
TROP D'INTERPRÉTATIONS LAISSENT DE CÔTÉ LES ÉNIGMES DE TEMPÉRANCE
TEMPÉRANCE est sans doute l'Atout le moins compris du Tarot, celui qui induit le plus d'erreurs d'interprétations.

Voici les mots-clés que présente, à propos de l’Atout TEMPÉRANCE, Bruno de Nys, dans Le Tarot, Méthode complète, l'un des ouvrages de référence pour les taromanciens amateurs : la communication, le repos, les vacances, la fraternité.
Si la communication et la fraternité sont des interprétations incontestables de cet Atout, ces notions étant portées, sur l'iconographie, par les flux des vasques qui s’écoulent dans les deux sens, ce qui induit bien l’idée d’un partage d’informations ainsi que la notion de réciprocité, en revanche... les notions de repos et de vacances...
Sans doute faut-il attribuer cette interprétation en partie à la forme très ondulante du corps de l’ange et des douces collines en arrière-plan. Cette souplesse a probablement suscité en Bruno de Nys l'image de la plage, du sable, du bord de mer et des ondulations des vagues venant se glisser sur le sable, et cela même si Bruno de Nys a préféré situer son interprétation de l'Atout dans un paysage bucolique.
L'iconographie, par sa douceur, emmène souvent les projections taromanciennes du côté du farniente, du temps détendu, du loisir, mais aussi du fait de cet ange qui semble tellement proche - après tout, il s'est posé sur le sol - du côté de la protection.
Heureusement, les fluides s'échangeant entre les vasques et le nom de TEMPÉRANCE conduisent aussi du côté de la communication, de l'équilibre des fluides, et de la juste mesure.
Ce qui est mis en avant, alors, c'est la notion de tempérance, cette vertu de la juste mesure entre deux excès, et à juste titre, car le flux des vasques évoque incontestablement l'idée de "mettre de l'eau dans son vin" qui est associée depuis toujours à cette grande vertu cardinale.
Souvent aussi, on entremêle les discours : La tempérance, cette vertu classique des philosophes de l'Antiquité, devient, sous la houlette de l'imaginaire chrétien, une sorte d'ange personnel qui veille à ce que chacun se comporte en maîtrisant impulsions et passions, au profit d'une attitude raisonnable et apaisée...
De ce fait aussi, TEMPÉRANCE est souvent donné comme l'Atout de la guérison...
Ces interprétations classiques de TEMPÉRANCE, sans être fausses, car elles sont enracinées dans une iconographie longuement explorée, laissent derrière elles, sans jamais s'y attarder, les singularités que cet étrange Atout manifeste. Or, ce dernier n'en manque pas, et savoir s'en étonner permet de relancer l'interprétation et peut-être de mieux saisir ce que les créateurs du Tarot ont voulu faire passer, comme message.
TEMPÉRANCE ne peut être compris si l'on n'affronte pas ses énigmes. En voici les trois plus visibles, même si elles sont au nombre de cinq :
-Pour quelle raison, par exemple, les créateurs du Tarot ont-ils abandonné l'article "la" dans la désignation de TEMPÉRANCE, faisant de cette désignation une exception au sein des Atouts ?
-Pourquoi le Nombre XIIII s'écrit-il ainsi et non XIV, comme il s'écrivait déjà partout en Europe à l'époque où fut créé le Tarot, c'est-à-dire au XVe siècle ?
-Pourquoi l'ange de TEMPÉRANCE est-il au sol, ne vole-t-il pas et ne rayonne-t-il pas, contrairement aux autres anges du Tarot et qu'on trouve dans L'AMOUREUX, dans le JUGEMENT et dans LE MONDE ?
SAVOIR S'ÉTONNER DE TOUTE SINGULARITÉ ET SE SOUVENIR DE L'HISTOIRE DE LA RENAISSANCE
L'amateur du Tarot doit commencer par regarder avec attention ce qui s'offre à ses yeux en se gardant de toute précipitation. Chacune des anomalies ou des singularités devient pour lui une énigme.

Le Tarot a été créé par au moins un artiste de la Renaissance italienne qui était aussi un hermétiste et que vivant à une époque où l'Église catholique commençait à se sentir menacée par d'importantes contestations qui allaient ensuite se cristalliser dans le protestantisme avec Luther.
L'Inquisition, la police religieuse de Rome, menaçait alors tout ce qui sortait des postures dogmatiques qu'elle cherchait à assurer.
Elle avait ainsi inquiété Marsile Ficin qui fut accusé de sorcellerie par le pape Innocent VIII et échappa de peu aux violences qui se déchaînèrent ensuite sur d'autres penseurs hétérodoxes comme ce fut le cas pour Giordano Bruno, brûlé vif en 1600.
Or, un faisceau d'hypothèses historiennes font de Marsile Ficin, sinon le créateur du Tarot de Marseille, du moins l'un de ses plus importants inspirateurs.
Lorsqu'une iconographie du Tarot diverge beaucoup des présentations classiques de tel ou tel symbole, quand l'écriture de telle désignation diverge de ce qui se faisait à l'époque, ou quand encore il manque quelque chose d'attendu à un Atout... Il faut en être sûr, les créateurs du Tarot ont voulu transmettre un message spécifique.
Toute anomalie doit donc être explorée, car n'en doutez pas, les membres de l'élite artistique et intellectuelle de la Renaissance italienne qui sont à l'origine de la création du Tarot n'ont pas fait d'erreurs : une singularité, au sein d'un ensemble bien ordonné, est toujours un indice volontairement laissé sur la route de l'amateur pour que ce dernier soit capable de retrouver la clé qui lui permettra d'ouvrir le Livre du Tarot et de comprendre la signification symbolique de telle ou telle image.
LES CINQ ÉNIGMES QUE COMPORTE TEMPÉRANCE

