I LA JUSTICE COMME CONCEPT ESSENTIEL À LA VIE COMMUNAUTAIRE
Au centre de la seconde Main des Atouts, LA JUSTICE soutient l'existence de la communauté sociale et politique et au-delà
Chaque Atout de la Verticale des III est au coeur de sa Main et ce n'est pas insignifiant, car cette troisième Verticale représente le tronc de cet Arbre de vie que représente par ailleurs l'ensemble des Atouts de I à XX. Or, c'est le coeur de chaque Main qui permet l'existence même de cette dernière. Ainsi, sans L'IMPÉRATRICE et ce qu'elle représente, il n'y a pas de communauté familiale. C'est elle qui lie l'enfant à son père, que ce dernier assume le rôle directif et protecteur de L'EMPEREUR ou le caractère socratique de sa guidance qui est porté par LE PAPE. De même, sans LA JUSTICE, il n'y a pas de communauté sociale, que cette dernière repose sur la vertu intérieure des êtres humains ou qu'elle organise l'ordre socio-politique et la justice de l'État qu'elle représente indifféremment. Sans l'Atout XIII et le détachement qu'il permet, il n'y a pas de vertus et de résilience dignes de ce nom. Et enfin sans se relier à LA LUNE, et à la nature sauvage, à Gaïa, la Mère divine-Terre, tout comme sans la puissance de vie et de mort d'Hécate, la Mère-Lune, il n'y a pas possibilité pour l'humanité de devenir des Coupes et d'être fécondées par les émanations cosmiques.
C'est par LA JUSTICE qui au coeur de la seconde Main du Tarot, où se joue la vie communautaire sociale et politiques, la santé et l'équilibre des relations humaines ne sont pas possibles, parce qu'elle satisfait des exigences essentielles à l'âme humaine concernant tout type de relations interpersonnelles : le besoin d'équité et de réciprocité, d'ordre et de loi, d'obéissance et de liberté...
La justice est la première des quatre vertus cardinales
LA JUSTICE est l'une des quatre vertus les plus importantes et les plus couramment évoquées par les philosophes ou les éthiciens. C'est en effet l'une des quatre vertus dites "cardinales" que sont le courage (ou force d'âme), la tempérance, la justice et la sagesse (ou la prudence au sens premier du terme, la prudentia).
Ces quatre vertus cardinales ont leur place dans le Tarot, et même s'il y a d'autres candidates possibles ce sont généralement LA FORCE qui est retenue pour incarner le courage, TEMPÉRANCE pour la vertu qui porte le même nom, L'HERMITE pour la sagesse, et bien sûr LA JUSTICE pour la vertu de justice.
La place qu'a chacune des Cartes dans la suite des Atouts n'est pas due au hasard. Le créateur du Tarot a placé la justice en premier, suivie immédiatement par la sagesse-prudence, puis plus loin on voit apparaître la force d'âme-courage et enfin la tempérance avec l'Atout XIIII.
Si la vertu de la justice arrive en premier sur la scène tarologique, c'est parce que, comme l'explique Aristote, elle représente l'essence même de toute vertu. Elle est au coeur de trois autres. Impossible, selon Aristote, de faire preuve de force d'âme et de courage pour affronter les épreuves de la vie ou pour faire face à un ennemi sans avoir d'abord cultivé en soi le sens de la justice, et il en est de même pour les autres vertus. Ainsi, c'est parce qu'il voit qu'il est juste qu'il prenne part aux défenses de la cité, même si cela l'oblige à mettre en risque sa propre vie que le citoyen antique faisait preuve de courage, pour reprendre l'exemple qu'Aristote donne dans l'Éthique à Nicomaque pour illustrer ce caractère essentiel de la justice au sein de toutes les autres vertus.
Cela ne nous dit pas cependant en quoi consiste la justice et ce qui caractérise une personne dont on peut dire qu'elle est juste. Pour répondre à cette question, Aristote note que la vertu de justice est une vertu essentiellement relationnelle et sociale. Elle consiste dans une mise à distance des passions égoïstes pour faire place à l'autre, sachant que faire cette place participe à la recherche de sa propre perfection, puisque l'être humain qui ne peut pas être heureux tout seul est un être fondamentalement sociable. Être juste, c'est, nous dit encore Aristote part prendre sa part en matière de corvées au sein de la communauté et, d'autre part, ne prendre que sa part en matière de biens qui se partagent. Être juste c'est tout simplement savoir bien partager avec l'autre, et avec les autres.
