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RÉSOUDRE L'ÉNIGME DU "H" DE L'HERMITE ET DÉCOUVRIR L'HERMÉTISME (accès libre)

Dernière mise à jour : 2 avr.



  • LA DÉSIGNATION DE L'HERMITE OUVRE LE LIVRE EN IMAGE QU'EST LE TAROT DE MARSEILLE ET RÉVÈLE LA DOCTRINE QU'IL TRANSMET


Pourquoi la désignation de L'HERMITE comporte-t-elle un "H" ? Clairement le cartier qui a dénommé l'Atout VIIII avait accès à la signification secrète du Tarot dit de Marseille, Tarot en réalité créé à Milan, à la Cour du Duc Ludovic Sforza, où des penseurs et artistes remarquables avaient séjourné parmi lesquels Léonard de Vinci, Luca Pacioli et Botticelli. Car le H renvoie à la doctrine hermétiste qui avait déferlé sur l'élite italienne depuis de Marsile Ficin avait traduit le Corpus Hermeticum arrivé de Constantinople.


Ne pas connaître cette doctrine hermétique et la façon dont s'en EST emparé l'Italie de la Renaissance où le Tarot de Marseille fut créé, rend impossible de comprendre ce que représente véritablement le Tarot dit de Marseille. C'est en effet ni plus ni moins que la représentation du réel, de la divinité, des rapports entre le Ciel et la Terre et le rôle de l'humanité que présente le Tarot.

Résoudre l'énigme que représente l'adjonction de l'initiale H dans la désignation de L'HERMITE nous conduit à résoudre l'énigme qu'est le Tarot tout entier : ce H signale tout simplement que la doctrine qui a fait naître le Tarot et qui était propre à l'ensemble de l'élite de la Renaissance n'est autre que l'hermétisme.


La désignation en langue française de L'HERMITE n'a pas, en effet, ajouté un "H" au hasard. Et il ne s'agit pas non plus d'une coquille. C'est un indice laissé par les créateurs du Tarot ou par quelque Cartier initié à sa signification profonde et qui permet d'ouvrir le Livre en image qu'est le Tarot de Marseille.


La première clé dont il a été parlé sur ce blog, et qui révèle l'Organisation holistique du Tarot de Marseille, c'est la distribution des Cartes cinq par cinq. Cette clé permet de disposer les Cartes de manière à ce qu'elles se mettent à parler autrement que par leurs iconographies : leur place joue un rôle essentiel dans la présentation que fait le Tarot de sa vision du monde.


La seconde clé réside dans cet indice laissé par les créateurs du Tarot ou par les cartiers des origines, c'est ce "H" qui transforme l'ermite en Hermite, c'est-à-dire en hermétiste : celui qui connaît et enseigne l'hermétisme.


L'HERMITE du Tarot Enchanté d'Amy Zerner
L'HERMITE du Tarot Enchanté d'Amy Zerner

Loin d'être un ermite solitaire, comme on l'entend si souvent, l'Atout VIIII, veille à rester en lien avec le reste de l'humanité. Les connaissances qui sont les siennes pourraient l'isoler, d'où l'idée qui n'est pas totalement exclue de l'image que L'HERMITE est aussi un ermite dans le sens où son savoir l'isole tant que l'humanité reste endormie. Mais veut éveiller le reste de l'humanité à la sagesse qu'il a acquise. Ce qu'il éclaire donc, c'est le chemin à parcourir jusqu'à lui. Il est un guide plus qu'un ermite solitaire.


Tel est le sens de la petite lumière placée haut pour éclairer ceux qui le suivent sur le chemin de la vérité. L'Hermite est celui qui a accès à la gnose hermétiste et qui attend le bon moment pour la diffuser dans le monde. En attendant, il l'a inscrite dans le Tarot. L'Hermite est assimilable au Créateur du Tarot.


Comme L'HERMITE cache son savoir sous sa houppelande tant que celui-ci ne peut être accueilli par l'humanité, le créateur du Tarot a adopté un déguisement pour transmettre ses connaissances. Mais ce n'est pas dans un esprit élitiste qu'il le fait, contrairement à ce que les occultistes et taromanciens affirment souvent. Il n'a pas l'intention de réserver la transmission de son savoir à quelques rares disciples. Sa posture n'est pas celle d'un gnostique, mais celle d'un hermétiste. Il attend simplement son heure. D'où la patience qui, à juste titre, est souvent est liée à l'Atout VIIII.


Si la transmission du savoir hermétique par le Tarot a pris la forme d'un jeu innocent pour traverser les temps jusqu'à ce que l'humanité soit prête à le recevoir, ce n'est pas par amour des énigmes et par élitisme. S'il a revêtu une telle apparence, celle, anodine, d'un jeu de Cartes, c'est parce qu'à l'époque où le Tarot fut créé, il ne pouvait pas être encore question de diffuser largement une telle doctrine. Il aurait aimé le faire, mais il ne le pouvait pas.


Giordano Bruno, brûlé vif pour avoir exposé son adhésion à l'hermétisme
Giordano Bruno, brûlé vif pour avoir exposé son adhésion à l'hermétisme

L'inquisition sévissait. Elle brûlait des manuscrits et emprisonnait leurs auteurs comme en allait en faire tristement l'expérience Galilée un siècle plus tard, elle torturait ceux qui les avaient écrits ou traduits, comme en fit l'amère expérience Marsile Ficin qui avait traduit le Corpus Hermeticum et les oeuvres de Platon, et qui avait aussi écrit d'importants ouvrages de diffusion de la pensée hermétique. Parfois même l'Inquisition finissait par immoler ceux qui s'obstinait comme elle le allait le faire, en 1600, avec Giordano Bruno.


Mais quelle était donc cette doctrine hermétiste qui faisait tellement prendre de risque à ceux qui voulaient pourtant la rendre accessible à tous ?


  • UN PEU D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE : L'HERMÉTISME ALEXANDRIN


L'hermétisme reste une doctrine peu connue du public bien qu'elle sans cesse utilisée en référence de manière nébuleuse par les discours ésotériques. D'où la nécessité pour ce blog de vous en présenter l'essentiel : elle est le fondement théorique qui a fait naître le Tarot de Marseille.


Le phare d'Alexandrie, 7e Merveille du monde perdue, symbole de la lumière qu'apporta la ville sur le monde.
Le phare d'Alexandrie, 7e Merveille du monde perdue, symbole de la lumière qu'apporta la ville sur le monde.

C'est une théorie du réel qui se trouve à la frontière de la philosophie et de la spiritualité. Elle est l'une des deux grandes Traditions ésotérique d'Occident qui se sont, toutes deux épanouies dans la ville d'Alexandrie au commencement de notre ère.


Ces deux Tradition vont particulièrement s'épanouir à la fin de l'Antiquité, après l'époque de l'Antiquité qu'on appelle "hellénistique" et qui s'achève à la Bataille d'Actium où Cléopâtre fut défaite en 31 av. J-C..


À ce moment, la ville d'Alexandrie était un carrefour culturel où se mêlaient Égyptiens, Grecs et Juifs. La ville d'Alexandrie connaît alors une intense effervescence intellectuelle, philosophique et spirituelle. C'est le fameux alexandrinisme : le développement néoplatonicien de la pensée antique, à la frontière des trois cultures, qui se développe pendant les premiers siècles de notre ère et qui mêle la magie et la métaphysique égyptienne, la philosophie rationaliste grecque, et la religion hébraïque et notamment sa dimension prophétique.


