L'organisation holistique du Tarot de Marseille et les Atouts
Avant de découvrir les différents Atouts et la signification propre à chacun, il est essentiel de bien avoir en tête la structure holistique des Atouts du Tarot de Marseille. Partir de la distribution des Atouts cinq Cartes par cinq permet de voir que Le MAT et LE MONDE sont à part, LE MAT parce qu'il se trouve en deçà de toute Manifestation archétypale, LE MONDE parce qu'il la contient toute. LE MAT contient tout ce qui est nécessaire au Monde avant la mise en ordre de ce matériau originel dans l'existence, tandis que dans LE MONDE, tout le potentiel que contient LE MAT existe concrètement et dans un ordre parfait.
Entre LE MAT et LE MONDE, se trouve la structure ordonnée des Atouts en cinq Cartes distribuées en quatre Mains. L'Organisation holistique du Tarot de Marseille peut se lire horizontalement, à travers l'élévation progressive de quatre Mains, qu'on peut aussi appeler "Quinte" ou "Niveaux", et verticalement ce qui donne cinq séries de quatre Atouts qu'on peut appeler les cinq Verticales du Tarot.
Saisir un Atout à partir de la place qu'il occupe ou n'occupe pas dans l'Organisation holistique du Tarot de Marseille permet de confirmer les interprétations très fouillées des Atouts qui, jusqu'alors se sont exclusivement rapporté aux iconographies, mais aussi d'en infirmer certaines.
LE MAT et LE MONDE : deux Atouts extérieurs à une Structure en quatre Mains et 5 Verticales
L'extériorité du Mat à l'égard de l'ensemble que constituent les quatre Quintes et cinq Verticales d'Atouts confirme qu'il porte une puissante signification de marginalité, de liberté ainsi qu'une notion de mise en marche des énergies qui se rassemblent pour passer du Rien de concret (mais du Tout en potentiel) à la Manifestation du Tout, ainsi que du désordre à l'ordre. C'est aussi ce qu'exprime le fait que cet Atout ne contient pas de Nombre, car le zéro n'existe pas en chiffres romains.
Comprendre l'Organisation holistique permet aussi de se détacher des interprétations qui ont eu cours le siècle dernier et qui attribuent au MAT un Nombre XXII. D'une part, le nombre XXII ne présente aucune difficulté d'écriture et si les créateurs du Tarot avaient voulu placer LE MAT comme dernière Carte au sein des Atouts, ils n'auraient pas manqué de le faire. Mais ils s'en sont bien gardé, car le Tarot de Marseille étant la traduction de la représentation hermétiste du monde telle que l'élite de la Renaissance la concevait, et cela en un jeu d'iconographies et de Nombres, il ne peut rien y avoir au-delà du XXI qui représente le Nombre du Tout unifiée en une Unité unique. Revenir au Nombre II que contient le Nombre XII, après avoir atteint la perfection du Nombre XXI, apparaît donc clairement comme une absurdité au regard de l'enseignement hermétiste.
Le but que se donne, en effet, tout hermétiste et en l'occurrence le ou les créateur(s) du Tarot tel que ce dernier a été pensé et exécuté en Italie en pleine Renaissance, c'était de premettre à l'humanité de trouver un chemin pour atteindre la pleine Unité du monde. Car celle-ci a été perdue en même temps qu'émergea la conscience humaine, puisque la pensée n'est possible qu'en passant par la dualité. L'Unité cosmique à laquelle aspire aussi bien la Terre que le Ciel ne peut donc être retrouvée que par le travail initiatique d'abord d'une élite d'hermétistes puis, par la diffusion la plus large possible de leur tradition, ce à quoi le ou les créateur(s) du Tarot de Marseille s'est ou se sont attaché(s).
La connaissance de l'organisation holistique du Tarot de Marseille et du sens hermétique qui la sous-tend permet d'affirmer sans l'ombre d'un doute, qu'après le XXI, rien d'autre ne peut exister, car le XXI représente à la fois le cosmos unifié autour du Nombre I qui porte l'Unité, et un Cosmos qui n'est pas fait que de matière mais qui sera, quand l'humanité aura enfin accompli son destin, l'expression du Mariage entre le Ciel et la Terre, chacun des membres de ce Couple étant représenté par l'un des deux X. Chaque Main du Tarot est en effet représentée, dans le Nombre XXI, par un V, le nombre X en écriture romaine réunissant deux V par le centre. Dans le XXI, il y a donc deux Unités (deux fois X) faites, chacune, de deux V. Chaque X du Nombre XXI représente un membre du couple que forment la Terre et du Ciel, et ce couple est uni par le Nombre I. Le XXI est le but ultime, car il réalise l'espérance à la fois hermétique et christique de l'élite intellectuelle et artistique de la Renaissance.
Mais il n'est pas faux de voir dans LE MAT quelque chose du divin, car il est à la fois la plus désorganisée des expressions matérielles et l'élan le plus puissant pour atteindre son but. Le MAT et le XXI sont en effet des Atouts complémentaires, et c'est donc seul, et en comptant sur ses seules forces que LE MAT parvient au MONDE, et il y parvient parce qu'en lui LE MONDE est contenu tout entier sous la forme d'une potentialité d'ordre et d'unité. LE MAT est, de fait, le seul Atout qui est capable d'atteindre LE MONDE en un seul saut. D'où aussi les significations symboliques que portent, aussi, cet Atout et qui le conduisent du côté du génie, c'est-à-dire d'une aptitude humaine qui semble toujours tellement excéder ce qui a été fait précédemment qu'elle apparaît comme directement inspirée par le divin lui-même.