Pourquoi LA JUSTICE est la quintade supérieure de L'IMPÉRATRICE : le parent injuste détruit la communauté familiale
Au sein de l'Organisation holistique du Tarot de Marseille, LA JUSTICE se trouve juste au-dessus de L'IMPÉRATRICE, ce qui représente la mise en image d'un fait universel : la mère de la triangulation, la mère qui a donc potentiellement plusieurs enfants accomplit un travail important, pour la bonne santé de la famille, de juste répartition des tâches et des biens entre les enfants. Tout enfant veut tout avoir pour lui, ou en tous cas, le meilleur pour lui. Mais parce qu'il a grandi et qu'il n'est plus en face de la mère fusionnelle (LA PAPESSE), il est confronté à la réalité du partage. Si la mère est suffisamment distanciée pour être une bonne mère de l'enfance qui suit les deux premières années, si donc L'IMPÉRATRICE se fait LA JUSTICE, le désir de l'enfant évolue. Il apprend à partager, c'est-à-dire qu'il ne peut pas tout avoir, ou le meilleur, et que ses frères et soeurs, ainsi que son père, ou encore sa mère ont des droits qu'il lui faut respecter. Il se met donc à désirer le partage juste, et l'exigence de justice devient importante pour lui.
L'idéal de la justice s'enracine en effet dans l'enfance, et naît de l'aptitude des parents, particulièrement de la mère, à distribuer de manière équitable son amour entre tous ses enfants. S'il s'agit d'un enfant unique, l'enfant rencontre cet idéal à l'école, ou dans les relations de cousinage et il sera nécessairement confronté au partage et aux conditions du juste partage. Le partage n'est acceptable en effet que s'il est juste, c'est-à-dire fondé sur le principe de l'égalité. Le bon parent ne fait pas d'injustice, c'est-à-dire que son amour se distribue à égalité entre tous ses enfants, et cela se manifeste de multiples façons. À l'inverse, le mauvais parent, la mauvaise mère ou le mauvais père, fait des préférences.
La Bible raconte l'histoire d'un mauvais parent, d'un père injuste, Jacob, qui avait des préférences parmi ses enfants. Il en aimait beaucoup certains et d'autres non. L'un d'entre ses très nombreux enfants, Joseph, avait cette préférence du père qui a mis en danger, gravement, la communauté familiale.
Préférer l'un de ses enfants c'est, pour un père, faire preuve d'injustice, et c'est, au sein du Tarot, précisément le contraire qu'incarne LE SOLEIL, l'Atout XVIIII qui représente la façon dont apparaissent, aux yeux du père généreux, du Père solaire, ses propres enfants, comme des jumeaux, précisément parce que son amour se distribue dans une parfaite égalité. LA JUSTICE qui appartient à la Verticale des III n'élève pas la mère juste, la mère aimant ses enfants de manière radicalement égale, au même niveau que ne le fait la Verticale des IIII, comme s'il était plus facile pour elle d'incarner ce qui, au sein de cette Verticale, la surplombe immédiatement, cette radicale égalité avec laquelle elle aime ses enfants.
Mais pour le père d'une famille nombreuse, Jacob, il en allait tout autrement. Son amour de père s'enracinait cependant dans une histoire conjugale qui fit de lui la victime de son beau-père et oncle Laban, puis d'une situation polygamique qui lui a été imposée par la ruse de ce dernier. Envoyé par sa mère auprès de son oncle Laban pour y trouver femme, Jacob avait en effet fait la rencontre de Rachel, la fille cadette, à laquelle il s'était fait connaître comme son cousin avant qu'elle le conduise auprès de son père. Et Jacob, lors de cette première rencontre avec une femme de sa famille était immédiatement tombé amoureux de cette dernière. Laban avait besoin d'un jeune homme pour mener à bien ses affaires et il a demandé à Jacob, à quel prix, il consentirait à l'aider. Jacob avait répondu qu'il lui donnerait sept années de travail en échange de la main de sa fille Rachel. Malheureusement pour Jacob, une fois les sept années passées, ce n'est pas Rachel qu'il connut lors de sa nuit de noces, mais sa soeur aînée Léa, et cela à son insu, ayant sans doute la conscience amoindrie par l'ivresse lors de sa nuit de noces. Il lui fallut donc attendre sept autres années pour pouvoir enfin épouser celle qu'il aimait, et à l'intérieur d'une relation polygamique qui incluait de garder Léa, l'ainée, comme première épouse.
De même que Jacob n'aimait, en réalité, que Rachel, il préférait nettement les deux enfants de cette dernière, aux nombreux fils de Léa, à quoi s'ajoute les nombreux fils des servantes que Jacob avait engrossées. Il n'est pas le lieu ici d'exposer toute la complexité d'une famille où la ruse prévalait sur l'éthique, puisque Jacob avait ainsi obtenu le droit d'aînesse qui aurait dû revenir à Ésaü, retenons simplement que l'amour de Joseph pour ses frères va engendrer une alliance entre les différentes tribus d'Israël, mais cet amour ne sera accepté par ces mêmes frères que parce Joseph les a sauvés de la disette.