Ces trois influences culturelles se sont cristallisées en deux pôles métaphysiques opposés bien que proches par les références culturelles utilisées. On peut dire, en simplifiant quelque peu, que la religion hébraïque, entremêlée de néoplatonisme a fait naître le gnosticisme qui s'est ensuite christianisé, tandis que l'union entre la métaphysique magiste égyptienne et le néoplatonisme issue de la philosophie grecque a fait naître l'hermétisme.


Ces deux doctrines représentent le socle fondateur de deux Traditions ésotériques opposées, l'une fondée sur la haine du monde matériel, l'autre sur l'amour éprouvé à l'égard de ce dernier. Si ces deux traditions ont des postures doctrinaires opposées, elles présentent de grandes similitudes en termes de langage et par le développement des images mythologiques qu'elles emploient pour expliciter et diffuser leur doctrine. C'est la raison pour laquelle gnosticisme et hermétisme sont souvent prises l'une pour l'autre.


Il est essentiel, cependant, de bien les distinguer car l'une - le gnosticisme - représente la tentation spirituelle la plus dangereuse pour l'humanité dans ses effets, l'autre - l'hermétisme - incarne sans doute la solution spirituelle la plus efficace pour sortir des impasses dans laquelle l'humanité, fortement imprégnée par la première, s'est fourvoyée.


  • CE QU'ON APPELLE LA "GNOSE HERMÉTIQUE"


On appelle "gnose" à l'époque de l'alexandrinisme, toute connaissance qui permet le salut de l'âme. Il y a donc toutes sortes de gnoses dans l'Antiquité, et notamment la gnose des gnostiques et la gnose hermétique.


Ce n'est que plus tard que le terme de "gnose" va prendre un sens plus spécifiquement gnostique compte tenu du fait que les tenants du gnosticisme se sont approprié le terme général de gnose pour en faire un terme spécialisé, désignant leur seule doctrine, à leurs yeux, la seule qui pouvait sauver l'âme humaine de la déchéance et l'emmener à rejoindre sa véritable patrie, un au-delà transcendant éloigné de mille façons d'un monde matériel méprisé.


On désigne ensuite toute posture philosophique ou religieuse qui est proche de la doctrine des gnostiques sous le terme de "gnose éternelle". Cette gnose éternelle se retrouve par exemple à bien des égards dans la philosophie de Platon fondée sur le mépris de la matière et la valorisation opposée du monde Intelligible, monde de l'esprit. Elle se déploie dans de nombreux dualismes philosophiques ou religieux. Le catharisme en est l'un des développements les plus connus, mais aussi par bien des aspects la cabale provençale et espagnole.


Du mouvement originaire, le gnosticisme alexandrin, pendant longtemps la doctrine ne fut connue qu'à travers ses détracteurs. Les Actes des Apôtres (I 8, 9-24) évoque ainsi le gnostique Simon le Mage qui s'était attaché à l'Apôtre Philippe et avait reçu de lui le baptême. L'apôtre Pierre, connu pour son caractère difficile, rejeta violemment Simon quand ce dernier voulut acheter le pouvoir spirituel contenu dans l'imposition des mains.


Irénée de Lyon, vitrail de Lucien Bégule
Irénée de Lyon, vitrail de Lucien Bégule

Mais c'est surtout par Irénée de Lyon né à Smyrne et qui, jeune, avait été approché par des membres des communautés gnostiques présente les thèses gnostiques dans sa Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur. Plus tard, la découverte en 1945 de manuscrits gnostiques à la bibliothèque de Nag Hammadi a permis de lire directement quelques oeuvres gnostiques.


Parmi les grands gnostiques de l'Antiquité, il y avait Apollos qui vivait à Alexandrie puis devint un disciple de Paul de Tarse et qui serait l'auteur de l'Évangile de Paul, cher aux cathares, Ménandre et Saturnin (Satornil), Basilide, Carpocrate, et Valentin qui serait l'auteur de l'Évangile de Thomas, et enfin Marcion, le plus christianisé de tous.


Simon le Mage, Basilique de Saint-Sernin
Simon le Mage, Basilique de Saint-Sernin

Pour les gnostiques, le monde matériel est un cloaque infâme et l'âme humaine éveillée à sa véritable nature se sent étrangère à la biosphère, exilée de sa véritable patrie, un monde spirituel, immatériel, parfait et transcendant.


D'où cette idée que défendent les gnostiques que le monde créé n'est pas une production du Dieu véritable, Dieu nécessairement transcendant, très éloigné du Monde matériel et sans aucun rapport avec lui, mais d'une entité inférieure et mauvaise assimilée par certains gnostiques, au Dieu juif Yahvé.

Dans le chapitre « La Gnose », de l’Histoire des religions que dirige Henry Charles Puech, Jean Doresse donne voix à l’âme gnostique qui s’étonne : « pourquoi et comment suis-je venu en ce bas monde où je me sens étranger, exilé ? » L’âme gnostique est une âme révoltée qui sent entre elle et un monde de violence et de souffrance une hétéronomie radicale. Elle vit ce sentiment de révolte contre l’existence du mal qui l’imprègne comme « la preuve de notre appartenance première au bien parfait qui en est l’opposé ». Ce malaise justifie sa certitude intérieure de venir d’ailleurs, d’être l’enfant d’un autre monde, un monde où le mal n’a aucune existence, où la brutalité et la souffrance qu’elle engendre ne font pas sens. L’appel du bien qu’elle sent comme conforme à sa propre nature la conduit à croire qu'elle « ne peut, par nature, provenir que d’un absolu différent de ce bas monde temporel, mouvant, où les créatures sont en contradiction avec l’unité idéale ».


L'hermétisme qui prend sa source dans la métaphysique égyptienne tient une posture exactement inverse : pour l'hermétisme, la Divinité n'est pas éloignée du Monde, car le Monde cosmique n'est autre que son Corps divin. La phénoménologie hermétique est à l'exact opposé de la phénoménologie gnostique fondée sur le sentiment d'exil : ce monde est le sien est d'une beauté invraisemblable. La phénoménologie hermétique est fondée sur l'émerveillement et le sentiment d'appartenance.


S'éveiller à la gnose hermétique, à la connaissance qui sauve c'est selon l'hermétisme, c'est prendre conscience de la beauté du monde et de la fraternité universelle qui lie chacun à tout ce qui existe. Loin de considérer que la nature, et la sexualité qui reproduit la nature sont mauvaises, la nature apparaît comme l'Ordre divin par excellence. Et le monde cosmique, loin d'être la production d'un démiurge inférieur et mauvais, est le Corps sacré du Divin.


  • HERMÉTISME ET ALCHIMIE : DEUX TRADITIONS SE REVENDIQUANT D'HERMÈS À NE PAS CONFONDRE


Pour découvrir l'hermétisme, il ne faut pas seulement savoir distinguer, au sein de l'alexandrinisme, hermétisme et gnosticisme, il faut aussi arrêter de confondre hermétisme et alchimie. Cette confusion est cependant fondée sur le fait que ce qu'on appelle les Hermetica, l'ensemble des oeuvres écrites anonymement derrière le grand nom d'Hermès rassemblent les textes hermétiques, mais aussi les oeuvres alchimiques, et encore les textes d'astrologie de l'Antiquité et la médecine dite "hermétique". Toutes les Hermética affirmaient être écrites par Hermès et venir directement de la révélation qu'il aurait eu et dont il aurait transmis les connaissances aux autres êtres humains.


Hermès Trismégiste
Hermès Trismégiste

Selon Jean Festugière, le grand spécialiste des Hermetica, il est nécessaire de distinguer entre un hermétisme savant de nature spéculative - celui qui nous intéresse - et un hermétisme populaire et de nature opérative - où il faut ranger l'alchimie, l'astrologie et les traités de magie qui affirmaient venir d'Hermès.


