top of page

L'AMOUREUX-ATOUT VI

Dernière mise à jour : 13 avr.


L'AMOUREUX - ATOUT VI (Tarot Conver, Éditions Yves Reynaud)



  • L'AMOUREUX appartient à la Verticale des I


La Verticale des I (Tarot Conver, Éditions Yves Reynaud)

La Verticale des I réunit des Atouts décisifs, ceux qui ouvrent, chacun, une nouvelle Main. Et incontestablement, une parenté réunit L'AMOUREUX au BATELEUR, car ils se ressemblent fort, ces deux jeunes gens aux cheveux blonds dorés, mais alors que LE BATELEUR qui représente l'individualité naissante est seul, L'AMOUREUX est très entouré. Deux femmes et un ange l'accompagnent, et pas n'importe quel ange... Il s'agit d'un angelot qui n'appartient pas à l'univers imaginaire chrétien, mais à la mythologique antique, celle des Grecs. C'est le dieu Éros qui déclenche des coups de foudre et des passions en lançant ses flèches qui surplombe le jeune homme et lui donne son nom : L'AMOUREUX. Si LE BATELEUR est l'Atout de l'enfance, L'AMOUREUX est celui de l'adolescence. Deux temps clés pour la formation du caractère sur le plan terrestre.

Tous les membres de cette Verticale possèdent une grande puissance charismatique, car c'est à partir d'eux que se déploient chacune des Mains du Tarot. LE BATELEUR, le tout petit, le débutant, celui qui incarne le potentiel d'existence que possède toute individualité en formation ouvre la première Main qui représente la famille humaine. L'AMOUREUX, de son côté, inaugure la seconde communauté humaine, la communauté sociale. LA FORCE représente l'individualité maîtresse d'elle-même et qui, de ce fait, est en capacité de pouvoir affronter les plus importantes épreuves de la vie pour les transformer en charismes et expressions vertueuses de la résilience. Et LA MAISON DIEU ouvre la Tour centrale d'une individualité désormais assimilable à un Temple et apte à recevoir les bénédictions du Ciel que dispensent les Atouts cosmiques.

L'étape que représente L'AMOUREUX, c'est celui du passage : passage de l'enfance à l'âge adulte, passage des habitudes anciennes à un comportement nouveau, passage d'une vie dépassée à une vie renouvelée. Et ce qui permet ce passage, révèlent les créateurs du Tarot de Marseille, c'est la force de la joie et de la passion dans son aspect le plus positif, c'est-à-dire de cette impulsion née du plus profond de soi et qui oriente vers ce dont celui qui l'éprouve a vraiment besoin, ce qu'il est nécessaire pour suivre l'impératif du moment, et accomplir sa vraie nature.

On ne tombe pas amoureux de n'importe qui, explique José Ortega y Gasset dans ses analyses de l'amour. Si la puissance érotique est si révolutionnaire et impose de telles transformations de vie, c'est parce qu'elle nous met en relation avec ce dont chacun de nous a besoin pour s'accomplir. L'autre dont on tombe amoureux est la promesse d'une renaissance en un nouvel être plus fidèle au soi que le moi issu des relations passées.

  • L'Adolescence et la triangulation oedipienne

L'Amoureux dans le Visconti-Sforza

Si l'on regarde les deux exemplaires qui nous restent du jeu princier à Triomphes Visconti-Sforza à partir duquel les créateurs du Tarot dit de Marseille qui appartenaient à la Cour de Ludovic Sforza à Milan ont repensé la Carte de l'Amoureux pour en faire une des images de la représentation hermétique du réel, on ne peut être que frappé par le fait que le Tarot de Marseille dit tout autre chose. Alors que nous assistons à une déclaration d'amour ou encore à une promesse d'engagement dans le Visconti-Sforza, dans le Tarot de Marseille, il s'agit d'une triangulation de la relation amoureuse.

Freud n'a pas inventé la relation oedipienne, comme en témoigne le grand mythe d'Oedipe mis en scène par Sophocle dans l'Antiquité. Il n'a fait que mettre en lumière l'importance que représentent les parents dans la construction non seulement du caractère, mais aussi de ce qui, en chacun, permet la relation à autrui. Aussi les parents représentent, à cet âge adolescent qu'incarne l'Atout, l'ancienne loyauté, la fidélité qui si elle s'imposait encore comme exclusive serait délétère.

La triangulaire oedipienne (Tarot Conver, Édition Yves Reynaud)

Très clairement, le jeune homme qui est au centre de l'Atout VI et qui lui donne son nom L'AMOUREUX est pris entre deux personnes de sexe féminin. L'une possède une couronne de laurier et a un visage et une coiffure en accord avec sa maturité, et l'autre, à la chevelure plus libre qui porte des fleurs. Aucune des deux ne sourit, et la jeune fille de droite a une bouche particulièrement courbée vers le bas, attestant que le moment ne lui est pas agréable.