La préférence visible de Jacob à l'égard du fils aîné de Rachel, Joseph, a introduit dans la famille un important ressentiment, un sentiment de colère et une violente jalousie des frères de Joseph, à tel point qu'ils ont d'abord voulu tuer ce dernier et se sont finalement résolus à le vendre en tant qu'esclave, ce qui l'a conduit en Égypte.
La civilisation occidentale a tellement bien intégré les leçons du récit biblique sur la famille de Jacob, et de ses fils qu'elle a rendu illégale la polygamie, et a fait de la préférence du parent un tabou.
Tout le monde connaît le fameux "Choix de Sophie", expression qui renvoie à un choix impossible, celui que doit faire une mère, dans le roman de William Styron, entre ses deux enfants, sous la menace d'un tortionnaire nazi. Quel est celui qu'elle va envoyer à la mort pour permettre à l'autre de continuer à vivre ? Ce romancier a imaginé l'une des pires tortures qu'on puisse infliger à un parent, l'obliger à manifester une préférence vitale là où précisément il ne peut pas y en avoir. Si Sophie ne donnait pas le nom d'un de ses enfants, les deux étaient emmenés pour être gazés. Elle a donc fait un choix impossible et c'est sa petite fille de 7 ans qu'elle a envoyée à une mort immédiate pour sauver son fils. Sophie qui ne s'est jamais remise de la culpabilité qu'un tel choix a engendrée en elle et elle finit par se suicider. Ce roman et le film qui en a découlé sont la démonstration de ce que les créateurs du Tarot ont mis en scène dans son organisation holistique : LA JUSTICE est la forme immédiatement supérieure à l'Atout qui représente la mère de famille, L'IMPÉRATRICE, ce qui ne signifie rien d'autre que la nécessaire et permanente expression de l'amour maternel doit absolument avoir pour forme la parfaite égalité avec laquelle cet amour se distribue entre tous les enfants.
La Justice sociale et l'idéal de la juste distribution des biens et des corvées cheminent de l'idéal de l'égalité à l'exigence d'équité
L'identification entre la justice et l'égalité de traitement des parents à l'égard des enfants se prolonge, au sein des sociétés modernes, dans ce qu'on appelle "la justice sociale". Il y a une aspiration universelle de l'être humain à l'égalité tout comme à la réciprocité dans les relations humaines comme l'explique le grand anthropologue du XXe siècle, Claude Lévi-Strauss, et même si l'histoire n'a cessé de contrer cette aspiration par toutes sortes de hiérarchies et de privilèges qui se créent aux dépens de populations défavorisées, chacun sait que sur le plan de son humanité, n'importe quel être humain a la même valeur que n'importe quel autre et cela doit se traduire d'une manière ou d'une autre dans la société. Dans le Tarot, cela se traduit par le fait LA JUSTICE est en relation diagonale avec L'EMPEREUR qui incarne, de son côté, l'autorité politique. Même si la relation entre cette autorité ainsi qu'avec le père tribal qu'incarne L'EMPEREUR n'est pas aussi directe qu'avec L'IMPÉRATRICE qui est immédiatement surplombée par LA JUSTICE, toute autorité politique, administrative, policière, juridique et judiciaire repose sur le respect de la justice particulièrement quand celle-ci se cristallise sous la forme des lois.
Les expériences utopistes historiques d'instauration d'une égalité parfaite ont, cependant, toutes échoué et ont même révélé au monde le caractère dystopique de toute utopie. C'est que l'égalité absolue, immédiatement visible et souvent imposée par un pouvoir politique révolutionnaire et oppressif s'oppose radicalement à la liberté individuelle, et d'autre part se révèle, en réalité et à qui réfléchit véritablement la signification d'un ordre social et politique, une infidélité à l'universelle aspiration des êtres humains à l'égalité. Une mère, pour reprendre notre exemple précédent, qui donnerait à tous ses enfants une part égale d'un plat savoureux, alors même que l'âge et les besoins énergétiques sont très différents, serait bien plus injuste qu'une mère qui tiendrait compte de ces données complexes et dès lors distribuerait de manière inégale la nourriture. C'est bien parce qu'elle aime ses enfants de manière égalitaire que son action ne suit pas ce qu'Aristote nomme "l'égalité arithmétique", mais pour suivre ses distinctions "l'équité". Vouloir instaurer l'égalité sans tenir compte de tout ce qui est en jeu dans la relation et les personnes en jeu est en effet une forme de brutalité dont le contraire est l'équité.
La balance de la justice sociale n'est autre que la pesée complexe et très précise de l'équité dans la distribution des biens et des corvées
Si la justice personnifiée est toujours représentée comme une femme portant une balance à deux plateaux, c'est que la légitime et universelle aspiration à l'égalité se heurte à la complexité de sa mise en oeuvre. La distribution des biens ou des corvées, dans une société tient en effet compte, si elle est équitable, de ce que sont les personnes, de ce dont elles ont besoin, de ce qu'elles peuvent faire sans se rendre malades, et enfin de ce qu'elles méritent, par leur être et leurs actions passées de recevoir.