Toute la question est alors de savoir si les Hermetica de nature opérative portant sur l'alchimie, l'astrologie, la médecine hermétique, etc. reposaient sur les mêmes bases doctrinaires que les Hermetica de nature spéculative.


La question n'est pas tranchée entre spécialistes.


S'il est incontestable qu'il y a entre elles des points de convergence, notamment cette revendication d'être des Révélations d'Hermès, et si certains alchimistes comme Zosime de Panopolis se réfèrent à l'hermétisme alexandrin, hermétisme et alchimie engendrent cependant des pratiques qui n'ont pas grand-chose à voir les unes avec les autres.


L'alchimie s'enracine en réalité dans les besoins en or de l'Égypte pharaonique, ce qui avait poussé les métallurgistes à chercher les moyens de transformer les métaux vils. Plus tard, elle s'épanouit dans la même ville d'Alexandrie où, pendant l'époque hellénistique, l'hermétisme et le gnosticisme prennent leur essor. On la retrouve ensuite chez les Arabes qui ont conquis l'Égypte à partir de 640 et qui en perpétuèrent la tradition.


Les pratiques alchimistes ont été poursuivies par les autorités, parce que souvent assimilées à du travail de faussaires. L'Empereur romain Doclétien avait ainsi ordonné, au IIIe siècle, de détruire les oeuvres alchimiques traitant de la fabrication de l'or et de l'argent, tant elles s'étaient rendues indissociables des pratiques d'escroquerie et de charlatanisme.


De son côté, l'hermétisme s'est enfoncé dans l'oubli, même si l'une de ses oeuvres, l'Asclépios, restait entre les mains des élites.


Le but de l'alchimie à travers les siècles de son existence a toujours été la transmutation d'un métal vil en or, en passant par la fabrication de la pierre philosophale.


Mais il est vrai qu'une dimension psychologique de l'alchimie a toujours été mise en avant par les grands noms de l'alchimie, puis par les franc-maçons et par Jung.


Du fait que la fabrication de la pierre philosophale impliquait une purification parallèle du matériau et de l'officiant, les amateurs de l'alchimie ont pris conscience que le but du Grand Oeuvre n'était pas tant l'or métallique que l'or de l'âme et la régénération intérieure. Ils avaient aussi un autre but, tout aussi peu vénal : comprendre les lois secrètes qui régissent la nature. Comme l'explique Serge Hutin dans son Que Sais-je sur l'alchimie :

« Les tentatives expérimentales des vrais alchimistes pour transmuter les métaux étaient entreprises, non pour s’enrichir mais, avant tout, pour contempler le jeu des vraies lois qui régissent la matière pour l’esprit. »
L'Oeuvre au blanc du Rosaire des Philosophes
L'Oeuvre au blanc du Rosaire des Philosophes

Cependant, la purification progressive de l'âme de l'alchimiste connaît des étapes très codifiées (les différentes Oeuvres : au noir, au blanc, au rouge) qui n'ont rien à voir avec la conversion immédiate et radicale que provoque la gnose hermétiste telle qu'elle est décrite dans le Corpus Hermeticum et qui ne consiste qu'en une transformation du regard qu'on porte sur soi ou sur le monde. C'est cette transformation qui représente la gnose hermétique.


Une oeuvre précieuse et très courte, composée d'une douzaine d'images allégoriques en vers, se trouve cependant à la convergence de l'hermétisme et de l'alchimie : la Table d'Émeraude que nous a transmis la littérature alchimique arabe. En voici le début qui concerne l'hermétisme, la suite relevant de la seule alchimie :


"Ceci est vrai, sans mensonge aucun et très véridique : ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles de l'Unité. Et comme tout ce qui a été vient de l'Un par la médiation de l'Unique, ainsi, toutes les choses existantes sont nées de cette chose unique, par adaptation. Le Soleil est le Père, la Lune est la Mère, le Vent l'a porté dans son ventre, la Terre est sa nourrice..."
La Table d'Émeraude
La Table d'Émeraude

Hermétisme et alchimie ont pris une importance considérable pendant la Renaissance, durant la période précisément où le Tarot fut créé.


Mais le Tarot est le résultat de la redécouverte du Corpus Hermeticum par l'élite intellectuelle et artistique de la Renaissance. Or, le Corpus Hermeticum est la plus importante oeuvre théologique et spéculative de l'hermétisme alexandrin, et n'a pas grand-chose à voir avec l'alchimie.



  • L'ITALIE DE LA RENAISSANCE REDÉCOUVRE LE CORPUS HERMETICUM


Deux grandes oeuvres ont traversé l'histoire avant que trois courts textes soient retrouvés dans la bibliothèque gnostique de Nag Hammadi en 1945 ( une prière d'Action de grâce, un long extrait de l'Asclépios et un traité nommé L'Ogdoade et L'Ennéade). À quoi, il faut ajouter vingt-neufs extraits d'oeuvres, sélectionnés par Jean Stobée à des fins éducatives dans son Anthologie.


L'Asclépios
L'Asclépios

Les deux grandes oeuvres sont l'Asclépios, connu du Moyen Âge à travers une traduction en latin, et surtout le Corpus Hermeticum qui arrive en Italie sous la forme d'un Codex de quatorze Traités en langue grecque et en provenance de Constantinople.


C'est Cosme de Médicis qui le récupère en 1463. Appelé depuis "Cosme l'Ancien", il est le dirigeant de la République de Florence. C'est un fameux mécène et un érudit qui connaissait lui-même le grec. Il confie la traduction du Corpus Hermeticum au jeune Marsile Ficin, le fils de son médecin.


Dès la même année, Tommaso Benci, grand ami de Marsile Ficin, opère une traduction de la version latine de Ficin, en italien. Les deux versions, latine et italienne, ont immédiatement circulé sous la forme de manuscrits dans un milieu constitué de penseurs et d'artistes qui voit là un ouvrage éminemment précieux.


Le Manuscrit latin du Corpus Hermeticum traduit par Marsile Ficin
Le Manuscrit latin du Corpus Hermeticum traduit par Marsile Ficin

Le manuscrit latin fut publié en décembre 1471 à Trévise, à l'insu de Marsile Ficin lui-même, et à l'instigation de Francesco Rolandello.


En 1474, une autre édition paraît à Ferrare.


Puis, cet ouvrage voyagea dans toute l'Europe, et connut , entre 1471 et 1641 où il paraît à Paris, 24 éditions différentes.


Comme l'explique le spécialiste de l'hermétisme italien de la Renaissance, Eugénio Garin, la Renaissance s'en empare avec avidité :

"Il circule dans tous les formats : des solennels in-folio des Oeuvres éditées à Bâle aux économiques petits volumes de poche de Lyon. Il circule dans le latin de Ficin comme dans l'italien de Benci, d'après la version de Ficin, pour ne rien dire évidemment des autres traductions ou éditions du texte."

Ce fut littéralement une révolution dans les esprits italiens d'abord, puis européens : la Renaissance avait soif de ce que le Corpus Hermeticum apportait au monde. Elle avait soif du type de spiritualité, immanentiste où le divin n'est pas extérieur à la Création mais en elle, et qui plaçait l'être humain au coeur de la Création, que proposait le Corpus Hermeticum.


Le climat culturel s'y prêtait explique Eugénio Garin, et l'élite européenne accueillit à bras ouvert "l'idée d'une très ancienne révélation" en lien avec l'Égypte ancienne des mystères qui la fascinait, parce qu'elle comblait un " besoin d'un renouvellement religieux universel" ainsi que celui d'un "nouveau lien à la réalité".


C'est cette révolution spirituelle, engendrée par la lecture du Corpus Hermeticum, qui s'est traduite, en image, dans le Tarot de Marseille.