Certains tarologues, Alexandro Jodorowski et Marianne Costa en particulier, font de la scène une interprétation totalement ouverte, au point de pouvoir y voir aussi bien :

"Un garçon qui présente sa fiancée à sa mère ; une femme qui découvre son mari avec sa maîtresse ; un homme tenu de faire un choix entre deux femmes ou, comme le veut l'interprétation traditionnelle, entre le vice et la vertu ; une maquerelle offrant une prostituée à un passant ; une jeune fille qui demande à sa mère la permission d'épouser le garçon qu'elle a choisi ; une mère amoureuse de l'amant de sa fille ; une mère préférant l'un de ses enfants à l'autre..."

Si nous ne souscrivons pas à cette multitude d'interprétations bien pratiques quand on use du Tarot dans le cadre de la mancie ou de l'analyse psychologique, c'est que la scène est assez précisément présentée : le jeune homme prend appui sur la jambe gauche, mais a fait un pas vers la droite. Il regarde la femme de gauche, mais s'avance vers la femme de droite. Et la flèche ne pointe pas n'importe où, mais bien sur le lien qui attache ce jeune homme à la jeune fille. Ses pieds sont chaussés de la couleur rouge, celle de la puissance des désirs et des forces vitales en jeu.

Si la jeune femme de droite est soucieuse, c'est qu'au lieu d'accepter simplement l'attrait qui le lie à elle, L'AMOUREUX a encore les yeux rivés sur d'anciennes fidélités, et la femme de droite le retient encore en plaçant sa main sur son épaule. Ce jeune homme est encore sous l'emprise d'une femme plus âgée, et qui porte la couronne de Laurier que lui donne un ascendant ancien et honorable, celui qui lui est conféré par un amour maternel qui date de la naissance de l'enfant que fut L'AMOUREUX avant d'entrer dans l'adolescence. Peut-être ne pourra-t-il jamais se libérer de cette emprise, malgré les forces de la vie qui l'ouvre à la nouveauté, à cet amour frais et plein d'élan vital qui le lie à la jeune fille, et c'est ce que craint cette dernière qui, dans la vie réelle, souffre souvent de l'importance accordée, par son amoureux, à sa mère qu'elle vit comme une rivale quand il n'y a plus lien pour cette dernière de jouer ce rôle.

  • La Force d'Éros et l'Attrait du Nouveau

Ce qui donne à L'AMOUREUX la force de sortir de la communauté familiale pour entrer sur la scène sociale et politique, c'est l'énergie passionnelle que symbolise le petit Éros qui l'oriente clairement vers la nouveauté que représente la jeune femme à sa droite. La flèche du dieu antique Éros pointe sur le lien qui unit le jeune homme à celle-ci.

Loin donc de représenter une scène où il s'agirait pour le jeune homme de choisir entre le vice (la jeune fille à droite) et la vertu (la femme plus âgée à gauche), il s'agit d'une scène où l'individualité hésite encore entre le passé (la femme de gauche) et l'avenir (la femme de droite), entre sa mère et son amoureuse. Cet Atout représente en effet le temps de l'adolescence, ce Moyen-Âge qui se caractérise par le fait d'avoir un pied dans l'enfance et un pied dans le monde des adultes. Rien ne peut aussi clairement faire avancer l'adolescent vers l'âge adulte, que de tomber amoureux, mais cela implique alors une déloyauté qui lui pèse : il faut qu'il abandonne son premier grand amour, celui qu'il a éprouvé pour sa mère. Cette scène représente la réactivation adolescente du temps oedipien pour en liquider les derniers reliquats.

Cet Atout n'est pas qu'une Carte qui parle d'amour, d'affection, de coup de foudre et de déclaration. Et ce n'est que la Carte par excellence de l'adolescence qui oscille encore entre le monde ancien de l'enfance et le monde nouveau des adultes. Elle est la représentation de tout dilemme entre l'Ancien, tout honorable qu'il soit, et le Nouveau qui ne peut exister sans la puissance du désir, du plaisir et des forces vitales et par l'abandon de ce qui est devenu vieux.

