉRATRICE (III + XVIII = XXI), mais, pour parvenir à se relier à LA LUNE, elle prend appui sur LE DIABLE (III + XV = XVIIII). La Croix de Complémentaires à laquelle appartient L'IMPÉRATRICE est une Verticale : la sienne, la Verticale des III. Elle réunit deux couples d'Atouts Complémentaires : L'IMPÉRATRICE et LA LUNE d'un côté, LA JUSTICE et L'ATOUT XIII de l'autre. AU SEIN DE LA PREMIÈRE MAIN, L'IMPÉRATRICE ET LA PAPESSE REPRÉSENTENT DEUX ARCHÉTYPES DIFFÉRENTS DE MÈRES La première Main du Tarot met en scène la famille humaine. Comme on peut le constater, l'Atout central de cette Main, c'est L'IMPÉRATRICE. Tout repose en effet sur son pouvoir reproducteur, mais aussi sur sa capacité à gérer sa famille sans jamais léser personne. En cela, elle se distingue de LA PAPESSE qui représente un autre type de mère. Regardons l'orientation des corps de LA PAPESSE et celui de L'IMPÉRATRICE : LA PAPESSE est entièrement tournée vers la gauche qui symbolise l'intériorité ainsi que le passé et, au sein de la première Main du Tarot, elle regarde LE BATELEUR, l'enfant. L'IMPÉRATRICE a un corps aux orientations complexes. Le corps bien de face, portant l'écusson à l'Aiglon qui est un indicateur de l'enfant (l'aiglon est le petit de l'aigle impérial), ses yeux sont tournés vers son époux, L'EMPEREUR. Alors que LA PAPESSE symbolise la mère fusionnelle, mère en jeu dans la relation duelle où domine le couple mère-enfant, L'IMPÉRATRICE est la femme des relation triangulaires. Elle n'est plus orientée que par l'enfant qui a grandi. Elle a repris une posture où elle donne de l'importance à chacun des enfants et à son époux, ainsi qu'à son activité impériale. L'IMPÉRATRICE est le symbole tarologique de la femme aux multiples intérêts. C'est une femme qui assume toutes ses fonctions : maternelle, conjugale, et jusque et y compris sa participation à la vie sociale que représente son lien à l'Atout VIII, LA JUSTICE, qui, au sein de l'Arbre du Tarot, la surplombe, et qui en est dès lors l'une des modalités. Dans un sens élargi, LA PAPESSE représente la situation en gestation, quelque chose couve et qui menace de se dévoiler. L'IMPÉRATRICE représente le stade suivant : ses jambes ouvertes sont l'expression d'un accouchement. Ce qui couvait s'est dévoilé. C'est quelque chose de neuf qui exige une attention toute particulière, dans une posture maternelle. LA SYMBOLIQUE DU NOMBRE III ET CELLE DU TRIANGLE Le nombre trois porte en lui une très forte impression d'harmonie, d'équilibre. Et c'est d'ailleurs pourquoi les peintres, les romanciers, les penseurs adoptent souvent le rythme ternaire pour s'exprimer. Ce fut, au demeurant, le modèle de la bonne dissertation, expression écrite enseignée durant des décennies en France, et fondée sur le modèle hégélien de la manifestation, toujours en trois temps : celui de l'Affirmation, puis celui de la Négation et enfin celui de la Synthèse qui dépasse l'opposition. Si ce Nombre III donne au lecteur une impression de complétude et d'achèvement, c'est parce qu'il impose de dépasser l'opposition (thèse - antithèse), et dès lors, de permettre à la pensée de ne pas rester enfermée dans des postures irréconciliables. Il s'agit d'aller jusqu'à la synthèse où s'expriment des compromis. Tel est souvent le rôle de la mère au sein de la famille : faire le lien, adoucir les oppositions, et les heurts, permettre les réconciliations. Le trois est le premier nombre qui fait cercle. Avant lui, la ligne ou la dualité des deux lignes parallèles (deux individualités qui ne communiquent pas vraiment) ou en croix (deux individualités qui s'affrontent). Avec le III est en jeu la figure géométrique du triangle : les trois traits se lient les uns aux autres mais deux par deux seulement et il faudra s'en souvenir. Le type de cercle que permet le triangle reste insuffisant. Il faudra, pour que le cercle se termine vraiment, atteindre le V, le nombre de l'étoile pentagrammique à cinq branches où tous les traits en jeu sont liés entre eux et non trois par trois. Le Nombre III est femme, dans le Tarot, tout comme le Triangle, son équivalent géométrique. Dans les REL (Rêve Éveillé libre), le symbole universel, apparaît surtout comme l'image onirique qui signale la triangulation de la relation enfant, mère, et père. L'IMPÉRATRICE ET LE NÉCESSAIRE THÉÂTRE OEDIPIEN Toutes les thérapies de type analytique mettent l'accent sur la nécessité, pour le psychisme en construction de l'enfant, de sortir de la relation duelle qu'il a, au départ, avec toutes les personnes qui s'occupent de lui et tout particulièrement avec sa mère, et cela afin, ensuite, de pouvoir entrer dans un type de relation où il se découvre relativisé et mis en rivalité. Pour lire la suite, c'est ici .