  • HERMÈS TRISMÉGISTE ET L'HERMITE DU TAROT


Atout VIIII du Tarot Jodorowsky-Camoin
Atout VIIII du Tarot Jodorowsky-Camoin

Impossible de comprendre le message que contient l'Atout VIIII, L'HERMITE, si on ignore qui est Hermès Trismégiste et le type d'expérience que le Corpus Hermeticum affirme qu'il a vécu : une expérience de révélation mystique.


Si à notre époque, personne n'aurait l'idée d'affirmer qu'Hermès Trismégiste est une personne historique, à l'époque où le Tarot fut créé, comme plus avant au Moyen Âge ou durant l'Antiquité, il ne venait l'idée à personne de croire qu'il ne s'agissait que d'un personnage légendaire. Augustin d’Hippone (saint Augustin pour les catholiques), au Ve siècle de notre ère, Marsile Ficin en pleine Renaissance, comme les intellectuels du monde arabe médiéval l’imaginaient être un contemporain de Moïse.


Hermès Trismégiste, le trois fois grand, tient tient son nom du dieu égyptien Thot qui était dit "grand, grand, très grand" sur différents édifices égyptiens, notamment au Temple d'Esna. On a beaucoup glosé sur ce qualificatif de "trismégiste" qui est en réalité un résumé de cette répétition de termes égyptiens et qui permet d'adjoindre au nom grec d'Hermès une qualification du dieu égyptien. Car Hermès Trismégiste est la figure même de la conjonction de ces deux cultures de l'Antiquité : la culture égyptienne avec sa métaphysique et son sens de la magie, et la culture grecque et son rationalisme, mais aussi son platonisme.


Bien qu'Hermès Trismégiste ait des traits de caractère relevant des dieux nationaux équivalents de Thot que sont l'Hermès grec et le Mercure latin, le Corpus Hermeticum le présente comme un homme, un ancien sage de l'Égypte pharaonique. Ayant, par sa sagesse, inspiré les mythologies religieuses de ces trois dieux, il serait l'inventeur de l'écriture hiéroglyphique, le premier prêtre, et un génie à l'origine de plusieurs sciences, dont les sciences mathématiques, l'architecture, la médecine et l'astronomie. Il était aussi considéré comme un mage .


Certains font l'hypothèse que cet ancien Égyptien serait Imhotep qui vécut au XXVIIIe siècle avant J.-C, un homme aux multiples talents, et qui fut, entre autres, le grand architecte de Pharaon, mais aussi son chancelier et son médecin, l'inventeur de la pyramide et qui fut divinisé par le peuple égyptien qui fit de lui le fils du dieu Ptah, le démiurge artisan.

Imhotep, statuette du Louvre
Imhotep, statuette du Louvre

Dans le Tarot, c'est L'HERMITE qui figure Hermès, et on le voit sous la forme du Vieux Sage archétypal, symbolisant par son grand âge, le savoir remontant à la nuit des temps, apportant au monde le sens que seul permet de saisir une très longue expérience, éclairant la postérité de cette révélation divine dont il fit l'expérience.


L'Hermite a tous les attributs d'Hermès trismégiste : son bâton de mage, la lampe de la sagesse, son âge canonique, sa houppelande, son statut de marcheur ou du pèlerin.



  • LA DOCTRINE HERMÉTIQUE


Eugénio Garin, le spécialiste de l'hermétisme à la Renaissance résume ainsi la doctrine hermétique et les raisons de la fascination que produisit, sur l'élite intellectuelle et artistique de la Renaissance, la lecture du Corpus Hermeticum traduit par Marsile Ficin :

"L''unité du grand tout, l'harmonie universelle, la centralité de l'homme, l'animation et la vie du cosmos, l'amour et la beauté universels, la musique du monde et la paix religieuse entre les peuples". (Hermétisme et Renaissance, p. 25)

Prenons cependant le temps de présenter les différentes idées de l'hermétisme alexandrin, afin que votre lecture du Tarot puisse en être éclairée.


-Un panthéisme nuancé, entre immanence et transcendance


C'est sur ce point que la vision hermétique diverge le plus de la doctrine de Rome qui reste, sur ce point, dans la lignée du judaïsme. Mais c'est précisément ce qui renouvelle radicalement la vision que la Renaissance a du divin et la raison de fascination : enfin, un ouvrage l'autorisait à sortir de la théologie de la transcendance enseignée par l'Église de Rome.


Le Dieu mâle transcendant
Le Dieu mâle transcendant

Le Dieu unique des religions monothéistes est un dieu extérieur à la Création et aux créatures qui la compose. Il crée, de l'extérieur, le monde cosmique qui lui reste, en tant que monde matériel, étranger.


C'est un Dieu transcendant.


Cette conception inhérente aux trois monothéismes ne va pas jusqu'au mépris gnostique pour le monde créé qui aux yeux de l'Église de Rome reste une oeuvre divine. Mais, en laissant le divin extérieur à la créature, elle tend cependant bien à faire de la nature une réalité sans dignité, qu'on peut exploiter sans limites par exemple, et de l'expérience de l'incarnation, une expérience de souffrance. Le vrai monde, celui pour lequel il faut bien se comporter et accepter cette vallée de larme qu'est le monde matériel, c'est l'au-delà.


Cette conception de la nature divine comme transcendante est l'une des origines de toutes les dérives que connaît notre monde industriel moderne avec sa surexploitation du monde animal et végétal et son interprétation mécaniste du monde naturel. Elle ne convenait pas à l'élite de la Renaissance qui voulait retrouver l'essence de l'ancien panthéisme qui était partagé, durant l'Antiquité, par de nombreuses philosophies païennes de l'Antiquité, dont l'hermétisme.


Gaïa, Mère divine et l'immanentisme païen
Gaïa, Mère divine et l'immanentisme païen

La Divinité Une des hermétistes a suscité l'enthousiasme de la Renaissance, parce qu'elle fait place à l'immanence divine : le fait que la Manifestation du monde n'est pas extérieure au divin, le fait que ce dernier habite chaque existant, jusqu'à la plus infime poussière, jusqu'au plus petit grain de sable.


Le panthéiste de l'Antiquité que partageaient, avec l'hermétisme, par exemple les stoïciens, s'enracine cependant plus antérieurement encore dans la métaphysique égyptienne telle qu'elle était enseignée dans les temples égyptiens à Thèbes et à Hermopolis.


C'est le Couple constitué par le dieu Amon - le Dieu caché, inconnaissable, imaginé sous la forme d'un Oeuf originel - et la déesse Mout - la Mère divine lionne et vautour - qui donne une image de ce que représentait pour les hermétistes alexandrin, cette Divinité originelle, Une et qui est cependant, et pour citer le Corpus Hermeticum, à la fois "mâle et femelle", "vie et lumière", et qui existe en tout existant, comme en tout être qu'il soit matériel ou immatériel. De cette Divinité originelle - Mère et Père conjoints - découle tout ce qui existe tandis que tout ce qui existe reste en Elle.


Amon et Mout
Amon et Mout

La Divinité originelle n'est pas séparée de la Création, et cette dernière n'est autre que Sa Manifestation. Et cependant, l'hermétisme, tout comme la métaphysique égyptienne qui la précéda, affirme l'antériorité à la fois temporelle et substantielle de la Divinité sur la Manifestation.


La Divinité est à la fois antérieure à toute Manifestation, et en même temps dans toute Manifestation. On parle dès lors plus du panenthéisme de l'hermétisme que de son panthéisme.