Pour comprendre cette puissance de renouvellement qui n'existe que dans et par la joie, je vous propose de relire quelques passages du Dialogue avec l'ange retranscrit et publié par Gitta Mallasz. Dans le neuvième Entretien, l'ange révèle que la présence divine qu'il représente n'a pas de signe plus clair que la joie : "JE NE SUIS PRÉSENT QUE DANS LA JOIE" . Dans le dixième Entretien, il explique que la joie que Gitta éprouve désormais à chacune de ses visites "REND SA PRÉSENCE FACILE". La joie est l'éprouvé le plus élevé de l'être humain. C'est la seule des émotions fondamentales qui est toute positivité. Elle est, à elle seule, le contrepoids des trois émotions de la terre et du poids : la tristesse, la colère et la peur. Quand la joie est éprouvée, quelque chose de la créativité divine est en jeu. Elle manifeste toujours que le Nouveau perce l'épaisse carapace de l'Ancien pour y renouveler la vie. Le Nouveau en effet, c'est ce qui n'est pas enfermé dans l'Ancien, il n'est autre que la Création qui se manifeste dans sa perpétuelle fraîcheur. Dans le dix-huitième Entretien, l'ange affirme la communauté profonde qui existe entre l'amour et la joie: comme l'amour, dit-il, elle est "une et indivisible".

"Soyez attentifs ! Le Nouveau habite déjà parmi vous. / Grand miracle ! / Gardez-le bien ! Protégez-le bien ! / C’est un mystère. / La joie sera votre compagne constante." (Entretien 20)
"Notre lutte n’est pas l’ancienne lutte. / Il faut annoncer le Nouveau, l’Inconnu. / Peur pour les débutants – joie pour les élus./ N’oublie pas que ce qui te vivifie/ Réduirait les autres en cendres !" (Entretien 25)

Lorsqu'un acte véritable est posé, c'est-à-dire un acte qui n'est pas la répétition du passé, mais une véritable création qui ne peut être que celle d'un Individu par quoi le divin s'exprime, la joie se manifeste. Et cette aptitude à faire surgir le nouveau et à s'ouvrir à lui est symbolisée, dans l'Atout VI, par le petit angelot qu'est le dieu Éros.

La référence du Tarot n'est pas la kabbale juive. L'ange qui incarne l'amour n'est pas l'ange Samuel qui apparaît au contraire dans l'imposante figure angélique du Rider. Si la référence au dieu grec, Éros, a été préférée par le ou les créateur(s) du Tarot, c'est que la religion chrétienne tend à gommer l'importance du désir, de la passion, des expressions humaines des pulsions vitales les plus puissantes. Pourtant, dans le Cantique des cantiques , on trouve de très belles expressions de cette reconnaissance de la sainteté que possède la puissance érotique : "Nous célébrons tes amours plus que le vin; / comme on a raison de t'aimer" dit la Bien Aimé qui rappelle que l'amour érotique, celui qui lie les amoureux, est une énergie divine qui l'a marqué de manière si intense qu'elle est noire, comme brûlée par le soleil divin.

  • L'AMOUREUX, premier Atout de la seconde Main, ouvre à la sociabilité

La seconde Main du Tarot (Tarot Conver, Éditions Yves Reynaud)

En tant que premier Atout de la seconde Main, L'AMOUREUX marque le commencement des relations dans la sphère de la vie sociale et politique. Si la première Main représente la première communauté humaine, c'est-à-dire la famille, la seconde Main met en scène la seconde communauté humaine : la société et l'État. Déjà, le dernier Atout de la première Main, LE PAPE, avait enjoint l'enfant à s'émanciper de la famille, de sa présence, de ses normes, de ses limites pour découvrir un monde moins enfermé et enfermant: le monde de l'école, le monde des études, celui où l'enfant déjà fait l'apprentissage de la vie en société. Mais ce qui sépare vraiment l'ancien enfant de l'enfermement familial et l'ouvre aux potentialités de vie sociale et politique, c'est de tomber amoureux. C'est l'appel érotique d'une vie personnelle beaucoup plus ouverte que représente l'Atout VI. Toute la seconde Main, cependant va garder quelque chose du feu érotique qui entraîne L'AMOUREUX vers son destin d'émancipation. Elle est tout entière sous l'égide de cette érotique qui affirme sa puissance dans L'AMOUREUX. C'est avec passion, en effet, que LE CHARIOT explore le monde, c'est l'amour de la justice qu'exprime l'Atout VIII, et celui de la sagesse et de la transmission avec L'HERMITE. Mais LA ROUE DE FORTUNE, nous le verrons, indique clairement que ce feu n'est pas suffisant pour faire un être humain totalement réalisé dans sa nature singulière. La sphinge en effet va l'obliger à réfléchir à ce qu'est un être humain dans la plénitude de sa nature.

  • LE DIABLE est l'Atout complémentaire de L'AMOUREUX

L'AMOUREUX et LE DIABLE sont des Atouts complémentaires (Tarot Conver, Éditions Yves Reynaud)

Malgré toute la puissance divine que contient l'émoi érotique et la force d'attraction qu'il confère au Nouveau lorsque ce dernier représente précisément ce dont le Soi a besoin pour avancer vers sa propre réalisation, L'AMOUREUX ne peut pas trouver en lui-même la totalité de à quoi son âme aspire sur son chemin d'individuation. L'Atout VI a besoin de se connecter à son Atout complémentaire qui lui offre précisément ce dont il manque. Cet Atout complémentaire, c'est LE DIABLE.