C'est toute la subtilité de l'intelligence humaine qu'il faut mettre en oeuvre, dans la saisie précise de ce qu'il est juste que chacun reçoive. C'est ce qui est en jeu dans la balance de LA JUSTICE. Le bon législateur qui espère instaurer la justice sociale dans l'État et par là même vise à instaurer une paix sociale durable examine de près, dans la distribution des biens et des corvées, quels sont les mérites que les besoins de chaque personne, et si le marché, dans sa liberté, n'équilibre pas les relations, il intervient dans le sens d'une redistribution des revenus. Cette dernière est souvent opérée, par exemple, en faveur des familles nombreuses où les parents très occupés ne peuvent s'investir autant dans leur métier que les célibataires, mais elle est opérée aussi en faveur des personnes âgées qui ne peuvent plus travailler, et entrent donc à la retraite c'est-à-dire reçoivent une rente organisée par les services sociaux de l'État, et cela aussi bien en raison de ce travail passé qui a pris les meilleures heures de leur vie qu'en faveur des besoins particuliers des personnes âgées. Parfois, il y a une contradiction entre satisfaire les besoins des personnes et reconnaître leurs mérites, et c'est souvent le coeur des conflits politiques que cet affrontement entre besoins et mérite sur l'espace public des démocraties modernes, la gauche étant particulièrement attentive aux besoins, et la droite aux mérites.
L'ordre communautaire et les rapports de LA JUSTICE avec le couple impérial du Tarot
Ce n'est pas un hasard, si LA JUSTICE se trouve surplomber L'IMPÉRATRICE et sur sa diagonale, L'EMPEREUR. Elle représente, nous l'avons dit, une dimension essentielle de la Mère de la triangulation qui doit s'efforcer, toujours, de manifester l'égalité radicale avec laquelle elle aime ses enfants, tout en n'oubliant pas l'amour qu'elle éprouve pour son époux. Dans cette capacité à peser très exactement les choses dans le but de ne jamais être injuste qu'elle manifeste, L'IMPÉRATRICE est identifiée à LA JUSTICE, sans toutefois s'enfermer dans la distance et l'objectivité quasi maniaque de cette dernière. Si sur l'amour du père, le poids de l'équité pèse moins lourd, L'EMPEREUR de son côté représente le cadre de la loi, y compris dans la sphère familiale où l'enfant doit expérimenter les limites qui lui permettent de vivre en bonne intelligence dans la fratrie. Au sein de l'ordre politique et social patriarcal qui est le nôtre depuis le néolithique, c'est le pouvoir mâle de L'EMPEREUR qui incarne cet ordre tant au sein de la famille qu'au sein des communautés sociales et politiques. Si LA JUSTICE est à sa gauche, en oblique verticale supérieure, c'est parce qu'aucun homme de pouvoir n'est digne de sa tâche et de son rôle s'il ne fait pas preuve de justice. Il y a en effet un rapport très important entre la justice et l'organisation politique dont L'EMPEREUR est le gardien. Cet ordre est un cadre qui permet aux citoyens ou aux membres de la communauté sociale et politique de vivre ensemble et qui prend la forme de la coutume, des bonnes moeurs et des lois écrites.
Mais pour les créateurs du Tarot qui sont imprégnés de l'hermétisme antique, qui lui-même est imprégné de la métaphysique égyptienne, LA JUSTICE a un rôle secret bien plus important encore : elle est ce qui permet à l'ordre social et politique terrestre de se conformer à un ordre divin.
Maât, la déesse égyptienne de la Justice soutient, par la puissance de Pharaon, l'ordre du monde
La personnification de la justice, sous la forme d'une déesse, est ancienne; elle est quasi coexistante à l'existence des civilisations humaines. On la trouve par exemple, chez les Grecs, sous le visage de Thémis, la seconde épouse de Zeus, soeur d'Ouranos et de Cronos, appartenant donc au monde des Titans, représentant donc manifestement l'une des plus anciennes puissances divines, celles qui veillaient sur le monde, avant l'ordre olympien. Mais, en devant l'épouse de Zeus et la mère à la fois des saisons, des Moires et de la déesse Concorde, Thémis devient une dimension essentielle du pouvoir patriarcal divin dont Zeus est le plus haut représentant.