Voici ce que dit le Corpus Hermeticum de la nature panenthéiste de la Divinité originelle qui n'est pas extérieure à la Création, mais qui ne se réduire à la Création :

"Invisible, parce qu'il est éternel, il fait tout apparaître, sans se montrer. Incréé, il manifeste toutes choses dans l'apparence; l'apparence n'appartient qu'aux choses engendrées; elle n'est pas autre chose que la naissance. Celui qui seul est incréé est donc par cela irrévélé et invisible, mais, en manifestant toutes choses, il se révèle en elles et par elles, à ceux surtout auxquels il veut se révéler."

Ce qui découle de la conception du réel comme soutenu, traversé, rempli de l'essence de vie du divin de l'hermétisme, c'est une profonde fraternité entre toutes les formes d'existants qui sont toutes à la fois des parcelles du Divin Manifesté et les enfants aimés d'une Divinité Une qui réside en chacun sous la forme d'une étincelle divine cachée.


On voit aussi, dans cet extrait, que la Divinité peut se révéler tout particulièrement aux personnes humaines aptes à recevoir sa Révélation.


C'est ce que raconte le premier Traité du Corpus Hermeticum, nommé Poimandrès (Pimandre) : Hermès est entré dans un état d'extase mystique qui lui permit d'entrer en dialogue avec le divin et de recevoir la Révélation qui fonde la doctrine hermétiste.


-La profusion divine et la beauté du monde


L'émerveillement hermétiste
L'émerveillement hermétiste

La deuxième grande idée de l'hermétisme réside dans l'émerveillement qu'entretient tout adepte de cette doctrine devant la richesse et la beauté du monde.


C'est sur ce point, surtout, que l'hermétisme ne peut être confondu avec le gnosticisme qui, au contraire, est fondé sur un mépris radical du monde matériel vécu comme un infâme cloaque où l'âme élevée qui aspire à retrouver sa véritable patrie ne peut que se sentir étrangère et exilée.


Pour l'hermétisme, le Cosmos tout entier n'est autre que le grand Corps du Divin qui se Manifeste dans et par la matière. Ce cosmos ne peut dès lors être que traversé de part en part par l'immense générosité divine et sa beauté. La Divinité originelle accorde à tout existant la perfection et la vie qui prennent racine en Elle.


Cette Vie vivante qui est celle du divin dote tout ce qui est, même ce qu'on appelle les êtres inanimés, les métaux par exemple sur lesquels les alchimistes travaillent, d'une vie qui fait qu'ils croissent, mûrissent, se purifient à travers les siècles, etc.. C'est l'une des reprises théoriques de l'hermétisme par les alchimistes qui considèrent que leur travail sur les métaux ne fait qu'accélérer un processus naturel de purification et de maturation.


Certes, chaque existant connaît aussi des formes de dégénérescences et de vieillissement du fait que la matière, dont est fait le monde, a pour nature une malléabilité qui permet à la Divinité de créer mais qui ne peut pas retenir indéfiniment les formes. Mais pour l'hermétiste ces processus de vieillissement, de pourrissement, et de mort sont des instruments mêmes de la vie qui circule dans tout l'univers. Il est heureux que les formes du monde vivant ne cessent de se défaire, car c'est la raison pour laquelle elles ne cessent de se refaire.


Il est, en effet, selon le Corpus Hermeticum, dans la nature même du divin, de recréer sans cesse de nouveaux existants. Le Divin a pour essence d'être un Créateur. Il y a donc, dans cette association de Matière et de Formes dont est constituée toute la Manifestation, une Vie qui sans cesse se réinvente et se recrée dans une beauté qui est à la fois partout et sans cesse renaissante.


Le renouvellement printanier
Le renouvellement printanier

La Divinité originelle a une générosité d’être qui, sans la rendre dépendante de la création et recréation permanente qui émane d'Elle, la Lui rend nécessaire, et cela sans pour autant diminuer en quelque manière que ce soit la perfection et l’indépendance de sa nature.


Non seulement la Divinité Une de l’hermétisme crée sans cesse, continuellement, inventant sans cesse de nouveaux existants qui ne cessent de manifester leur parenté et ressemblance avec ce qu’Elle est, mais celle-ci ne cesse de soutenir chaque créature tout au long de sa vie. La sollicitude divine qui est une sollicitude parentale accompagne en effet chaque existence, selon le Traité IX du C. H. :

« La Créatrice vit en toutes ses créatures. Elle ne demeure pas dans l’une d’elle séparément, et Elle ne crée pas en l’une d’elle seulement, mais Elle crée en toutes. / Puisqu’Elle est une force toujours active, ce n’est pas suffisant pour Elle d’avoir créé des êtres : Elle les prend tous sous sa garde ».

Toute la Révélation d'Hermès ne consiste donc principalement en ces deux points liés : la prise de conscience que tout est en Dieu, et que tout est, de ce fait, parfaitement beau, mais aussi que tous les existants sont frères et soeurs, en tant qu'expressions limitées des mêmes Père-Mère divins illimités.


Il y a, dans l'hermétisme, une joie sans limites.


Mais, pour parvenir à cette Vision qui est la source de toute la joie hermétiste, l'humanité doit traverser de nombreux obstacles.


-L'Anthropos primordial et la nature double de l'humanité


L'Adam Kadmon, équivalent cabalistique de l'Anthropos primordial
L'Adam Kadmon, équivalent cabalistique de l'Anthropos primordial

Au sein de la Création, l'humanité est une créature unique parce qu'elle possède la conscience et a - potentiellement - accès au Cratère de feu que la Divinité a fait descendre dans le coeur de chaque être humain.


Sur un plan mythologique, le Poimandrès, le premier Traité du Corpus Hermeticum, explique cette singularité de l'humanité par le fait qu'elle n'est pas issue d'un archétype idéal identique à tous les autres.


L'humanité est faite à l'image d'un archétype qui est lui-même l'image complète de la Divinité originelle, distinct en cela des autres archétypes, tous des expressions particulières et limitées du divin.


Cet archétype-reflet du divin, c'est l'Anthropos originel.


Voici le mythe de son engendrement tel qu'il est présenté par le Poimandrès :

"Mais le moteur, Père-Mère de toutes choses, qui est la vie et la lumière, engendra l'Anthropos semblable à lui-même et l'aima comme son propre enfant. Par sa beauté ce dernier reproduisait l'image de son Parent et la Divinité aimait donc en réalité, en lui, sa propre forme, et il lui livra toutes ses créatures."
Les Amours du Ciel et de la Terre dans la mythologie grecque
Les Amours du Ciel et de la Terre dans la mythologie grecque

La suite du récit mythologique raconte comment cet Anthropos primordial, en se penchant sur le monde matériel, s'est épris de la Nature et s'est uni amoureusement à elle, engendrant amoureusement l'humanité, cette espèce si particulière, à la frontière entre le monde mortel des espèces vivantes et le monde immortel des archétypes divins :

"La nature saisit son amant et l'enveloppa tout entier, et ils s'unirent d'un mutuel amour. Et voilà pourquoi, seul de tous les êtres qui vivent sur la terre, l'homme est double, mortel par le corps, immortel par sa propre essence. Immortel et souverain de toutes choses, il est soumis à la destinée qui régit ce qui est mortel supérieur à l'harmonie du monde, il est captif dans ses liens; mâle et femelle comme son père et supérieur au sommeil, il est dominé par le sommeil."

ll y a donc, explique le Corpus hermeticum, deux destinées possibles pour l'être humain selon qu'il se relie à la Nature ou à l'Anthropos primordial, ses deux géniteurs : soit il est tiré du côté de sa réalité corporelle, animale, et instinctive et il est alors "dominé par le sommeil" de la conscience, soit il accède au Cratère spirituel, s'éveille à l'Esprit divin qu'il est en lui, et il rejoint le modèle éternel que représente l'Anthropos primordial.