Chaque Atout a une place au sein des quatre Quintes qui s'élèvent jusqu'au MONDE
Puisqu'en dehors du MAT et du MONDE, tous les Atouts prennent place au sein à la fois des quatre Mains d'Atouts et des cinq Verticales, tenir compte de cette place pour trouver le sens de chaque Atout est essentiel, et l'on comprend bien qu'entre avoir une place dans la première Main où se jouent les relations familiales et avoir une place dans la plus haute Main, celle des Atouts cosmiques, se joue une élévation de la Terre jusqu'au Ciel qui contribue de manière importante à l'interprétation de chaque Atout.
La première Main présente les cinq archétypes qui appartiennent à la première communauté humaine, la famille : l'enfant avec LE BATELEUR, la mère fusionnelle avec LA PAPESSE, la mère du triangle mère-enfant- père avec L'IMPÉRATRICE, le père de la loi, avec L'EMPEREUR et le père socratique avec LE PAPE.
La seconde main présente les cinq archétypes de la seconde communauté humaine, la société, et qui démarre avec le jeune et tiraillé AMOUREUX qui est en train de quitter sa famille pour entrer dans la sphère sociale, suivi du CHARIOT qui explore les limites de la société et sa relation avec les sociétés étrangères, de LA JUSTICE sur laquelle repose la qualité du tissu social, de L'HERMITE, celui qui transmet ses connaissances et son expérience, et enfin de LA ROUE DE FORTUNE où se jouent la persona jungienne et l'aptitude à s'en désidentifier.
La troisième Main présente les grandes épreuves qui ouvrent l'âme humaine à l'Esprit céleste avec LA FORCE où sont en question les affrontements, mais aussi le courage d'une individualité bien alignée, LE PENDU qui met en scène la contrainte, la limitation, l'impuissance mais aussi le renversement des points de vue et l'enracinement dans le Ciel, L'Atout XIII qui parle de l'épreuve majeure de la vie humaine, la rencontre avec la mort, mais aussi l'acceptation du devenir et le détachement, TEMPÉRANCE où est en jeu la longue errance humaine dans l'idéalisme et l'angélisme, mais aussi l'aptitude aux compromis, aux échanges sans violence et à la modération et, enfin, LE DIABLE qui met en scène la sombre exploration des pires expressions de la perversion, mais aussi la lucidité et l'appel de la lumière divine.
La quatrième Main présente les cinq Atouts cosmiques du Tarot de Marseille. Ces Atouts font contrepoids aux précédents au sens où ils présentent les bénédictions qui sont promises à celui qui, travaillé par la souffrance du troisième Niveau, a creusé en lui un vide qui devient la coupe, le réceptacle humain des émanations spirituelles. Elle commence avec LA MAISON DIEU, se poursuit avec L'ÉTOILE, présente ensuite les deux parents célestes LA LUNE et LE SOLEIL, et enfin la renaissance spirituelle de l'humanité bleue avec LE JUGEMENT.
LA MAISON DIEU en tant que premier Atout de la quatrième Main
LA MAISON DIEU est l'un des Atouts qui pose le plus de problèmes aux taromanciens qui lui donnent des significations souvent à l'opposé les unes des autres, et cela est dû au fait qu'ils ne connaissent souvent ni l'histoire véritable du Tarot de Marseille, ni le sens hermétique que lui a ou lui ont conféré ses créateurs, ni la place que cet Atout occupe au sein de l'Organisation holistique d'un Tarot hermétiste.
Nombreux sont ainsi ceux qui y voient l'archétype de la catastrophe, le châtiment divin et la tour de Babel, l'incendie et la destruction de tout ce qui existe.
La plupart des interprétations catastrophistes se rattachent toutes, souvent sans le savoir, au Tarot anglais appelé "Rider" selon le nom de l'éditeur ou encore Rider-Waite qui adjoint le nom du théoricien qui en est l'origine (Arthur Edward Waite, franc-maçon et membre de l'Aube dorée ou Golden Dawn. Il est encore désigné sous le nom de Rider-Waite-Smith pour ne pas exclure l'artiste qui a dessiné le jeu ( Pamela Colman Smith, surnommée Pixie). Tous les Tarots qui ne cessent de se multiplier dans un foisonnement artistique impressionnant au sein les pays anglo-saxons ne sont que des imitations du Rider qui en est l'unique source d'inspiration. Or, ce Rider n'est pas complètement fidèle au Tarot de Marseille, les occultistes de la Golden Dawn proposant un syncrétisme confus entre les différentes sources de l'occultisme qu'ils mettaient en avant.