Bien avant cela, ce sont les Égyptiens qui ont mis en scène la déesse justice au sein de leur panthéon complexe, et qui lui ont accordé une place essentielle, sous le nom de Maât. Et puisque le Tarot n'est pas autre chose que la mise en image de la doctrine hermétique telle qu'elle fut repensée par l'élite italienne de la Renaissance, et que cette doctrine est née dans l'Alexandrie de la fin de l'Antiquité, au croisement de la métaphysique égyptienne et de la philosophie grecque, il est nécessaire, d'enraciner l'analyse de l'Atout VIII dans ce sol antique théologique particulier qui a fait naître la métaphysique égyptienne. Voici ce que dit l'égyptologue suisse Erik Hornung à propos de Maât dans sa relation avec le pouvoir pharaonique et dont le culte est associé au foisonnant panthéon égyptien, et dont on trouve trace dans tous les temples :
"Le concept maât, que nous n'avons rencontré à ce stade que sous la forme d'une personnification, la déesse Maât, a fait l'objet de nombreuses discussions, mais attend toujours que lui soit consacré une étude détaillée indispensable si nous voulons rendre justice à sa complexité et son importance. Résumé brièvement, maât est l'ordre, la juste mesure des choses, qui sous-tend le monde ; c'est l'état parfait vers lequel nous devons tendre et qui est en harmonie avec les intentions du dieu créateur. Cet état est toujours perturbé et un effort incessant est nécessaire pour le recréer, dans sa pureté originale. Tel l' "oeil d'Horus" blessé et perpétuellement soigné, maât symbolise cet état du monde."
Dans les Textes des Sarcophages, les dieux sont présentés comme vivant sur maât, et selon les textes de l'époque greco-romaine à laquelle appartient l'émergence de la doctrine hermétique, la puissance équilibrante qu'est maât est présentée comme descendant sur la terre, et se retrouvant entre les mains de l'humanité c'est-à-dire de Pharaon. L'offrande de maât est dès lors vécu comme un moment essentiel de tous les cultes et qui résume le sens de ce concept de justice : c'est une action religieuse qui vise à placer Pharaon, c'est-à-dire l'humanité qu'il représente tout entière, dans une relation aux dieux qui est pleinement harmonisée, ordonnée, ce qui seul permet à la communauté sociale et politique d'être conforme à l'état originel, créé et voulu comme tel par la divinité première, le Créateur. Maât qui préside aussi à la pesée des âmes, dans la vie post-mortem des Égyptiens et par l'intermédiaire de Pharaon, c'est-à-dire du pouvoir politique qu'incarne, dans le Tarot, L'EMPEREUR, est ce qui permet à la communauté humaine de refléter l'ordre cosmique universel.
LA JUSTICE, comme idéal à atteindre, satisfait certains des plus importants besoins de l'âme humaine
Si LA JUSTICE est au coeur de la deuxième Main du Tarot où est en jeu l'énergie en harmonie avec les bâtons, c'est-à-dire l'énergie du feu que symbolise le petit Éros au sein du premier Atout de cette Main qu'est L'AMOUREUX, c'est parce qu'elle représente un des plus importants idéaux de l'humanité. Il faut cette énergie du feu pour combattre l'injustice, pour restaurer la justice quand celle-ci est bafouée et ce feu est d'autant plus puissant que la justice recoupe en elle plusieurs des plus importants besoins de l'âme humaine.
C'est la philosophe Simone Weil qui, travaillant sur les droits de l'homme à la demande du Général de Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale, en est venue à cette idée révolutionnaire qu'il n'y a pas que le corps humain qui a des besoins, l'âme aussi dépend pour sa survie et sa santé d'un certain nombre de choses dont toute société digne de ce nom doit être capable de garantir la satisfaction à chacun. Or, dans l'énoncé qu'elle fait des quatorze idéaux et valeurs qui sont pour elle des besoins de l'âme humaine, Simone Weil cite plusieurs éléments en lien direct avec la justice : les besoins d'Ordre, de Responsabilité, d'Égalité, d'Honneur, de Châtiment, de Sécurité, de Propriété privée et de Propriété collective.
En voyant cette longue liste de besoins vitaux de l'âme humaine qui, selon Simone Weil, dépérit littéralement si l'être humain ne peut les satisfaire au sein de la société qui est la sienne, on comprend pourquoi la justice, en tant qu'expression de l'égalité (passant par l'équité), mais aussi en tant que moyen d'instaurer et de maintenir un ordre social et politique, et dès lors d'assurer la sécurité des personnes et des biens propres ou collectifs, et encore sous la forme du châtiment, suscite une telle énergie pour se rétablir ou se maintenir. Il y va de cette énergie du feu qui s'enracine dans les besoins de l'âme humaine.