L'AMOUREUX et LE DIABLE dans le Rider

Le terme "diable" a pris, au sein des trois monothéismes, une connotation très négative en relation avec l'étymologie du mot : le verbe "diaballo" en grec signifie ce qui divise, ce qui désunit, et par extension, ce qui calomnie par le mensonge.

Le Rider qui s'inspire beaucoup du jeu princier de Triomphes présente l'ange de l'amour de l'Atout VI et le diable de l'Atout XV comme des êtres simplement opposés, l'un étant radicalement bon et l'autre mauvais, l'un unit, l'autre enchaîne, l'un élève, l'autre aliène. Mais une telle vision est à l'opposé de l'hermétisme qui inspire le Tarot de Marseille pour qui LE DIABLE est bien supérieur en puissance à l'ange de l'amour, au petit angelot aussi rayonnant ce dernier soit-il.

Bien évidemment que LE DIABLE représente une épreuve, et même la plus grande de toutes les épreuves puisque cet Atout XV marque la fin de la troisième Main. C'est l'épreuve de la dépendance, de l'addiction, de l'envie, de la calomnie, de l'athéisme... Mais, en tant que Porte qui mène aux Atouts cosmiques, l'Atout XV a une dimension positive radicale : LE DIABLE est le gardien du seuil en tant qu'Atout de la chair vivante, et de la plus grande lucidité.

On le sait, "l'amour est aveugle", mais LE DIABLE, dans ses significations positives, est sorti de toutes les sortes d'aveuglement qui accompagnent l'amour. Il connaît la part d'obscurité, l'Ombre, qui se trouve derrière les formes les plus dévouées de l'affection humaine ; il a perdu toute illusion. En ce sens, il représente un amour bien plus accompli, non seulement parce que charnel, mais aussi parce qu'ayant vécu et dépassé l'état amoureux et la dépendance. Le Diable sait exactement ce qu'aimer veut dire et il ne s'engage plus sous la seule impulsivité. Et contrairement à L'AMOUREUX qui est encore très hésitant, pris dans une attirance qui l'éloigne des attachements anciens, il ne sait toujours pas exactement ce dont il a besoin pour être heureux, LE DIABLE connaît ses besoins, tant physiques que spirituels, et ne craint rien ni personne, pour s'en emparer. Son énergie, sur le chemin de l'individuation, est bien plus avancée que celle de L'AMOUREUX aussi charmant ce dernier soit-il.

  • L'AMOUREUX est le Maître-Atout secondaire des Valets

L'AMOUREUX et le Valet de Coupe (Tarot Conver, Éditions Yves Reynaud)

On ne peut pas comprendre le Tarot, sans évoquer l'hermétisme qui est la philosophie et la tradition spirituelle qui l'inspire. Une des clés de compréhension de l'hermétisme se trouve énoncée dans la Table d'Émeraude :

"Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'une seule chose."

Ce qui est en haut, c'est le monde intelligible, archétypal, à partir du modèle duquel le monde matériel est créé. Ce qui est en bas, c'est la biosphère, la terre, qui est faite à l'image du monde intelligible. Au sein du Tarot, il faut considérer les Atouts comme l'expression des archétypes universels du monde intelligible. Les Cartes de Couleur et particulièrement les Figures sont les reflets des archétypes qu'on trouve dans les Atouts, et particulièrement les archétypes des deux premières Mains. Ainsi, nécessairement, ce qui est en bas va refléter ce qui est en haut, tout comme ce qui est en haut se reflètera dans la quadruplicité des Figures en Couleurs.

En lien avec les Valets, L'AMOUREUX apporte une dimension supplémentaire à celle que leur accorde leur Maître-Atout principal, LE BATELEUR. De L'AMOUREUX et en accord avec la dimension érotique qui est la sienne, les Valets, dans la Couleur qui est la leur, exprime la joie qu'éprouvent les débutants dans l'abord de leur apprentissage, ainsi que les hésitations qui sont encore les leurs.


5 vues0 commentaire

Comments


Remerciements

Tous mes remerciements à Yves Reynaud pour son autorisation à l'usage de son Tarot Convers en illustration de l'Organisation holistique du Tarot de Marseille. 

https://www.tarot-de-marseille-heritage.com/catalogue_conver1760.html

E-mail

Nous suivre

  • Facebook
  • Twitter
  • LinkedIn
  • Instagram
bottom of page