- LA PREMIÈRE MAIN DU TAROT (accès libre)
La première Main du Tarot et la Couleur de Denier L'ANTHROPOS PRIMORDIAL ET L'ÂME DIVINE EN MIROIR DANS LE TAROT HERMÉTIQUE Il est impossible d'ouvrir le Livre du Tarot et de comprendre ce que ses créateurs ont cherché à transmettre par cette transformation qu'ils ont fait subir aux jeux princiers à triomphes qui avaient cours à leur époque, sans rien connaître à la philosophie hermétique que l'élite de la Renaissance avait découverte puis adoptée du fait de la traduction opérée par Marsile Ficin du Corpus Hermeticum venu de Constantinople. Car c'est elle qu'ils ont voulu transmettre dans ce jeu, en apparence, anodin qu'était le jeu de Tarot. Vous la trouverez en détail et en accès libre ici . Puisque c'est la philosophie hermétique que le Tarot illustre, il n'est pas surprenant d'y trouver l'Être Humain archétypal : l'Anthropos primordial dont parle le Poimandrès , le premier Traité du Corpus Hermeticum, qu'avait traduit par Marsile Ficin. C'est LE MONDE qui le représente. Et comme pour les hermétistes, l'Anthropos primordial est le miroir spirituel fidèle du divin, le reste des Atouts en est en quelque sorte l'Image archétypale agrandie. Les trois premières unités de la Canne royale avec en 1 la palme, en 2 l'empan, et en trois la paume. Pour l'élite de la Renaissance en effet, les mesures des constructions parfaites, celles que choisit le divin lui-même pour façonner la matière vivante, sont régies par le Nombre d'Or. Ce Nombre d'or est à l'origine des mesures de la Canne de l'architecte (ou Canne royale) à partir desquels l'humanité, imitant le divin, bâtit les temples antiques et les cathédrales médiévales. Or, ce même Nombre d'or s'inscrit en tout premier lieu dans le corps humain, et à l'intérieur de ce corps, tout particulièrement dans les mains de l'humanité. La mesure des différentes parties de la main humaine donne les premières dimensions de la canne de l'architecte. De Vinci, L'homme de Vitruv e Un jeu de miroir entre la construction du monde et les mesures anthropiques du corps humain obéissant, dans leur mise en relation au Nombre d'or (la mesure de la palme étant égale à la mesure de l'empan multiplié par le nombre d'or, celle de l'empan à la paume multipliée par le nombre d'or...) a conduit la Renaissance sur le même chemin que l'hermétisme alexandrin, quand ce dernier affirmait que le Monde archétypal et l'Anthropos primordial, c'est-à-dire l'Humain originel, purement spirituel et idéal et dont la représentation la plus accessible est celle de l'Homme de Vitruve de Léonard de Vinci sont les deux visages du divin, chacun étant aussi son Enfant très chéri. La Carte du MONDE représente l'Anthropos primordial tel que l'élite de la Renaissance le voyait : sous la forme d'une Ève mystique, car en elle est contenue le potentiel de l'ensemble de l'humanité. LE MAT représente son énergie brute ainsi que la matrice originelle que contient la Materia prima avant sa formation. Entre eux, c'est l'ensemble de l'Âme cosmique qui est représentée, formée en miroir à l'Anthropos primordial comme l'explique le Poimandrès que Marsile Ficin avait fait connaître à ses contemporains, avec deux pieds (les deux premières Mains du Tarot) et deux mains (les deux dernières Mains). L'ensemble que forment les Atouts de I à XX représente en effet le corps spirituel de l'Âme du monde, la partie immatérielle du divin tel que se la représentaient, à la suite de la lecture du Poimandrès, les hermétistes de la Renaissance. L'Âme divine est donc symbolisée, au sein du Tarot, par les quatre Mains de ce dernier, chacune étant constituée de cinq Atouts. Les deux premières Mains représentent en quelque sorte