Reste qu'une énigme des plus saisissantes saisit celui qui regardant cet Atout tel que l'ont imaginé les membres de la Golden Dawn : pour quelle raison, une iconographie aussi catastrophiste pourrait-elle bien être associé au nom de "LA MAISON DE DIEU" pour suivre la représentation du Rider en langue française, ou LA MAISON DIEU pour rester fidèle au Tarot originel ? Certains pour justifier l'invraisemblable rappellent que c'est Dieu qui envoie les châtiments aux êtres humains, faisant référence au dieu jaloux et colérique de l'Ancien Testament qui est très éloigné du dieu révélé dans son amour paternel par Jésus de Nazareth auquel l'élite de la Renaissance italienne adhérait totalement, même s'ils lisaient la révélation christique à travers une conception hermétiste du réel. D'autres rappellent que l'on désignait sous le nom d' "Hôtel Dieu", les hospices et hôpitaux du Moyen Âge, oubliant que si certes ces lieux recueillaient toute la misère du monde, c'était bien en raison de l'amour du prochain, la caritas, qui est le seul amour semblable à l'amour du divin, que de tels édifices étaient construits, le plus souvent d'ailleurs en prolongement des cathédrales.
D'autres interprétations de cet Atout s'appuient en partie sur ce qu'en a dit Antoine Court de Gébelin. Les amateurs du Tarot savent que cet érudit qui s'établit à Paris à la fin du XVIIIe siècle est celui qui, regardant le jeu que manipulaient les invités de Mme Helvétius, comprit qu'il y avait là bien plus qu'un simple jeu de cartes. C'est en effet avec Court de Gébelin que l'histoire du Tarot de Marseille se révèle au grand public en tant que création symbolique exceptionnelle, mais aussi que démarre l'entrée du Tarot dans le monde des occultistes. Voici ce que dit Court de Gébelin de l'Atout XVI au sein du Monde primitif où il présente aux lecteurs les Cartes du Tarot. Le XVIe Atout est présenté ainsi : "c’est une Tour remplie d’or ; c’est le Château de Plutus ; il tombe en ruines , et ses Adorateurs tombent écrasés sous ses débris". Si Court de Gébelin reprend l'idée populaire d'une construction qui s'écroule, parlant du château du dieu grec "Ploutos", le dieu de l'abondance et de la richesse, et voyant des pièces d'or qui se répandent, certains n'ont retenu de son interprétation que la notion d'abondance et ils font de cette Carte un présage positif sur les affaires financières. L'aspect festif est noté par d'autres exemple, et on évoque même le feu d'artifice, la fête du 14 juillet qui est la fête nationale en France, une fête qui fait suite à la prise de la Bastille que représenterait la Tour ouverte. Et par exemple Bruno de Nys adjoint, à côté de la référence à la Tour de Babel et au châtiment divin, l'idée que cet Atout représente "la bouteille de champagne du Tarot", ajoutant qu' on y " laisse éclater sa joie".
Tout cela nous emmène en réalité sur des chemins bien divers, mais pour s'y retrouver, et ouvrir le Livre en image qu'incarne le Tarot, nous avons une clé qui réside dans la distribution des Cartes cinq par cinq. Celle-ci accorde à chaque Atout sa place au sein d'une Organisation holistique en quatre Mains et cinq Verticales et cette place parle à celui qui désire comprendre le sens de la Carte.
Si l'on part en effet du fait que LA MAISON DIEU est le premier des Atouts cosmiques, on comprend qu'elle présente les êtres humains qui, ayant été travaillé par la souffrance de la Main précédente, et ayant creusé en eux suffisamment d'espace de désir du Ciel, sont prêts à accueillir les bénédictions du Ciel. LA MAISON DIEU est l'Atout qui représente l'humanité quand celle-ci est devenue une immense communauté d'êtres humains ayant dépassé les difficultés des Quintes précédentes. Au lieu de projeter ce qu'il s'attend à y voir, le lecteur du Tarot examine la carte pour elle-même et en devient capable de voir que la Tour en question n'est pas fêlée et prête à s'écrouler, subissant les destructions de l'éclair et du feu. La Tour que représente LA MAISON DIEU est parfaitement droite, inaltérée, et ouverte au Sommet. Elle est la première Coupe ouverte qui reçoit les bénédictions du Ciel, et la bénédiction qui est en question à ce niveau-là, c'est le dépassement de l'opposition entre le lourd et le léger.
Si le Sommet est couronné, ce n'est pas parce que la couronne représente l'orgueil d'une humanité appelée au châtiment, mais parce que c'est la première fois, qu'au sein du cheminement tarologique qui mène la Terre au Ciel, on voit une humanité apte à recueillir une spiritualisation qui ne peut que venir du Ciel. La Tour est couronnée car elle représente l'humanité qui, enfin, réalise sa destinée royale, et celle-ci ne consiste pas à faire du monde naturel un fond à exploiter jusqu'à plus fin, mais à le servir pour qu'il devienne ce qu'il est appelé à devenir de toute éternité : un véritable Éden, un Jardin à la fois terrestre et divin. La Tour couronnée symbolise l'authentique royauté de l'humanité.
Si de même, on est attentif à la place de premier Atout cosmique au sein de cette quinte qui représente les Atouts où l'humanité rejoint les divinités astrales, on se met à voir ce que l'iconographie présente réellement : non pas du feu, non pas un éclair vengeur, mais des plumes. Ce que la plume fait, c'est caresser, et en aucun cas détruire. À qui s'intéresse aux symboles universels, la plume apparaît comme l'antonyme de la pierre et du pesant. Quand la plume apparaît dans les rêves qu'étudia G. Romey, elle manifeste "que le rêveur embrasse l'infini et l'éternité". " La plume est l'exact opposé de la construction du mental et dès lors de ce que pourrait être la Tour si elle n'était pas ouverte au Ciel et caressée par la plume.