-L'humanité historique endormie et le risque apocalyptique


Le problème, c'est que tant que l'humanité ne s'éveille pas à l'esprit, elle n'a pas la tranquillité des espèces animales. Le type de conscience qui est en elle, endormie, reste agissant. Elle s'enracine dans les appétits et instincts naturels, et pervertit ceux-ci, les rendant dangereux tant pour celui qui les subit que pour son entourage et même pour l'ensemble de la biosphère.


L'Afrique submergée sous les déchets du monde
L'Afrique submergée sous les déchets du monde

Il y a dès lors une dégradation des milieux humains et naturels qui suit une pente qui ne fait que s'accélérer au fil de l'histoire de l'humanité.


Cette pente du temps dégradatif fait alors peser sur la biosphère un risque apocalyptique, dont la description qu'on trouve dans l'Asclépios ne peut que nous faire frémir à notre époque qui semble désormais être devant l'inéluctable.


Jamais autant qu'à notre époque la prophétie apocalyptique de l'Asclépios n'a autant parlé aux êtres humains qui ne sont plus devant ses descriptions comme devant de purs effets de l'imagination :

"La terre n’aura plus d’équilibre, la mer ne sera plus navigable, le cours régulier des astres sera troublé dans le ciel. Toute voix divine sera condamnée au silence, les fruits de la terre se corrompront et elle cessera d’être féconde ; l’air, lui-même s’engourdira dans une lugubre torpeur. Telle sera la vieillesse du monde, irréligion et désordre, confusion de toute règle et de tout bien."

Le monde totalement dégradé par cette humanité-à-la-conscience-accrochée-aux-pulsions-de-prédation arrivera à un tel point d'éloignement à l'égard de sa beauté première, que sa fin est inéluctable, engendrant par un terrible cataclysme, un nouveau grand cycle dans l'histoire de la biosphère :

" Quand toutes ces choses seront accomplies, ô Asclépios, alors le seigneur et le père, le souverain Dieu qui gouverne l’unité du monde, voyant les mœurs et les actions des hommes, corrigera ces maux par un acte de sa volonté et de sa bonté divine ; pour mettre un terme à l’erreur et à la corruption générale, il noiera le monde dans un déluge, ou le consumera par le feu, ou le détruira par des guerres et des épidémies, et il rendra au monde sa beauté première. »
Samuel Colman, Veille d’Apocalypse, 1836-1838
Samuel Colman, Veille d’Apocalypse, 1836-1838

Cette vision hermétiste de la fin des temps donne valeur aux notions de grands cycles historiques et d'éternel retour que développe aussi Platon dans l'Étranger et le Timée : la dégradation engendrée par les agissements humains non éclairés s'accélère de siècle en siècle et à la fin finit par un cataclysme qui remet en quelque sorte la temporalité au Temps zéro et permet au monde de retrouver sa beauté naturelle.


Dans le Tarot cette association du temps dégradatif et du temps cyclique se retrouve dépeint, symboliquement, par LA ROUE DE FORTUNE où l'on peut voir la roue du temps et des aléas de la vie qui tourne à l'envers : l'humanité non éveillée ne peut aller que vers plus de dégradation, jusqu'à ce que la roue tourne un grand coup et que tout recommence à zéro.


Mais ce destin de répétition dans lequel interviennent à la fin de chaque cycle de grands cataclysmes n'est pas un destin inéluctable.


L'hermétisme est en effet une doctrine pleine d'espérance car elle délivre les moyens d'une guérison de l'humanité à l'égard de cette tendance à la prédation et à la destruction : la Divinité a laissé à la disposition de l'humanité, au coeur de chacun, un grand Cratère spirituel divin.


-Le retour à l'intériorité, l'éveil de l'humanité philosophe et mystique, éveillée au Cratère spirituel et devenue une Coupe capable d'accueillir les bénédictions du Ciel


Au VIIe Traité du Corpus Hermeticum est évoqué l'existence d'un Cratère spirituel, "empli des Forces de l'Esprit" et qui est à la disposition de l'humanité :

« La Divinité a fait descendre un grand Cratère, empli des Forces de l’Esprit et a envoyé un messager pour annoncer au cœur des êtres humains : ‘immergez-vous dans ce cratère, vous âmes qui le pouvez ; vous qui espérez avec foi et confiance vous élever vers celui qui a fait descendre ce vase ; vous qui savez à quelle fin vous avez été créées’. »

Ce grand Cratère se dévoile, en chacun, par la voie de l'intériorité, quand l'humanité au lieu d'être happée par les objets de ses pulsions de possession et de consommation, revient au silence de son coeur et y trouve l'Esprit. Chaque être humain a la possibilité de s'immerger dans ce grand Cratère intérieur qui n'est autre que la parcelle de divinité qui est en chaque existant. C'est alors qu'il découvre "à quelles fins" l'humanité a été créée. Il sait alors quelle est sa mission sur terre. Il est devenu un hermétiste.


L'As de Coupe
L'As de Coupe

Cette immersion dans le grand Cratère intérieur est si transformante et éveillante, qu'elle libère l'âme de l'aliénation qu'engendre l'entrelacement de sa conscience à l'instinctivité corporelle. C'est tout son être qui devient comme une Coupe, celle précisément qui prend place dans le Tarot. Les Honneurs de Coupe mettent en scène la part de l'humanité qui, plus que les autres, est destinée à recevoir les bénédictions du ciel : les médiums, artistes, et mystiques.


Cet éveil de l'âme humaine s'apparente à une transformation du regard sur le monde : au lieu de se voir comme un individu séparé, l'éveillé se voit comme le membre d'une immense famille d'existants, tous liés par un lien de fraternité universelle. Au lieu de voir la nature comme un fond de ressources à exploiter, il la voit comme une Mère bienveillante qu'il faut traiter avec un immense respect. Au lieu de s'obséder de tout ce que la temporalité de l'incarnation lui fait perdre dans le rapport à l'irréversibilité du temps, il s'ouvre à la perpétuelle fraîcheur d'un monde sans cesse en transformation et en renouvellement...


La gardienne du Ciel : la sphinge
La gardienne du Ciel : la sphinge

Dans le Tarot, cette transformation passe par la confrontation à la sphinge qui se trouve dans l'Atout X, LA ROUE DE FORTUNE.


Pouvoir répondre aux énigmes qu'elles oppose à l'aspirant, et dès lors changer son regard sur le monde et sur la relation de l'humanité au temps, le conduit à s'élever jusqu'aux Atouts des troisième et quatrième Main, à ouvrir son coeur, à transformer les épreuves de la vie en vertus de résilience, et à faire de son être une coupe ouverte, un cratère intérieur, prêt à recevoir les bénédictions du Ciel qui pleuvent au niveau des Atouts cosmiques de la quatrième Main. C'est, en langage du Tarot, faire de sa personne une Coupe.


-Le féminisme hermétique et le rôle de la sexualité dans l'éveil


L'hermétisme est une tradition spirituelle qui va à contre-courant des expressions philosophiques et religieuses du patriarcat. Le Dieu originel des hermétistes n'est pas un Dieu mâle, mais à la fois Mère et Père des mondes immatériel et archétypal ou matériel et existentiel, comme l'explique Hermès à son fils Tat dans le Ve Traité du Corpus Hermeticum :

" Qui a fait toutes ces choses ? Quelle est la Mère, quel est le Père, si ce n'est l'unique et invisible Divinité qui a tout créé par sa volonté ?"
La Grande Prêtresse Isis du Rider
La Grande Prêtresse Isis du Rider

Parce que les femmes sont faites à l'image de la Féminité archétypale divine, elles sont tout autant que les hommes de grandes hermétistes.


La plus grande de toutes c'est Isis qui, dans le long extrait sélectionné par Jean Stobée : la Koré Kosmou, enseigne les secrets d'Hermès à son fils.