les pieds et le bas du Corps de l'Anthropos primordial, les deux dernières le haut de son corps et ses mains. RENDONS HOMMAGE À JEAN-CLAUDE FLORNOY ET À SA VISION DES ATOUTS EN CINQ PARTIES et QUATRE ÂGES À notre connaissance, seul le cartier, enlumineur et philosophe Jean-Claude Flornoy à qui l'on doit les premières rééditions d'anciennes expressions françaises du Tarot de Marseille a su saisir les quatre Mains du Tarot comme des ensembles distincts au sein des Atouts. Son organisation des Atouts en un grand Carré montre l'existence de quatre âges à franchir avant que ne soit atteinte la Sagesse avec LE MONDE. Ces quatre âges ne sont pas autre chose que les Mains du Tarot, avec pour première Main qui démarre avec LE BATELEUR, le temps de l'enfance, pour seconde Main qui démarre avec L'AMOUREUX le temps de l'apprentissage, pour troisième Main qui démarre avec LA FORCE, le temps du compagnonnage, et enfin la dernière et quatrième Main qui démarre avec LA MAISON DIEU et qui représente le temps de la maîtrise. Dans la première Main qui nous intéresse ici, Jean-Claude Flornoy parle à juste titre de "la construction du corps physique", et du "temps de l'enfance" : la famille humaine est ce qui permet à l'être psychique de se construire. Elle lui donne les fondations matérielle (le corps, le patrimoine génétique) et mentale (la langue, la culture, les moeurs, etc.) dont toute conscience humaine a besoin pour émerger. C'est le temps de l'incarnation avec, dans la vision de Jean-Claude Flornoy, l'enfant (LE BATELEUR) une grand-mère (LA PAPESSE) du fait qu'à l'époque où le Tarot a été créé, le temps des bâtisseurs de Cathédrales selon lui, les femmes laissaient l'enfant à leur mère pour aller travailler, une mère (L'IMPÉRATRICE), un père (L'EMPEREUR) et un grand-père (LE PAPE). Sans reprendre exactement les analyses de Jean-Claude Flornoy ni suivre complètement les identifications qu'il attribue à LA PAPESSE ou au PAPE, nous ne pouvons qu'admirer son intuition qui annonçait la prochaine ouverture du Livre du Tarot, sans cependant y parvenir complètement du fait d'une erreur historique : le Tarot n'est pas le produit des bâtisseurs de Cathédrales, mais d'une élite hermétiste de la Renaissance. LE SOCLE FAMILIAL DE TOUTE EXISTENCE HUMAINE : IL Y A QUATRE FIGURES PARENTALES ET NON DEUX La première Main représente le socle familial de toute individualité humaine, socle féminin tandis que la seconde Main qui en représente le socle social est son socle masculin. D'où la représentation de cette Main par la Vache dans LE MONDE : c'est l'animal maternel par excellence, la Mère matière du Monde, quand le Lion est son père matière. Comme l'avait compris Jean-Claude Flornoy, l'iconographie dans des Atouts de la première Main présente clairement la famille humaine qui fait suite à l'enfant et l'entoure pour l'envelopper, le nourrir, le protéger, l'enseigner, et le libérer de l'emprise familiale. La famille est à la fois ce qui permet l'existence et l'épanouissement de l'enfant humain. Mais, et c'est là que nous divergeons quelque peu de l'interprétation de Jean-Claude Flornoy : dans la famille humaine, LE BATELEUR n'a pas qu'une mère et qu'un père, il en a deux, car chacun incarne un type de de mère qui est tout aussi nécessaire que le second. LA PAPESSE représente la mère spirituelle, mais aussi la mère fusionnelle de la relation duelle pendant que L'IMPÉRATRICE représente la mère triangulaire de la relation oedipienne. L'EMPEREUR est le père triangulaire, tribal, et le père de la loi et des limites, quand LE PAPE met en scène le père socratique, le mentor, le parrain qu'on peut aussi considérer comme le père spirituel. Pour lire la suite, c'est ici .