Le nombre XVI qui, en tant que quatre fois quatre, un carré au carré, pourrait être la pire des constructions et la plus enfermante, montre une pierre qui se fait plume à travers toutes les sphères en suspension : c'est une présentation de l'apesanteur que représente l'ouvrage fait par l'humanité quand celui-ci est traversé de spiritualité. On comprend dès lors pourquoi cette Tour est nommée LA MAISON DIEU. C'est le plus gracieux des Temples, la cathédrale gothique, un édifice de Pierre qui s'élève de la manière la plus fine, comme une dentelle de pierre, et qui est traversée de lumière. Ces sphères en suspension peuvent aussi représenter la rosée, cette eau de la terre qui est traversée de la lumière solaire au matin. Elle devient multicolore. Elle est l'un des symboles mystiques les plus importants et l'un des matériaux les plus utilisés par l'alchimie dans son travail de transmutation de la matière. Alexandro Jodorowsky, dans la Voie du Tarot, propose d'entendre dans le nom de LA MAISON DIEU dans la langue des oisons : l'âme et son Dieu. Cette interprétation est intéressante, si toutefois on admet que cette Carte n'est pas seulement la représentation de l'âme, mais bien d'une Individualité, Âme et Corps, qui devient le temple divin.
On ne peut pas dire plus clairement qu'avec cette entrée dans la dernière Main, la Main cosmique, l'humanité a désormais atteint un des buts les plus importants du chemin initiatique que représente le Tarot : la réconciliation des contraires et des opposés, car c'est cette réconciliation se qui rend possible l'Unité retrouvée du Monde qu'incarne pleinement l'Atout XXI. Quand l'humanité parvient à LA MAISON DIEU, elle a atteint un stade où l'être ne se manifeste plus dans le lourd, dans le mental, et dans les pesanteurs infinies de la terre, mais dans la légèreté de qui se tient à la frontière du visible et de l'invisible.
De ce fait, parce qu'on se met aussi à voir vraiment, cette fois, les deux représentants de l'humanité qui se tiennent en bas de la Tour, on voit bien que loin de s'écraser sur le sol et d'en être terrifiés, ils semblent avoir une posture d'acrobate. Le corps de celui qu'on voit en entier, car il se tient devant la Tour, est souple. On pourrait aussi imaginer un plongeur avoir ce type de posture, car il y a quelque chose de l'apesanteur en elle. C'est que ces personnages de l'Atout XVI ont retenu la leçon du PENDU sans en subir les contraintes : ils ont les pieds enracinés dans le Ciel et ils agissent de manière spirituelle dans la Terre. Ils sont en posture inversée. Mais ils sont aussi en état de lévitation tout comme les pierres ou les gouttes d'eau qui forment autour d'eux un spectacle aérien. Dans cet Atout, le pesant a disparu.
Aussi les mains de l'humanité transforment-elles la terre en une terre dorée. S'il y a bien de l'or, dans cette Carte, c'est sous la forme de la couleur dorée et non d'une pluie de pièces d'or en lien avec le dieu Ploutos. Voici ce que représente la couleur dorée au sein de la symbolique des Rêves éveillés libres, tels que Georges Romey la recueuili auprès de ses patients : "L’or onirique est un lieu retrouvé. Tout se passe comme si le rêveur revenait en contact avec une totalité lumineuse dont il fut séparé par l’incarnation et le développement de l’appareil cérébral." Ces mains humaines font pousser le Jardin divin sur la Terre même. C'est en effet le premier Atout où apparaît clairement la couleur verte lorsque cette dernière colore le paysage. À l'exception en effet du PENDU où les arbres qui l'entourent ont un feuillage qui s'étale sur le sol, les Atouts sont dépouillés de verdure jusqu'à la dernière Main où, au contraire, cette dernière accompagne tous les Atouts cosmiques, même si, dans l'Atout XVIIII, LE SOLEIL, elle se fait mur ouvert. C'est que c'est à ce niveau-là, seulement, que s'élabore l'Éden, le Jardin à la fois terreste et céleste qu'attend depuis toujours l'ensemble du Cosmos et que doit devenir la biosphère peut se mettre à exister, car il dépend des mains d'une humanité spirituelle, les pieds enracinés dans la Ciel.
La Verticalité, à laquelle chaque Atout appartient, soutient une partie essentielle de son sens
Impossible de comprendre le sens véritable de chaque Atout, sans le replacer aussi au sein de la Verticale qui est la sienne. Il y a cinq Verticales dans l'Organisation holistique du Tarot de Marseille, et chacune représente une forme d'élévation où chaque Atout, hormis LE MAT et LE MONDE, trouve sa place et son sens.
La première Verticale est, comme il se doit, reliée par le Nombre I. Ce nombre de l'unité parle bien évidemment des étapes parcourues par l'humanité sur le chemin de l'individuation. L'unité est porteuse de toute la potentialité avec LE BATELEUR. Elle est organisée autour d'un attrait puissant qui détache des premières formes de la personnalité pour aller vers la nouveauté et laisser derrière soi l'ancien, avec L'AMOUREUX. Elle se présente comme une individualité maîtresse de ses pulsions avec LA FORCE. Et enfin, avec LA MAISON DIEU, elle relie le Moi au Soi.