II LA JUSTICE PERSONNIFIÉE REPRÉSENTE, DANS LE TAROT, UN TYPE PARTICULIER DE FEMME
LA JUSTICE est une femme entourée d'hommes et qui possède une forte tonalité masculine
Au sein du Tarot, LA JUSTICE représente l'une des deux femmes (avec l'Atout XIII sa complémentaire) qui sont, au sein de leur propre Main, entourées d'hommes. Et, comme il se doit, compte tenu de la balance qu'elle porte entre les mains, ces deux hommes incarnent deux types très différents d'hommes, puisqu'il s'agit du jeune et fringant CHARIOT et du vieux sage, L'HERMITE. Entre l'énergie de la jeunesse, sa passion, sa fougue, et celle de la vieillesse portée par la connaissance et l'expérience, et leur transmission, LA JUSTICE fait l'équilibre. Elle ne peut en regarder aucun des deux, car il s'agit, pour elle, de toujours rester sinon neutre, du moins objective.
Le lien privilégié qu'a LA JUSTICE avec L'HERMITE et L'EMPEREUR d'un côté, et avec LE PENDU et LE CHARIOT de l'autre n'est pas insignifiant. LA JUSTICE incarne un type de femme qui ne se sent vraiment bien qu'entourée d'hommes, non parce qu'elle tenterait de les séduire et d'exercer sur eux un pouvoir proprement féminin, mais parce que son type d'esprit a une forme qui a toujours été saisie comme virile. Elle n'a pas la douceur des femmes, leur souplesse psychique, leur aptitude à la réception passive des informations venues de l'extérieur. LA JUSTICE est une femme de tête, qui souvent comprend mieux les hommes que les autres femmes.
Fille de son père et en lien à la déesse Athéna, LA JUSTICE du Tarot représente une femme froide, sérieuse, rationnelle et responsable
LA JUSTICE dans le Tarot est femme, et elle a sa place dans la Verticale des III qui parle du pouvoir de fécondité et de créativité qui est l'apanage du Féminin sacré. C'est aussi, nous l'avons dit, l'Atout féminin le plus entouré d'hommes parce qu'elle a acquis, du fait d'une relation privilégiée au père, des qualités qu'on attribue ordinairement aux hommes : une certaine froideur, une capacité d'analyse, la force des convictions, et une incontestable combativité qui est montrée, dans l'iconographie du Tarot tout comme dans les représentations symboliques de la mythologie antique, par l'épée qu'elle tient dans la main gauche.
Dans son lien à L'HERMITE et à L'EMPEREUR, LA JUSTICE a une affinité particulière avec la déesse Athéna du fait de l'histoire de sa naissance au sein du panthéon grec. La mythologie grecque fait en effet d'Athéna la fille presque exclusive de Zeus, car sa mère, Mètis, une Océanide qui personnifiait la ruse et la pensée calculatrice et manipulatrice, devait avoir un fils avec Zeus qui aurait pu destituer son père de son pouvoir royal pour prendre sa place. Pour éviter ce destin, Zeux avala Mètis et assura, en s'appropriant les pouvoirs de cette dernière et capable désormais de déjouer les manigances de ses ennemis, la solidité de son règne. Or Métis était enceinte d'Athéna quand elle fut avalée. Les relations entre Zeus, Métis et Athéna se présentent comme celles de poupées russes, par enveloppements successifs, Athéna étant d'abord dans le ventre de sa mère qui fut, elle-même, enveloppée de présence masculine divine. Seule enfant à être fécondé, aussi, par son père, Athéna est considérée comme essentiellement et quasi exclusivement fille de son père. Dans le Tarot, nous avons cette même relation entre LA JUSTICE et L'HERMITE-L'EMPEREUR.
Et cette relation privilégiée au père et aux hommes donne à la déesse Athéna, comme au type de femme que représente LA JUSTICE un profil psychologique particulier dont rend compte la naissance d'Athéna : quand le temps fut venu pour la déesse Athéna de venir au monde, elle sortit de la tête de Zeus, d'emblée adulte, et toute revêtue de ses armes de guerre.
En tant que fille de son père, Athéna, et sa représentante tarologique, LA JUSTICE, sont attachées aux règles, aux lois, et à la rigueur. Comme Athéna, elle représente une femme qui exerce son métier avec un grand sérieux et possède un grand sens des responsabilités sociales et politiques. Possédant d'importantes capacités d'analyse, elle soumet radicalement toute passion à la raison et à ses exigences de rationalité.
Il y a dès lors un lien étroit entre LA JUSTICE et la déesse tutélaire de la ville d'Athènes et ce haut lieu de la conscience antique où s'enracine le rationalisme que fut la ville d'Athènes. Ce dernier est né en même temps que l'histoire se détachait du mythe et du légendaire avec Thucidide, et que naissait la philosophie avec Socrate, Platon et surtout Aristote qui fut le premier à rejeter la pensée mythique comme source de vérité. Athéna en effet est la déesse de la Raison, et LA JUSTICE qui l'incarne dans le Tarot représente toujours une femme de tête, une femme rationnelle, qui revendique la soumission des émotions et sentiments à la rationalité de l'agir, et c'est pourquoi, comme la déesse Athéna, elle apporte la victoire à ceux qu'elle conseille.