- LES QUATRE MAINS DU TAROT OU L'ANTHROPOS PRIMORDIAL (accès libre)
Les quatre Mains du Tarot de Marseille LES QUATRE MAINS DU TAROT Ce post est peut-être l'un des plus difficiles d'accès, mais c'est aussi l'un des plus gratifiants à lire, car s'y trouvent de nombreux secrets du Tarot, dans son lien à l'histoire de sa création, tout comme dans la profonde symbolique qu'y s'y trouve inscrite. Ce qu'il faut appeler les "Mains du Tarot", ce sont les quatre Niveaux d'Atouts qui se répartissent, cinq par cinq, à partir du BATELEUR jusqu'au JUGEMENT. Ces quatre Mains apparaissent en effet quand on fait la distribution des Cartes du Tarot, cinq Cartes par cinq Cartes . Et ces Mains ont une signification précise qui relève de la doctrine hermétique, telle qu'elle a été retrouvée par l'élite de la Renaissance et telle qu'elle s'est ensuite transmise, dans le Tarot, par ses créateurs. PETITE HISTOIRE DU TAROT DE MARSEILLE ET SON LIEN AU CORPUS HERMETICUM TRADUIT PAR MARSILE FICIN Le Manuscrit du Corpus Hermeticum traduit par Marsile Ficin Les Créateurs du Tarot étaient des hermétistes qui, grâce au travail de traduction et d'explication de Marsile Ficin, avaient découvert le Corpus Hermeticum , du fait que son manuscrit avait été emmené par les réfugiés de Constantinople. Ce fut pour Marsile Ficin une révélation que cette doctrine hermétiste de l'Antiquité alexandrine et il en diffusa l'enseignement auprès de ses amis, au sein de l'élite intellectuelle, artistique et politique de son époque. Cet ouvrage est en effet, avec l' Asclépios , l'une des deux grandes oeuvres de l'hermétisme alexandrin que l'histoire nous a léguées, mais, à la différence de l' Asclépio s connu par le Moyen Âge et dont la lecture s'accommode relativement bien aux croyances religieuses chrétiennes, le Corpus Hermeticum transmet sans concession la posture panthéiste des hermétistes alexandrins, une posture fort différente de la théologie de la transcendance propre aux trois monothéismes historiques. C'est ce panthéisme que les créateurs du Tarot ont cherché à transmettre à travers un jeu de cartes. Ce panthéisme avait en effet fini par imprégner toute l'élite de la Renaissance, mais elle ne pouvait, en effet, être diffusée directement sans risque et Marsile Ficin, lui-même, avait échappé de peu aux foudres de l'Inquisition romaine. Il s'agissait donc de faire passer un message au monde et à la postérité sans risquer de voir ce message intercepté et détruit pour des raisons d'incompatibilité religieuse et, pour les créateurs du Tarot, sans risquer leur réputation et leur tranquillité, et sans doute même leur propre vie à un moment de l'histoire européenne où risquer d'être assimilé à des sorcières et sorciers, c'était prendre le risque d'être brûlé vif. Les créateurs du Tarot ont donc eu l'idée de créer un jeu à forte signification symbolique en imitant un jeu de cartes utilisé par les Cours princières de l'époque : le jeu Visconti-Sforza fait d'enluminures et qui faisait déjà la synthèse de trois types de jeu existant les siècles précédents : des jeux de Cartes à points, des jeux de Cours, et les Triomphes du poète Pétrarque. C'est en imitant les jeux princiers à Triomphes que le Tarot s'est doté de trois types de Cartes, avec les Nombres (ou Cartes Numérales), des Honneurs (dites aussi Figures ou Cartes de Cour) et les Atouts. Mais pour pouvoir transmettre leur message, les créateurs du Tarot ont opéré d'importantes modifications. La première de ces modifications a consisté dans l'élimination des cartes spécifiquement en lien avec la doctrine catholique et en particulier les trois vertus dites théologales qu'on trouve encore dans le jeu Visconti-Sforza de la Bibliothèque Beinecke : la foi , l'espérance et la charité . Les créateurs du Tarot transformèrent en outre les iconographies existantes pour les faire coïncider avec une symbolique en conformité avec l'hermétisme alexandrin. Et ils nombrèrent et nommèrent les Cartes, puis organisèrent un ensemble de correspondances entre elles de façon à ce que l'ensemble soit l'expression de la vision du monde qui était la leur depuis leur lecture du Corpus Hermeticum . Amon, le Père et Mout, la