La seconde Verticale rassemble les Atouts liés par le Nombre II, et c'est la dualité, l'opposition, et in fine la réconciliation des contraires qu'elle représente. Ce chemin d'élévation qui passe par le II démarre avec LA PAPESSE, où l'altérité est masquée, cachée, voilée sous l'apparence du I. La femme qui est assise porte un enfant ou d'un projet qui germine, encore invisible, en elle. Avec LE CHARIOT, la dualité prend la forme d'une terre étrangère à conquérir. Avec LE PENDU, l'altérité entoure et étouffe toute possibilité d'affirmation propre sur le plan horizontal, ce qui le conduit à découvrir la verticalité. Et enfin, avec L'ÉTOILE, l'opposition suprême, celle qui met en présence le Ciel et la Terre, se transforme en complémentarité de telle sorte que les Eaux du Ciel recueillies par la jeune femme au service du Monde sont épandues dans les Eaux de la Terre, en faisant naître un nouveau type de fécondité.
Dans la troisième Verticale, s'épanouit l'une des deux grandes expressions de la dualité annoncée par la Verticale des II : c'est la puissance des femmes fécondes et de la nature vivante qui s'organise en quatre Atouts. L'IMPÉRATRICE est le symbole de la femme reliée à sa propre puissance procréative. Elle est surplombée par deux expressions essentielles de la castration nécessaire au sein même de la puissance de vie : LA JUSTICE qui élimine, au sein de la cité terrestre, ce qui pourrait mettre en périr cette dernière, et L'ATOUT XIII où la Mort-pour-la-vie, dont l'oeuvre de Clarissa Pinkola Estés a redonné au monde un sens qui fut presque entièrement perdu sous l'égide du patriarcat, prend la forme d'un squelette qui porte une colonne vertébrale en épi de blé. Enfin, la Déesse Lune, la Déesse Mère, Gaïa, la Nature vivante domine cette Verticale du Féminin sacré dans sa puissance de vie, réunissant en son iconographie, les deux maisons essentielles de ce pouvoir féminin : la maison de la Vie et celle l'au-delà, fondant par là même les pouvoirs intuitifs des femmes.
Dans la quatrième Verticale, nous trouvons les Atouts qui représentent des archétypes de la manière d'être un homme et de vivre, pour les hommes, leur mâlitude. L'EMPEREUR est le guerrier et le roi, le chef de la communauté régie par des lois patriarcales. Au-dessus de lui, on trouve L'HERMITE, le vieux sage plein d'expérience qui transmet sa lumière aux autres, puis TEMPÉRANCE, l'homme qui n'est en rivalité ni avec les autres hommes, ni avec ses fils. Il est l'homme ami, celui qui est capable de relations fondées sur un partage où le supérieur et l'inférieur ont chacun leur mot à dire, où, donc, une certaine forme d'égalité fondamentale s'impose. Enfin, le dernier Atout de cette Verticale, l'Atout XVIIII, LE SOLEIL, représente le père solaire, généreux, qui veille sur ses enfants en les aimant dans la plus stricte égalité.
La cinquième et dernière Verticale réunit les Atouts qui sont à la fois le ciment des autres Atouts au sein de la même main et qui mettent en scène un personnage central qui est un véritable gardien du seuil, au sens où il vérifie que la leçon de vie acquise par chaque Niveau des Atouts est comprise et que le cheminant sur la voie initiatique du Tarot est prêt à passer au niveau supérieur. Le premier gardien du seuil est LE PAPE, le second la Sphinge qui domine LA ROUE DE FORTUNE, le troisième LE DIABLE et enfin le dernier, c'est l'Ange claironnant du JUGEMENT.
Retour sur LA MAISON DIEU et le sens que lui accorde sa place au sein de la Verticale du I
Et il est clair qu'appartenir à une Verticale donne une information essentielle pour comprendre le sens des Atouts. Il n'est pas en effet indifférent que LA MAISON DIEU appartienne à la Verticale des I qui relie LE BATELEUR, L'AMOUREUX, LA FORCE et LA MAISON DIEU. Ces quatre Atouts représentent, chacun, un stade sur le chemin de l'individuation, c'est-à-dire ce chemin vers soi qui fait d'un individu non seulement un être unique, mais un être unifié autour d'un centre psychique radicalement singulier.
Chacun d'entre nous se sent être cet individu unique, différent de tout le reste, puisque chacun a accès à son intériorité psychique et n'a accès qu'à celle-ci. Tout le reste lui paraît comme extérieur. Et c'est pourquoi, dès le commencement, c'est-à-dire au niveau du LE BATELEUR, l'individualité est affirmée dans son existence singulière en chacun, ce qui se traduit par le fait que LE BATELEUR est, avec le personnage de LA MAISON DIEU, la seule figure qui possède des pieds dorés. Il y a bien évidemment une signification alchimique à cette figuration des pieds dorés au sein des Atouts : l'or est le métal réalisé dans sa perfection, le métal purifié de toutes les scories qui en ternissent la couleur et le rendrait incapable de faire rayonner sa lumière intérieure, reflet de la lumière solaire. Mais alors que le sol du BATELEUR reste de couleur chair, le sol, dans LA MAISON DIEU est lui aussi de couleur dorée, car avec cet Atout XVI, la main du personnage en posture inversée et en lévitation a le pouvoir de transformer la matière. L'hermétiste est en effet un alchimiste de la vie et tel est bien son pouvoir qu'il permet à la matière la plus vile de se transformer en matière dorée, c'est-à-dire en matière traversée de lumière solaire.