LA JUSTICE, fille du père s'oppose à L'ÉTOILE, fille de la mère : deux psychologies féminines
LA JUSTICE et L'ÉTOILE représentent deux types de femmes très différentes : la première est la fille de son père (L'HERMITE), quand la seconde est la fille de sa mère (LA PAPESSE). Bien que ce ne soient pas des Atouts complémentaires, LA JUSTICE et L'ÉTOILE, du fait d'une relation au parent essentiel opposé ont deux types de fonctionnement psychique : L'ÉTOILE tend à la fusion psychique et à la confusion par excès de réceptivité, tandis que LA JUSTICE est toujours attentive à mettre une distance avec autrui, visant l'objectivité et le contrôle.
Et ce n'est sans doute pas un hasard si le Nombre de L'ÉTOILE se résout, par réduction numérologique, au Nombre de LA JUSTICE, car il s'agit pour toute femme, et au sein de la philosophie hermétiste à laquelle adhère le Tarot, d'être aussi bien la fille de sa mère, que la fille de son père, sans sacrifier ce qui, en soi relève de la compassion, et dès lors d'une certaine forme de fusion psychique qui conduit à se mettre au service d'autrui ce que représente L'ÉTOILE que de savoir prendre du recul, et agir de manière rationnelle. En attendant, il ne fait pas de doute que chaque femme se reconnaîtra plutôt de L'ÉTOILE que de LA JUSTICE ou vice-versa.
L'épée de LA JUSTICE et la Femme guerrière
Au sein du Tarot, on a deux femmes guerrières, LA FORCE et LA JUSTICE et cela ne doit pas nous étonner, car le créateur du Tarot enracine sa vision dans cette doctrine élaborée dans l'Antiquité sous la double influence de la métaphysique égyptienne et de la philosophie grecque qu'est l'hermétisme et qui représente une forme de libération à l'égard des préjugés patriarcaux.
Or, le patriarcat a fait évoluer l'image de la femme du côté seulement de sa capacité reproductive, car il s'agissait pour les pères de s'approprier, par une morale religieuse pesant lourdement sur les femmes, le pouvoir de fécondité de ces dernières afin de s'assurer d'une filiation de fils héritiers de leur terre. Le patriarcat en effet le résultat de la sédentarisation et a entraîné une transformation non seulement des relations sociales et politiques entre hommes et femmes, mais aussi une révolution du Ciel divin, qui a fait disparaître la Grande Mère divine, soumettant des déesses plurielles aux dieux mâles, puis et avec le monothéisme, on a vu disparaître complètement le Féminin sacré et ses représentantes, à l'exception de ce personnage extraordinaire qu'est la Vierge Marie, mais ce personnage même est l'expression de la réduction de la dimension multiple du féminin sacré à ses seules expressions de servante et de mère. On a fini par oublier que de certaines des déesses antiques étaient à la fois de grandes séductrices et de grandes guerrières. Innana, la plus ancienne déesse connue en tant que déesse sumérienne, réunissait en elle des attributs que le patriarcat nous a appris à rendre incompatibles : elle était à la fois la déesse de l'amour et de la séduction amoureuse, de la fertilité et du pouvoir procréateur féminine, mais aussi était aussi une grande guerrière. Et ses avatars plus tardifs, Ishtar, la déesse des Akkadiens et des Assyriens, et plus tardivement encore, la déesse grecque Aphrodite, avaient la même complexité qui alliait puissance érotique et puissance guerrière.
Mais nous avons vu que si l'on pose un regard numérologique sur le Tarot, on peut voir dans L'ÉTOILE et dans LA JUSTICE, les deux visages de la même déesse Innana. En tant, en effet que fille de LA PAPESSE-Déméter, L'ÉTOILE est en affinité avec Perséphone, la déesse du printemps, par leur beauté et leur jeunesse commune, et par la tendresse qu'elles expriment à l'égard de toutes choses, et elle est aussi en affinité avec la déesse Aphrodite, surnommée Vénus par les Romains, parce que cette dernière était, en tant qu'Ourania, en lien avec le cosmos. Mais, en tant que fille du père-Zeus, LA JUSTICE est aussi une guerrière et son pouvoir de vie s'allie au pouvoir de mort comme le montre la Verticale des IIII où LA JUSTICE est surmontée par l'Atout XIII. Et si le Tarot sépare encore en deux visages l'amour et la guerre, la numérologie nous aide à retrouver la réunion des deux dimensions contradictoires de la Femme féconde qui à la fois donne la vie et parfois la mort, mais pour sauver la vie de ceux qu'elle aime et qui est, en même temps, une grande amoureuse. Mais cela n'est vrai que dans l'association L'ÉTOILE-LA JUSTICE. Car lorsqu'elle est seule, LA JUSTICE est toujours du côté de l'épée qui tranche, qui sépare, qui analyse, divise, et juge, laissant loin derrière elle l'amoureuse.