Mère : les deux visages du Dieu caché égyptien Il est donc impossible d'ouvrir le Livre du Tarot, et de répondre aux énigmes qu'il pose à l'amateur, tout comme d'en comprendre le message, sans connaître un minimum en quoi consiste la doctrine hermétiste et la façon dont elle s'est réinventée à la Renaissance. C'est pourquoi nous vous invitons à lire ce post si ce n'est déjà fait. Vous y trouverez un résumé de cette doctrine et pourrez dès lors vous amuser à retrouver cette doctrine dans le Tarot. Le panthéisme égyptien en fut certainement l'un des éléments les plus importants pour l'élite de la Renaissance qui s'est si fortement éprise de la doctrine hermétiste : le monde tel que nous le voyons, n'est pas conçu comme créé par un Dieu transcendant et extérieur à la Création, mais à partir d'un Dieu à la fois antérieur à la Création et immanent à celle-ci, comme l'est le Couple égyptiens Amon-Mout . Comme l'explique, de multiples manières, le Corpus Hermeticum, L'Incréé qu'est la Divinité originelle Une se révèle en toutes choses , car le cosmos n'est rien d'autre que Le Corps sacré du Divin , autrement dit Sa Manifestation : « Tout ce qui existe, ô Asclépios, est en Dieu, produit par lui et dépendant de lui ; ce qui agit par les corps, ce qui meut par l’essence animée, ce qui vivifie par l’esprit, ce qui sert de réceptacle aux existants décédé, tout cela est en Dieu. Et je ne dis pas seulement qu’il contient tout, mais que véritablement il est tout . Il ne tire rien du dehors, il fait tout sortir de lui. » LA CRÉATION DU MONDE ET L'ANTHROPOS PRIMORDIAL DANS LE POIMANDRÈS, ET LEUR TRADUCTION DANS LE TAROT L es deux mondes dans le Tarot : archétypal et matériel C'est dans le Poimandrès (le Berger), le premier Logos du Corpus Hermeticum, qui porte le nom, que se donne à elle-même, la Divinité originelle, que cette dernière dévoile à un Hermès inspiré et en transe, comment s'est faite la Création du Monde. Puisque, dans la doctrine hermétiste, tout ce qui existe est la manifestation de l'Un divin, le Cosmos n'est autre que la Divinité Elle-même qui Se Manifeste. Et la première Expression divine de la Manifestation prend la forme d'une Dualité originelle : celle qui oppose à la plus délicieuse des Lumières, les plus effrayantes Ténèbres. De la Lumière découle l'Âme divine immatérielle, faite des formes archétypales, tandis que des Ténèbres découlent la Matière, cette Materia Prima des alchimistes et dont tout est fait. Ces deux mondes du Poimandrès : Archétypal d'un côté et Matériel de l'autre ont pris leur place dans le Tarot qui donne une signification symbolique aux trois types de Cartes héritées du je princier Visconti-Sforza : les Atouts sont les Archétypes en jeu dans l'Âme du monde, et les Cours ainsi que les Nombres incarnent les existants du monde matériel, les premiers renvoyant aux existants humains, les seconds aux événements et situations possibles de l'existence humaine. La matéria prima cependant, avant même d'être informée à partir du modèle archétypal obéit à un modèle antérieur et propre à la nature de la matière : les quatre Éléments primordiaux avec la Terre et l'Eau, d'abord, puis le Feu et l'Air. Ces quatre Éléments, dont absolument tout est fait, se traduisent, au sein du Tarot, dans ses quatre Couleurs : Terre pour les Deniers, Feu pour les Bâtons, Air pour les Épées et Eau pour les Coupes. Mais il faut les voir aussi dans les quatre personnages aux coins du MONDE. Et ils sont en résonance avec les quatre Mains du Tarot. Enfin, on ne comprend pas pourquoi les Cours se distinguent si clairement du reste des Cartes de Couleur si l'on ne fait pas référence à la création particulière de l'humanité, et avant celle-ci du Modèle éternel et archétypal à partir duquel elle a été modelée par la nature. Il s'agit de l'Anthropos primordial tel que la décrit le Poimandrès du Corpus Hermeticum et qui prend place dans le Tarot dans l'Atout XXI, LE MONDE. L'Anthropos primordial ne se tient pas au milieu des autres archétypes, et on voit, dans le Tarot, qu'il a, avec LE MAT qui incarne la matéria prima d'avant son façonnement par une adjonction de Forme, une place à part. Il ses trouve