Si LE BATELEUR détient l'unité intérieure qui lui donne des pieds dorés, et lui permettent d'avancer avec assurance vers ce dont il a besoin pour savoir qui il est vraiment, c'est en passant par les étapes que symbolisent L'AMOUREUX et LA FORCE et en apprenant à distinguer entre ce qui vient de soi et ce qui fut intériorisé par les diverses identifications qui accompagnent son histoire.
Savoir que LA MAISON DIEU est le dernier Atout à l'intérieur d'une Verticale qui parle d'unité psychique et d'individuation éclaire d'une autre manière que l'infographie et vient en renforcer l'interprétation : on comprend que cette Tour bien droite, solidement construite, s'érigeant comme le Nombre I entre la Terre et le Ciel, et sur un paysage où en est en jeu la multicoloration n'est autre que l'individualité réalisée dans son unité. Étant l'Atout le plus élevé de la Verticale du I, LA MAISON DIEU parle de la personnalité qui est non seulement comme l'est déjà LA FORCE, pleinement unifiée, mais qui a su, aussi et progressivement ramener le moi au Soi.
Ce que Jung ou Winnicott désignent sous le nom de "Soi" ("Self"), c'est la partie à la fois instinctive, pulsionnelle, mais aussi créative de chacun où s'enracine ce qui fait sa singularité. Pour Jung qui ne faisait pas obstacle aux significations les plus spirituelles de l'inconscient, c'est dans le Soi qu'on trouve la partie divine de chacun et ce qui le lie à la totalité du cosmos, à la nature vivante et aux étoiles. C'est le trésor intérieur qui existe en chacun, initialement c'est-à-dire avec LE BATELEUR sous la forme d'une graine de sénevé, et qui, au niveau de LA MAISON DIEU, c'est-à-dire à la fin du chemin de l'individuation qui a dépouillé le moi de ses constructions mentales artificielles fait de la personnalité tout entière, c'est-à-dire âme et corps, un Temple vivant et la maison même de Dieu. Voilà pourquoi l'individualité est désormais entièrement traversée de lumière, capable d'enraciner toutes ses actions dans le Ciel.
Cette connexion au trésor intérieur est manifestée, au sein de l'Atout XVI par la multicoloralité qui n'est jamais absente dans les Cartes du Tarot, mais qui est rendue particulièrement visible dans LA MAISON DIEU, parce qu'elle s'expose dans ces sphères de matière colorée qui semblent soit inonder la Carte, soit s'élever du sol. Voici ce qui en ressort de son apparition dans la symbolique des rêves compilés par G. Romey : quand la multicoloration apparaît, elle parle du "trésor intérieur", celui qui "étincelle de toutes les couleurs". Il s'agit du "centre de la psyché", quand "ce n'est plus la lumière solaire qui est décomposée mais une lumière intérieure".
La notion même de "chemin d'individuation" qui est si importante pour Jung a manifestement été pressentie par les hermétistes qui sont à l'origine du Tarot de Marseille, et cela parce qu'ils avaient accès à la symbolique des Nombres. Cette notion n'a cependant pleinement été comprise par l'humanité qu'à partir du moment où elle a tiré les enseignements de la psychanalyse et admis que la psyché humaine n'est pas initialement transparente ni totalement unifiée. Il y a de l'inconscient en chacun et de la division, et des conflits intrapsychiques, et des identifications qui sont des trahisons à l'égard du soi, et enfin, des formes d'immaturité qui doivent être dépassées.
Et l'une des raisons les plus importantes de l'éloignement de soi en soi, c'est ce que Jung appelle : "enantiodromie", terme barbare mais qui parle d'un excès d'identification à l'une des deux tendances opposées du psychisme et aux dépens de l'autre tendance, rejetée dans l'ombre. Par la nécessité d'une adaptation au milieu familial et social, l'individu se clive d'une partie de soi et choisit une des deux tendances au profit de leur complémentarité intérieure. C'est exactement ce que symbolise LA MAISON DIEU qui met en scène le lourd et le léger, le construit et le jaillissant, l'élévation et la lévitation, mais qui affirme la possibilité d' harmoniser les contraires et de ce fait de retrouver l'unité qui avait été sacrifiée à l'adaptation.