LA JUSTICE est une des jardinières du Tarot, celle qui débroussaille et use du sécateur
Plusieurs femmes sont très proches de la nature, dans le Tarot : il y a L'IMPÉRATRICE qui, dans son lien complémentaire à la Lune, détient en elle la fécondité naturelle, il y a L'ÉTOILE qui est la jardinière qui arrose le sol des Eaux qui le rendent fertile, il y a l'Atout XIII qui récolte les blés mûrs, et il y a LA JUSTICE qui est la jardinière, faux ou sécateur à la main, et qui débarrasse les plants fertiles de tout ce qui pourrait leur nuire.
Le travail de LA JUSTICE est toujours et en tout domaine de bien mesurer tout ce qui est en jeu pour que la vie circule, que ce soit dans le domaine de la vie sociale et politique où elle a un rôle punitif : la justice d'une nation c'est en effet à la fois le cadre législatif de la nation et le cadre punitif qui peut aller jusqu'à attribuer la peine de mort à des criminels dangereux pour l'ordre social, ce qu'assume pleinement le Tarot en faisant de LA JUSTICE et de l'Atout XIII deux Atouts complémentaires, et liés l'un à l'autre par la même Verticale des III.
III LA JUSTICE AU SEIN DE L'ORGANISATION HOLISTIQUE DU TAROT DE MARSEILLE
LA JUSTICE appartient au tronc de l'Arbre tarologique, c'est une femme féconde, mais sa fécondité n'est pas tant biologique que sociologique
Compte tenu de son caractère, LA JUSTICE pourrait bien apparaître comme une femme virile, une femme masculine, une sorte de femme tentée par la transidentité qui la conduirait à renier sa propre féminité. Bien évidemment dans un tirage de taromancie ce type d'interprétation peut avoir sa place, mais le Tarot nous dit tout autre chose. LA JUSTICE en effet appartient à la Verticale des III, Verticale qui met en scène le Féminin sacré dans sa fécondité.
Bien que LA JUSTICE puisse être mère biologique - elle surplombe en effet la représentante tarologique de la Mère archétypale, L'IMPÉRATRICE - ses enfants sont souvent de nature tout autre. Sa fécondité est souvent sociale et ses productions visent à restaurer, à guérir, à assurer, ce qui, dans la société, correspond à ses fondations légales, administratives, législatives.
La fécondité féminine a donc différents visages qu'affirme avec force le Tarot, et faire des enfants n'est pas le seul destin possible pour elle. Elle a des aptitudes créatrice, réparatrice, régénératrice qui lui donnent un rôle de guérisseuse dans le domaine qu'elle a décidé d'embrasser.
LA JUSTICE et son complémentaire, l'Atout XIII
Les Atouts qui sont au coeur de l'Organisation holistique du Tarot de Marseille en quatre Mains et cinq Verticales sont tous insuffisants pour aller à leur propre plénitude. Ils ont besoin de se mettre en lien à leur Atout complémentaire. Or il se trouve que la troisième Verticale est la seule dont les Atouts n'ont pas besoin d'aller chercher dans une autre Verticale leur complémentaire. Cette Verticale des III se suffit à elle-même, et les deux couples de complémentaires qui s'y trouvent : L'IMPÉRATRICE et LA LUNE, LA JUSTICE et l'Atout XIII, sont dès lors d'emblée en relation d'harmonie, ce qui n'est pas le cas pour les autres Atouts qui doivent vraiment aller chercher en eux-mêmes pour atteindre leur propre altérité, cet autre Atout qui, par sa contradiction, permet d'atteindre un équilibre. La plus féminine des Cartes d'Atout, L'ÉTOILE, et pour prendre un exemple, ne peut équilibrer sa nature propre qu'en contactant le plus viril des Atouts, L'EMPEREUR. Mais, en ce qui concerne L'IMPÉRATRICE et LA JUSTICE, il suffit qu'elles se mettent en relation avec ce qui, dans la Nature, déploie en grand, ce qu'elles sont déjà en petit, pour trouver en elles-mêmes et en harmonie immédiate avec leur propre nature ce qui leur permet d'atteindre leur propre réalisation ultime.
Ainsi, il suffit à L'IMPÉRATRICE de se connecter à la nature féconde qui est en elle, pour s'harmoniser à la Nature cosmique de LA LUNE tandis qu'il suffit à la petite castratrice qu'est LA JUSTICE de trouver en elle la grande castratrice naturelle qu'est LA MORT, pour atteindre leur propre divinité. LA JUSTICE ce faisant n'oublie jamais qu'elle est au service de la Vie vivante qui n'existe que parce que la mort en permet le renouvellement perpétuel, et évite ce faisant de tomber dans les excès de sa nature froide, distanciée, et rationnelle.
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