que, dans le premier Traité du Corpus Hermeticum , il y a une relation privilégié entre la Divinité Une et cet archétype particulier qu'est l'Anthropos primordial : c'est à la fois l'enfant chéri du divin, mais aussi le seul des archétype à lui être absolument et complètement semblable. Alors que tous les autres Archétypes expriment une forme limitée de l'Âme divine, l'Anthropos primordial en est une expression complète. Il contient, en lui, affirme le personnage du Poimandrès, la totalité du divin, comme s'il était, en résumé, le double de l' ensemble de l'Âme cosmique archétypale, cette partie immatérielle du Divin et qui est formée de l'ensemble des autres archétypes : " Mais le moteur Père-Mère de toutes choses, qui est la Vie et la lumière, engendra l'Anthropos semblable à Lui-même et l'aima en tant qu'il était son propre enfant. Par sa beauté celui-ci reproduisait l'Image de la Divinité Une et cette dernière aimait donc en réalité, en lui, sa propre forme, et elle lui livra toutes ses créatures . L'Adam Kadmon Il ne faut pas s'étonner de la ressemblance qu'on peut trouver entre l' Anthropos primordial des hermétistes et l' Adam Kadmon de la cabale espagnole car cette notion "d'Anthropos primordial" appartenait aussi à la tradition gnosticisme dont la cabale découle. L'hermétisme et le gnosticisme alexandrin ont beau avoir eu des postures opposées l'une à l'autre, en particulier sur la question de la transcendance ou l'immanence du divin, ces deux traditions appartenaient au même milieu intellectuel et spirituel de l'Antiquité et à la même époque. Elles partagent donc bien des concepts même si elles ne leur donnent pas le même sens. Vous pouvez approfondir la comparaison entre hermétisme et gnosticisme ici . Le Christ transfiguré du Saint Sépulcre et LE MONDE L'élite italienne de la Renaissance a d'autre part adapté la conception alexandrine de l'Anthropos primordial au renouveau évangélique qu'elle a connu au même moment qu'elle redécouvrait l'hermétisme. Cette élite italienne avait en effet enfin accès aux Écritures saintes, dans des manuscrits écrits en grec arrivés avec les réfugiés de Constantinople, manuscrits restés fidèles aux textes originaux, préservés donc de toutes les adaptations que lui avait fait subir, en Europe, la vulgate romaine. Les artistes et penseurs de la Renaissance identifièrent l'Anthropos primordial des hermétistes alexandrins au Christ, seul être humain , au sein de toute l'histoire de l'humanité, à avoir rendu vivante l'image originelle à partir de laquelle l'humanité historique était considérée comme constituée par l'hermétisme. Aux yeux de l'élite de la Renaissance, en effet, l'humanité historique restait très en deçà de son modèle éternel, pendant qu'au contraire Jésus de Nazareth l'avait pleinement réalisé, dans son existence historique même, s'offrant dès lors en modèle au reste de l'humanité. Une telle vision de la personne historique de Jésus de Nazareth était à l'époque iconoclaste. Elle ne pouvait donc se transmettre que de manière codée à la postérité. Clairement inspirés par l'hermétisme, les créateurs du Tarot ont donné une place exceptionnelle à l'Anthropos primordial au sein de son Organisation holistique : il se trouve dans la Carte du MONDE. Mais alors que l'Anthropos primordial hermétique est androgyne puisque dans le Poimandrès , c'est ainsi qu'il est créé dans son essence archétypale immatérielle, à la fois Homme et Femme, semblable en cela au divin, La Danseuse du MONDE qui reprend la posture du Christ est femme, parce qu'elle représente l'humanité tout entière. LES RELATIONS, DANS LE TAROT ENTRE L'ÂME DU MONDE ET L'ANTHROPOS-CHRISTIQUE Puisque l'Anthropos primordial est un résumé de l'Âme divine (ou Âme du Monde cosmique ), et que cette dernière est tout entière constituée de ce que Platon appelle "le Monde intelligible", l'ensemble des Archétypes originels à partir desquels les existants du monde cosmique sont modelés, on doit voir des points communs entre le XXI Atout et le reste des Atouts, non seulement dans son iconographie mais aussi dans son Nombre. Et c'est là que les Mains du Tarot trouvent leur sens. Pour lire la suite... c'est ici .