Pourquoi, si l'Atout XVI représente une telle unité intérieure, son iconographie figure-t-elle deux personnages ? N'est-ce pas une forme de régression au regard de LA FORCE où l'être humain manifeste son unité précisément par la représentation d'un individu, cette femme solaire qui tient la gueule du lion ouverte entre ses mains ? D'abord il faudrait noter que le lion n'est pas rien dans cette image et qu'il représente bien une forme d'altérité dans l'unité que représente l'Atout XI. Pour comprendre pourquoi il y a deux personnages, il faut se souvenir de ce qui vient d'être dit : par la nécessité d'une adaptation au milieu familial ou social, l'individu se clive d'une partie de soi qu'il rejette dans l'ombre. Au niveau de LA MAISON DIEU, l'ombre est devenue consciente. La forme ouverte de la Tour couronnée ne laisse aucun doute à ce sujet. Pour autant, on a encore une forme de dualité. L'inconscient n'est pas encore totalement réuni au conscient, sans quoi nous ne serions pas parvenu seulement à l'Atout XVI, mais à l'Atout XXI, LE MONDE. Il y a une collaboration entre le conscient et l'inconscient, entre la partie visible et la partie à moitié cachée encore que figure le personnage qui est derrière la Tour. L'unité est de belle qualité déjà car les deux personnages se ressemblent beaucoup, même si celui de droite est vêtu de rouge exclusivement, figurant par là le monde pulsionnel. Le personnage de devant est équilibré dans ses couleurs. Il figure l'intelligence et la volonté consciente, nourries par une énergie pulsionnelle qui n'entre plus en contradiction avec elles.
Les Atouts complémentaires et l'information que cette complémentarité apporte à chacun
L'Organisation holistique du Tarot de Marseille ne se compose pas, en ce qui concerne les Atouts, que des quatre Quintes et des cinq Verticales. Elle met en scène des croix de complémentaires qui jouent un rôle essentiel précisément dans l'unification des contraires qui tient une place si essentielle dans l'hermétisme. On appelle en effet "Atouts complémentaires" les Atouts qui forment, par l'addition de leur Nombre, le chiffre XXI. On voit alors se dessiner de grands X entre les Verticales I et V, tout comme entre les Verticale Verticales II et IIII, tandis que les Atouts de la Verticale des III qui sont unis entre eux forment la figure du I.
On peut lire aussi ces Croix de Complémentaires à partir des Quintes car les Atouts du premier Niveau sont reliés à ceux du quatrième Niveau où est en jeu une voie féminine faite d'union. La première Main est en effet en lien à la Couleur Denier et à l'Élément Terre, et la quatrième est en lien à la Couleur Coupe et à l'Élément Eau.
De même, les Atouts du second Niveau sont en relation de complémentarité avec les Atouts du troisième Niveau où est en jeu une voie masculine faite de séparation. La seconde Quinte est en effet en lien à la Couleur Bâton et à l'Élément Feu, tandis que la troisième Quinte est en lien à la Couleur Air et à l'élément Air. Liant les Éléments contraires et qui ont tendance, en eux-mêmes, à l'hostilité, l'hermétiste qui suit la voie des grands X du Tarot, participe à l'édification d'une Réunion ultime de tout avec tout, ce que symbolise LE MONDE, l'Atout XXI.
C'est ainsi que LE BATELEUR (I) et LE JUGEMENT (XX) sont complémentaires mettant en scène l'enfant de la terre et la famille divinisée, et il en est de même pour LA PAPESSE et LE SOLEIL qui mettent en scène la plus secrète des femmes duTarot et le plus transparent des Atouts, pour L'EMPEREUR et L'ÉTOILE qui mettent en scène l'homme le plus viril et la plus féminine des jeunes femmes du Tarot, pour LE PAPE et LA MAISON DIEU qui mettent en scène le plus concret des sacrificateurs religieux et la plus libre et la moins dogmatique des spiritualités. Et enfin, au sein de la Verticale des III, il en est de même pour L'IMPÉRATRICE, la créatrice et procréatrice humaine et LA LUNE, l'astre de la vie biologique, de la nature sauvage et du Féminin sacré.
Puis, en changeant de Niveaux, et en suivant la voie mâle, L'AMOUREUX se connecte au DIABLE qui mettent en scène la plus aveuglante des puissances : l'amour de l'état amoureux et sous l'égide d'éros, et la plus grande des lucidités sans concession, et il en est de même pour LE CHARIOT et TEMPÉRANCE qui mettent en scène le plus puissant des conquérants et le plus doux des hommes de dialogue, pour L'HERMITE et LE PENDU qui mettent en scène le plus radical et abandonné des mystiques et le plus exigeant des philosophes, et pour LA MAISON DIEU et LA FORCE où se jouent d'un côté le conformisme le plus poussé et l'individuation la plus affirmée. Et enfin, et au sein de la Verticale des IIII, LA JUSTICE, la plus humaine des castrations, s'allie à la plus radicale des castratrices, la Mort qui s'affirme dans l'Atout XIII.
LA MAISON DIEU, à la lumière de la relation à son Atout complémentaire: LE PAPE
La complémentarité entre LA MAISON DIEU et LE PAPE impose une interprétation des plus importantes pour comprendre ce qui est en jeu dans cet Atout. Leur relation s'impose d'abord par le rapprochement de leur noms : il peut sembler en effet très évident que celui qui peut habiter LA MAISON DIEU, le temple ouvert vers le ciel, c'est le roi des prêtres au sein de la religion catholique, le plus élevé de tous les sacrificateurs : LE PAPE.
Mais précisément, LA MAISON DIEU n'est pas une simple église ni une simple religion. Elle est l'expression d'une spiritualité sans enfermement (la Tour est ouverte vers le Ciel) et sans pesanteur (la plume replace la pierre et l'état de lévitation qui touche aussi bien les sphères que les personnages).