Cette importance hermétiste du Féminin sacré s'est traduit dans le Tarot à travers le personnage de LA PAPESSE, femme de sagesse, grande devineresse et grande tisseuse, qui possède le Livre du destin et file la Toile de ce dernier.


LA PAPESSE a toujours, et à raison, été identifiée à la déesse-femme Isis, grande prêtresse et enseignante, diffusant un savoir secret, le savoir hermétiste.


Le féminisme de l'hermétisme s'est traduit aussi dans l'importance qu'il accorde à la sexualité humaine, à ce mystère de la Chambre où se joue, pour l'humanité, bien autre chose que la seule reproduction. Celle-ci touche au sacré non parce qu'elle engendre des fils à des pères patriarcaux, mais parce qu'elle se charge d'amour. Durant l'acte sexuel, l'humanité retrouve l'évidence de l'Unité qui, si elle est toujours et partout, reste souvent cachée sous la dualité, l'opposition, la contradiction, etc.


Alors que le gnosticisme et la gnose éternelle qu'on trouve dans tant de philosophies et de religions prônent la chasteté à moins qu'ils n'autorisent ou même suscitent une sexualité perverse, dans les deux cas par mépris pour la chair, rejet de la matière, de la vie, et du pouvoir reproducteur des femmes, l'hermétisme qui représente la culture de l'émerveillement cultive une sexualité saine et sainte.


C'est cette fois dans l'Asclépios que les paroles hermétistes sont à ce sujet parvenues jusqu'à nous :

"Les deux sexes sont pleins de procréation, et leur union, ou plutôt leur unification in- compréhensible peut être appelé Éros (Cupidon) ou Aphrodite (Vénus), ou de ces deux noms à la fois. Si l'esprit conçoit quelque chose de plus vrai et de plus clair que toute vérité, c'est ce devoir de procréer que le Dieu de l'universelle nature a imposé à jamais à tous les êtres, et auquel il a attaché ta suprême charité, la joie, la gaieté, le désir et le divin amour. Il faudrait montrer la puissance et la nécessité de cette loi si chacun ne pouvait la reconnaître et l'observer par le sentiment intérieur. Considère, en effet, qu'au moment où Ia vie descend du cerveau, les deux natures se confondent, et l'une saisit avidement et cache en elle-même la semence de l'autre. À ce moment, par l'effet de cet enchaînement mutuel, les femelles reçoivent la vertu des mâles, et les mâles reposent sur le corps des femelles. Ce mystère si doux et si nécessaire s'accomplit en secret. »

Voir dans le monde cosmique le corps de la Divinité - ce qui est le coeur de l'hermétisme alexandrin - accorde une tout autre posture que de voir en lui une création extérieure du divin (la position monothéiste), ou pire une création méprisable d'un mauvais démiurge (la position gnostique).


L'hermétisme fait de la sexualité, par laquelle le divin ne cesse de renouveler la vitalité de son Corps cosmique à travers la biosphère, un acte sacré auquel s'adonnent sans conscience les bêtes, auquel s'adonnent en le pervertissant les inconscients, auquel s'adonne avec un immense respect, joie, amour et sens du sacré, les hermétistes.


Précisément parce que l'acte sexuel est conscient dans l'humanité, il est tout autre chose aussi qu'un simple acte reproductif. ll est le lieu des pires et des meilleures expressions de l'humanité.


Le pire consiste à chercher son plaisir dans le corps de l'autre, à l'instrumentaliser comme s'il était un objet masturbatoire. C'est le fondement du vice et de toutes les perversions si déployées dans le sexuel de l'humanité.


Le meilleur fait vivre ce qu'il y a de meilleur en l'humanité : la charité - la caritas - au sens qu'on lui donnait aux premiers siècles de notre ère jusqu'à ce que son sens se pervertisse : l'amour du prochain, mais aussi la joie et la gaieté, le désir et le divin amour.



Lorsque deux êtres humains s'unissent, ils rejoignent l'unité divine à l'origine de toutes choses et qui a dû se diviser en se manifestant. Ils reforment un cercle, et un cercle d'amour.


D'où la joie qui fuse. D'où le divin amour qu'ils éprouvent l'un pour l'autre.


Avec cette philosophie immanentiste, nous sommes à des années-lumière de la sexualité honteuse qui accompagna la valorisation de la chasteté et du rejet de la chair du christianisme.


La sexualité est humaine pudique, elle s'accomplit comme un mystère sacré dans le secret, et elle est sanctifiante. Elle crée, dans la joie et le bonheur, un cercle où le don de soi rencontre le don de soi de l'autre.


-L'art et l'Action de grâce


Une des dimensions les plus importantes de l'hermétisme et qu'il est nécessaire de bien connaître pour comprendre le sens de la Couleur de Coupe dans le Tarot, consiste dans le rôle unique qu'il accorde aux artistes.


Le Corpus Hermeticum ne cesse de rappeler que le monde est une merveilleuse création, ce qui fait du Divin un artiste incomparable. C'est "le créateur et l'artiste du monde" explique Isis à son fils Horus dans la Koré Kosmou. C'est "le grand musicien de la nature", "le Dieu qui préside à l'harmonie des odes et qui fait résonner les instruments selon le rythme de sa mélodie" trouve-ton aussi dans les extraits sélectionnés par Jean Stobée. Voici par exemple ce que dit le deuxième Traité du Corpus Hermeticum :

"Mais sache que Dieu est un artiste au souffle infatigable, toujours maître de sa science, toujours heureux dans ses efforts, et répandant partout les mêmes bienfaits."
La quatrième Main du Tarot et l'As de Coupe : les artistes-mystiques recueillant les Bénédictions du Ciel pour, comme L'ÉTOILE, les répandre sur Terre.
La quatrième Main du Tarot et l'As de Coupe : les artistes-mystiques recueillant les Bénédictions du Ciel pour, comme L'ÉTOILE, les répandre sur Terre.

On comprend dès lors que les artistes qui apparaissent, dans le Tarot, comme l'une des quatre expressions de l'humanité, celle qui correspond aux Figures de Coupes, sont, de tous les êtres humains, ceux qui ressemblent le plus au divin. Ce sont les Figures les plus élevées du Tarot, destinées, comme L'ÉTOILE, à recueillir les émanations du Ciel et ses Bénédictions pour les verser sur la Terre.


Pour l'hermétisme, devenir un artiste n'est pas faire croître en soi un art et une imagination créative qui n'a d'autre raison d'être que de s'exprimer comme dans la définition de l'art pour l'art qui domine notre vision de l'expression artistique. C'est un élan qui vient du coeur devant la beauté du monde et le bonheur d'être vivant, devant le spectacle grandiose que représente la Création du monde et qui spontanément prend la forme de poèmes et de musiques. L'art naît de l'élan mystique et représente la forme spontanée que prend cet élan mystique pour s'exprimer.


On a de nombreux hymnes dans les oeuvres hermétiques qui sont parvenus jusqu'à nous, à commencer par celui qui termine le Poimandrès du Corpus Hermeticum. Car tel est le rôle dévolu de toute éternité à l'humanité : elle est le chantre du divin. Elle est ce regard extérieur dont il a besoin comme tout artiste. Elle est cet Autre du divin qui est partie du divin et qui, comme lui, peut créer.


Tout véritable hermétiste, dans l’accomplissement du culte qu’il rend à la Divinité, se fait donc poète, chanteur et musicien et les Hermetica nous dévoilent quelques-uns des hymnes que leur inspire leur cœur enflammé d’amour à l'égard de la Divinité une, ainsi que plein d’un amour filial d’une profondeur infinie.