- LE LIVRE ET LA TOILE DE LA PAPESSE : DEUX ÉNIGMES À RÉSOUDRE (accès libre)
Le Livre de LA PAPESSE et sa Toile dans le Tarot Conver, Éditions Y. Reynaud LE LIVRE DU DESTIN QUE L'IMAGINAIRE ONIRIQUE MODERNE ATTRIBUE AU VIEUX SAGE EST ABSENT DE L'ICONOGRAPHIE DE L'HERMITE Rien n'est plus précieux, pour le tarologue désireux de comprendre la signification hermétique du Tarot, que les travaux sur la symbolique universelle. Et parmi ces travaux, tout particulièrement le travail de compilation des symboles oniriques, qu'a réalisé Georges Romey, durant une petite vingtaine d'années, en étayant ses recherches sur son travail de thérapeute en Rêves Éveillés Libres. Parmi ces symboles, on retrouve tous les grands archétypes, tels que Jung les a lui-même désignés à partir de sa connaissance des rêves nocturnes et des visions qui furent les siennes, mais aussi de la production collective de l'imaginaire que sont les mythes et les contes. Consulter le résultat de ces recherches est utile au tarologue, le plus souvent cela fait la démonstration du fait que les créateurs du Tarot ont eu accès à une connaissance de la symbolique humaine bien avant que Jung et ses continuateurs entrent en jeu. S'il est rare, en effet, que le Dictionnaire de Georges Romey ou le Dictionnaire des Smboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant entrent en contradiction avec ce que le Tarot nous dit par ses Nombres, ses iconographies, par les désignations des différentes Cartes, mais aussi par la place que chacune occupe au sein de l'Organisation holistique du Tarot ; et c'est pourquoi toute divergence appelle d'autant la réflexion. Quand la lecture d'un symbole et a fortiori d'un archétype diverge de ce que nous montre le Tarot, notre attention s'éveille tout particulièrement. Or, c'est le cas, entre la représentation que le Tarot se fait du Livre en tant que symbole archétypal, car la compilation de G. Romey en font il fait l'attribut du Vieux Sage quand le Tarot le lie à LA PAPESSE. Voici ce qu'on trouve sur le lien entre le Vieux Sage et le Livre : "Le vieillard est l'archétype de la sagesse, liée à la Connaissance universelle. Sa présence témoigne de l'existence d'un sens de la vie qui demeure inaccessible à l'entendement humain. Le vieux sage sait et ne parle pas. Lorsqu'il prononce des paroles, elles ne sont pas compréhensibles à la raison ordinaire. S'il propose au rêveur privilégié de consulter le Livre dans lequel sont tracées les données du destin, c'est pour le convaincre de renoncer à le connaître ! (...) / Il s'agit, très généralement d'un homme très âgé, portant barbe ou cheveux blancs, qui semble vivre d'une vie totalement autonome, loin des faits du monde. Ses attributs les plus fréquents sont, dans l'ordre, la longue barbe, la bougie, le Livre du destin, le bâton et les moutons ou les chèvres. Cette énumération laisse deviner que le vieillard revêt souvent l'apparence d'un pasteur, d'un berger ou d'un pèlerin." L'HERMITE Pour ceux qui connaissent le Tarot, cette description conduit tout droit à L'HERMITE. C'est sur l'Atout VIIII en effet que nous trouvons ce vieil homme, sans doute un pèlerin, qui possède barbe et cheveux gris, tenant dans la main une lanterne éclairée de la fameuse bougie, et dont la main droite se soutient d'un bâton de sagesse rouge et ondoyant. Nous avons là, un pasteur d'homme qui ne peut être, dans le Tarot qui s'inspire de la sagesse hermétique, qu'un philosophe au sens où à la Renaissance on entendait ce mot : il s'agit d'un philosophe qui possède une vision du réel fondée sur l'unité intérieure et l'unité avec le monde. L'HERMITE a tous les attributs du Vieux Sage des rêves, sauf peut-être le plus important de tous : le Livre du destin. LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DU LIVRE COMME ARCHÉTYPE Pour la compréhension de ce symbole que le