En quoi, cependant, ces deux Atouts qui semblent si bien aller ensemble s'opposent-ils et incarnent-ils potentiellement cet état d'enantiodromie qui doit être dépassé, précisément par l'harmonisation des contraires ? LE PAPE se situant au premier Niveau, à la fin de la première Quinte, représente la religion dans sa fermeture. Chaque religion prétend être la bonne, la seule vraie religion, et c'est particulièrement vrai des monothéismes qui, tous, et comme le démontre si besoin était le sens même par exemple de "catholique", prétendent à l'universalisation de leur expression pourtant seulement particulière de la spiritualité religieuse. Intolérance, fanatisme et guerre de religion découlent de la facilité avec laquelle chaque religion historique se croit la seule et l'unique religion.
De l'autre côté, LA MAISON DIEU représente une humanité spirituelle ayant accueilli toutes les religions comme autant de maisons possibles pour rencontrer le divin en soi-même. Elle incarne la spiritualité ouverte que défendent le Corpus Hermeticum et l'Asclépios.
Ce que nous dit cette complémentarité des Atouts V et XVI, c'est donc qu'aucune religion n'est aboutie dans son noyau de spiritualité si elle ne s'ouvre pas à la multiculturalité religieuse qui est bien incarnée par l'iconographie de la MAISON DIEU par la pluralité des personnages et la multiplicité des sphères en suspension dans l'air. D'un autre côté, il est impossible à cette spiritualité universelle et ouverte, tolérante, et antidogmatique, de s'imposer sans passer d'abord par les religions historiques qu'incarne LE PAPE. Il est probable, d'autre part, que c'est en s'enfonçant dans une voie spirituelle particulière, qu'on accède à la réalisation, tandis que le tourisme religieux qu'on voit beaucoup en jeu de nos jours, s'il a l'avantage d'ouvrir à la tolérance, tend aussi à diluer la voie spirituelle et à la rendre moins authentique.
Les relations de voisinage au sein de l'organisation holistique du Tarot sont génératrices de sens et encore LA MAISON DIEU en exemple
La Maison Dieu est entourée de manière limitée puisqu'elle inaugure la dernière main et procède de la première Verticale. Mais les Atouts voisins apportent néanmoins certaines indications qui ne sont pas sans valeur. LA FORCE qui la précède au sein de la Verticale des I indique que la puissance qui se trouve dans LA MAISON DIEU lui est supérieure. Or, LA FORCE est déjà une expression remarquable sur le chemin de l'individuation. Elle représente un individu au Moi adulte et qui maîtrise parfaitement le pulsionnel. En lien avec les As au sein des Cartes numérales, LA FORCE est en quelque sorte l'équivalent du MONDE en ce qui concerne la première partie des Atouts du Tarot qui représentent la Terre, LE MONDE représentant pour sa part cet Individu unifié ayant connecté la Terre et le Ciel. Bien qu'en posture inversée et multiples, les personnages de LA MAISON DIEU n'ont en réalité rien à envier à leur homologue inférieur. Car l'unité intérieure intègre désormais ce qui dépasse le moi. C'est le soi qui est ici en jeu et connecté au moi. Et c'est pourquoi, bien que pluriels, les personnages en jeu autour de la Tour, parlent bien d'une intégration supérieure de l'individualité.
En diagonale en bas à droite, LE PENDU répond très visiblement aux interrogations que le lecteur du Tarot pourrait avoir sur la posture inversée des personnages de LA MAISON DIEU : ceux-ci ont acquis le renversement des points de vue. C'est n'est plus la matière qui est l'enracinement de leur compréhension du monde et ils ne sont plus matérialistes. Ils ont acquis une forme de relativisation aussi de leur expérience. Et surtout, comme LE PENDU, ils ont les pieds enracinés dans le ciel. Mais à la différence de ce dernier, ils ne sont pas attachés, ils ne sont pas non plus avec des pieds rouges mais leur pieds sont dorés : le soi et non le pulsionnel est à l'origine de leur activité. Et surtout, leurs mains ne sont pas attachées derrière le dos. Les deux personnages ne sont pas impuissants, ne subissent pas une limitation drastique de leur activité dans le monde. Ils ont au contraire les mains très actives dans le sol doré, montrant leur participation à l'édification du Jardin divin qui est l'espérance hermétique, un jardin à la fois terrestre et céleste.
L'ÉTOILE dépasse LA MAISON DIEU sur sa droite. Elle représente une humanité qui assume pleinement sa féminité et son authenticité la plus haute (elle est nue, ne revêt plus aucun habit, ce qui signifie qu'aucun rôle social ne pourra plus déborder la personnalité et l'entraîner à une identification à la persona). Elle aussi travaille au Jardin céleste et terrestre, dans cette union entre le Ciel et la Terre, mais elle ne travaille pas la matière terre, mais l'Eau. Son domaine, ce sont les émotions et les sentiments. Elle est par excellence en relation avec les Coupes du Tarot. Elle recueille le chant liquide des étoiles pour la verser dans la Terre. C'est une artiste. Elle est inspirée au plus haut point. C'est aussi ce qui en fait l'une des plus belles figures de l'Anima. Elle est en tant que telle au service de tous les êtres comme le montre l'oiseau dans l'arbre, et pas seulement de l'humanité.
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