Le quatorzième Traité, le dernier que Marsile Ficin a, en son temps, traduit, se termine par la révélation du « Chant secret de Louanges » appelé aussi « Formule sacrée » et par lequel s’expriment tout l’amour et toute l’admiration que l’hermétiste ressent devant la Création divine ainsi que le bonheur qu’elle ressent d’être une partie essentielle de Celle-ci. En voici le début :

«"Que toute nature du cosmos écoute ce Chant de louange ! Ouvre-toi, ô terre ! Que les eaux du ciel ouvrent leurs sources à l'écoute de ma voix ! Restez immobiles, vous les arbres ! Car je veux chanter et louer le Seigneur de la Création, le Tout l'Unique ! / Ouvrez-vous, Cieux ! Vents, apaisez-vous ! Afin que l'immortel Cycle de Dieu puisse recevoir ma parole. /, Car je vais chanter la Louange de Celui qui a créé l'Univers entier."

-L'hermétisme et les religions historiques


Il n'y a pas plus tolérant qu'un hermétiste à l'égard de toute forme de religiosité, lui qui, pourtant, n'est enfermé dans aucune forme de religion. L'hermétisme est probablement la première et plus importante forme de spiritualité humaine universelle qui ne peut exister qu'en se situant au-delà de toute religion, de toute croyance culturelle.


Les armées fanatiques de l'islamisme
Les armées fanatiques de l'islamisme

L'Asclépios manifeste la conscience qu'avaient les hermétistes du fait que les religions sont souvent cause de dissensions entre êtres humains, sans parler de guerres : "« ce qui est adoré par les uns, ne reçoit aucun culte des autres » affirme l'Asclépios, ajoutant « ce qui cause souvent des guerres ».


Le simple fait qu'il y ait un lien entre la guerre - expression maximale de la séparation et de la division - montre à quel point les religions historiques peuvent être contraires à toute authentique spiritualité. Car cette dernière ne s'enracine que dans l'intériorité de chacun. La spiritualité n'est pas une croyance, et ne dépend d'aucune révélation, pas même celle d'Hermès, elle est propre à l'âme qui se relie à la divinité qui est en chacun.


Et, quand elle est authentique, la spiritualité est toujours hermétiste : elle s'exprime toujours par un sentiment d'unité et d'appartenance qui ne peut pas conduire à la haine ou à la guerre. Le gnosticisme, par conséquent, est moins une spiritualité qu'une tentation perverse avec son élitisme.


Cependant, l'hermétisme ne rejette pas les religions historiques. Il les considère comme des étapes nécessaires sur le chemin de l'humanité et il se méfie davantage de l'athéisme qui souvent sert de justification à l'individualisme et d'égoïsme. Mais il ne se fait aucune illusion sur les religions historiques : ce sont des créations culturelles destinées à être dépassées par une spiritualité tolérante et universelle.


Sortir des religions traditionnelles ne conduit pas, en effet, l’hermétiste et dès lors la philosophie dans sa quête de sagesse à l’athéisme, bien au contraire, car l’hermétisme est autant fondé sur le Savoir que sur la Foi. Mais c’est sortir du collectif dans la relation au divin, et dès lors de ce que la religion peut avoir d’aliénant et de violent, autrement dit d'intolérant et de fanatique.


-L'humanité divine, jardinière de la Création divine


Enfin, ce dernier point est important pour comprendre pourquoi l'hermétisme a connu une telle faveur à la Renaissance : il affirme la divinité de l'être humain éveillé à sa nature profonde. Il y a, nous l'avons vu, du fait de cet Anthropos primordial, une profonde communauté entre l'humain et le divin.


L’humanité est destinée à être la jardinière du Monde créé par la Divinité, comme l’affirme l’Asclépios: « si le monde est l’œuvre de Dieu, celui qui, par ses soins, en entretient et en augmente la beauté, est l’auxiliaire de la volonté divine, employant son corps et son travail de chaque jour au service de l’œuvre sortie des mains de Dieu ».


Celui qui, Artiste dans l'âme et inspiré, fait surgir des êtres nouveaux qui sont par leur beauté un ajout à la beauté générale du monde est l’instrument du divin, sa main est bénie, elle est, reprendre l’expression de Bergson dans sa désignation du grand mystique, un « adjutores dei », ou pour citer l’Asclépios, « l’auxiliaire de la volonté divine, employant son corps et travail chaque jour au service de l’œuvre sortie des mains de Dieu. »


À la jonction de deux mondes : la main de l'homme et celle de la divinité se rejoignent dans cette célèbre fresque de Michel Ange.
À la jonction de deux mondes : la main de l'homme et celle de la divinité se rejoignent dans cette célèbre fresque de Michel Ange.

De ce fait, l'humanité a une place unique dans le monde. Elle est supérieure non seulement aux autres existants, mais aussi aux êtres purement spirituels aux yeux des hermétistes, en tant qu'elle, et elle seule, appartient aux deux mondes : spirituel et matériel, elle est unique, semblable et elle seule à la Divinité originelle.


Lisons ce petit passage du Xe Traité du Corpus Herméticum nommé judicieusement La Clé :


"L'homme est un animal divin qui doit être comparé, non aux autres animaux terrestres, mais à ceux du ciel qu'on nomme les Dieux. Ou plutôt, ne craignons pas de dire la mérité, l'homme véritable est au-dessus d'eux ou tout au moins leur égal. Car aucun des Dieux célestes ne quitte sa sphère pour venir sur la terre, tandis que l'homme monte au ciel et le mesure. Il sait ce qu'il y a en haut, ce qu'il y a en bas ; il connaît tout avec exactitude, et, ce qui vaut mieux, c'est qu'il n'a pas besoin de quitter la terre pour s'élever. Telle st la grandeur de sa condition. Ainsi, osons dire que l'homme est un Dieu mortel et qu'un Dieu céleste est un homme immortel."

  • L'HERMÉTISME DE LA RENAISSANCE IDENTIFIE LE CHRIST ET L'ANTHROPOS PRIMORDIAL


Le Christ transfiguré et LE MONDE
Le Christ transfiguré et LE MONDE

La Renaissance n'est pas un simple retour à l'hermétisme alexandrin, elle a adapté ce dernier à sa propre compréhension du message évangélique, tel qu'enfin elle a pu le lire, dans les manuscrits originaux ou fidèles aux originaux, écrits en grec, arrivés aussi en Italie de Constantinople.


Les hermétistes de la Renaissance interprètent la figure du Christ comme étant l'Anthropos primordial dont parle le Corpus Hermeticum et dont Jésus de Nazareth, la personne historique, fut la première incarnation.


Jésus de Nazareth est le premier être humain réalisé dans sa pleine humanité, lui qui enseigne la fraternité universelle et la parentalité du divin à l'égard de chaque être humain.


Dürer, Auto-portrait à la fourrure (1500)
Dürer, Auto-portrait à la fourrure (1500)

Tout le but de cette élite de la Renaissance est d'atteindre le même état.


C'est ce but que signale l'Auto-portrait à la fourrure de Dürer qui n'a rien d'égotique dans cette identification au Christ qu'il présente : l'humanité qui s'éveille n'a pas d'autre destin.


Et c'est ce même but que met en scène le Tarot qui identifie le Christ et l'Humanité éveillée dans l'Atout XXI.


Ce but n'est pas une aventure exclusivement individuelle. C'est l'aventure de chacun et de tous, c'est l'aventure de l'humanité et sa destination ultime.


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Remerciements

Tous mes remerciements à Yves Reynaud pour son autorisation à l'usage de son Tarot Convers en illustration de l'Organisation holistique du Tarot de Marseille. 

https://www.tarot-de-marseille-heritage.com/catalogue_conver1760.html

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