Tarot lie à LA PAPESSE, là encore, le travail de Georges Romey se révèle précieux. Le Livre en effet n'intervient pas dans les rêves sans endosser une signification archétypale, et il y a tout lieu de croire qu'il en est de même dans le Tarot. Ce symbole engage, affirme le Dictionnaire de la symbolique des rêves , "l es couches les plus profondes de la psyché universelle ". Voici en quelques lignes, le substrat essentiel de son message : " Le livre du rêve est toujours un volume imposant, ancien, précieux par son apparence et par son contenu. Il est le dépositaire d'une histoire achevée, d'une mémoire qui se souvient alors que tout semble oublié ; il est le détenteur d'un avenir qui se dérobe à l'entendement du rêveur. Comme le Vieux Sage, le livre parle du destin. Il y a toujours dans les rêves où défilent ces pages un éveil de la psyché, la fin d'une léthargie de la conscience qui s'anime et retrouve le plaisir de l'évolution. / Le Livre du rêve est toujours le support d'une connaissance sacrée. (...) Dans la très grande majorité des situations, le Livre imaginaire figure le temps. Il porte la charge de toutes les époques de la mémoire individuelle et collective et, de ce fait, détient le sens profond des choses de la vie, inaccessibles à la raison qui bute sur les bornes de ses références. " Ce que décrit Georges, c'est le Livre du destin que vient consulter le rêveur en proie aux angoisses métaphysiques mais, aussi, celui qui avance, avec confiance et même foi, sur les chemins de l'imprévisible devenir. LE LIVRE DU DESTIN EST, DANS LE TAROT, EST ENTRE LES MAINS DE LA PAPESSE LA PAPESSE et ses deux équivalents masculins Il est frappant que les songes des rêveurs modernes, tels que Georges Romey les a compilés, pour en extraire toute la symbolique, mettent beaucoup plus en jeu le Vieux Sage que la Vieille Sage puisque 15% seulement des rêves de veille femme font, selon lui, référence à une personnalisation féminine de la sagesse humaine ce qui fait de ce personnage " la réplique féminine de l'archétype du vieux sage ". Elle est alors. bien accompagnée du Livre du destin, du bâton, ou/et de moutons. Telle est en effet l'une des significations de LA PAPESSE qui n'est dès lors pas seulement l'équivalent féminin du PAPE mais aussi celui de L'HERMITE avec lequel elle partage les interprétations du grand âge et de la Sagesse. Il n'est pas inintéressant de noter que les praticiens du REL témoignent, qu'au sortir des révolutions Me Too et du retour sans précédent du féminisme que nous connaissons, les rêveurs et rêveuses convoquent beaucoup plus souvent l'archétype de la Vieille Sage si longtemps presque enterré. Mais le Tarot encore une fois fait exception : à une époque où pourtant le patriarcat sévit partout sans le moindre recul, il lui a réservé l'attribut le plus important de la sagesse : la possession du Livre du destin. Nous l'avons dit et nous le redirons continuellement, le Tarot est une exception symbolique au sein d'un univers marqué par le patriarcat depuis des millénaires. Il témoigne en effet d'une distribution étonnamment équitable entre figures archétypales masculines et féminines, et particulièrement dans leur lien au sacré ou au divin. Aussi, a-t-il fait, dans sa présentation des Atouts, une place particulière à la sagesse féminine, représentée d'abord par LA PAPESSE qui détient le Livre du destin, avant de présenter le Vieux Sage, L'HERMITE, par la figure du philosophe qui possède la lanterne et le bâton de la sagesse. Manifestement le ou les créateur(s) du Tarot, des humanistes de la Renaissance italienne, avaient une connaissance précise des anciennes mythologies de l'Antiquité et et la place prépondérante qui ont toujours eu les déesses dans le tissage du destin. LA PAPESSE, LES TROIS MOIRES ET LE TISSAGE DE LA DESTINÉE DE CHACUN La suite est ici .