Les singularités qui se présentent à l'amateur du Tarot en face de Tempérance sont au nombre de cinq :
En plus des trois énigmes citées précédemment, il faut ajouter ces deux autres :
- La quatrième énigme est engendrée par la place de TEMPÉRANCE au sein du Tarot : l'Atout XIIII précède LE DIABLE, de Nombre XV.
Cela signifie explicitement que, pour le ou les créateur(s) du Tarot, la sagesse et la spiritualité du DIABLE sont supérieures à celle de l'ange que présente TEMPÉRANCE, ce qui ne peut manquer de heurter la hiérarchie classique que les religions monothéistes accordent à ces êtres appartenant à la mythologie religieuse.
- La dernière énigme réside dans l'étrange mouvement des flux qui se déversent d'une vasque à l'autre sur l'iconographie. Énigme souvent remarquée, au contraire des autres énigmes, elle a généralement été résolue par l'ensemble des tarologues et taromanciens.
Résoudre les énigmes de TEMPÉRANCE a le plus souvent pour condition de replacer TEMPÉRANCE dans l'Organisation holistique du Tarot de Marseille et dès lors tant dans la troisième Main du Tarot qu'au sein de la quatrième Verticale des Atouts.
L'ABSENCE D'ARTICLE : TEMPÉRANCE EST LE TEMPS DE L'ERRANCE

Pour quelle raison, le ou les créateur(s) du Tarot de Marseille a-t-il jugé bon d'enlever l'article "la" dans la désignation du personnage principal de l'Atout ?
Répondre à cette énigme n'est possible que lorsqu'on a accès à l'Organisation des Atouts en quatre Mains : TEMPÉRANCE n'est pas que l'expression de la quatrième vertu cardinale présente dans le Tarot, c'est aussi l'image d'une des grandes épreuves de l'humanité, car tel est le sens des cinq Atouts de la troisième Main du Tarot. ET cette épreuve est soulignée par le mot de TEMPÉRANCE du moment qu'on entend la langue des oisons en usage chez les hermétistes et alchimistes des temps passés : TEMPÉRANCE c'est le temps de l'errance...
Le fait que le Créateur du Tarot ait ôté l'article est en lien au fait que grâce à cette absence, on entend "temps-errance". Le langage des oisons laisse alors entendre son message : TEMPÉRANCE est le temps de l'errance ( terme venu du latin "errare" : se tromper) et non le temps des vacances.
L'errance n'est pas une simple erreur, et TEMPÉRANCE ne met pas en scène une épreuve courte et rapidement dépassée. C'est un temps long. C'est une erreur qui dure et qu'il n'est pas aisé de dépasser. Si cette erreur que représente toute errance est destinée à durer, c'est pour la bonne raison que cela ne ressemble pas à une erreur aux yeux de celui qui se trompe. Il est dans une illusion durable.
De quelle épreuve et de quelle erreur destinée à durer dans un temps long s'agit-il avec TEMPÉRANCE ? Là-dessus c'est l'iconographie qui nous permet de répondre. Nous rejoignons-là, la troisième énigme de TEMPÉRANCE.
UN ANGE QUI NE VOLE PAS ET QUI NE RAYONNE PAS

Tous les autres anges du Tarot rayonnent. Soit ils possèdent une aura étincelante comme c'est le cas pour le petit ange de l'Amour naissance, Éros, dans L'AMOUREUX, comme pour l'ange à la trompette du JUGEMENT. Soit, il possède une auréole qui signale sans sainteté et son appartenance à la partie céleste de l'univers, comme c'est le cas pour l'ange du MONDE. Dans tous les cas, les anges volent. Sauf pour celui de TEMPÉRANCE.
TEMPÉRANCE ne rayonne nullement. Aussi doux que soit son visage, et aussi belles que soient ses ailes qui signalent sa nature angélique, l'ange de TEMPÉRANCE reste à terre. Il n'a donc rien de céleste, contrairement aux trois autres anges qui sont tous du Ciel.
Que peut bien signifier cette étrange posture pour un ange ? A-t-il vraiment sa place sur terre, lui qui est censé vivre dans le Ciel et conseiller les êtres humains, s'il s'agit d'un ange gardien, de sa place et non de leur place ou même à leur place ?
Cette absence de rayonnement et cette posture sur le sol conduisent à penser au proverbe bien connu : "qui veut faire l'ange fait la bête...".
Vouloir faire l'ange c'est étrangement exactement le contraire de ce que la vertu de tempérance cultive : c'est être dans un excès, dans une attitude inadéquate, c'est se soumettre à une forme de passion, même si c'est une passion de l'esprit et non de la chair.
Étrangement, TEMPÉRANCE ne dénonce pas les excès de la terre, comme c'est le cas de la vertu de la tempérance des philosophes de l'Antiquité, il dénonce l'angélisme ou l'idéalisme.
Que se passe-t-il en effet quand l'être humain veut imiter les anges ? Ou encore quand il veut à tout prix imposer aux autres ou même à soi-même son idéal, alors même que ce dernier est irréalisable ?
La définition de l'angélisme renvoie en effet à la volonté qu'ont certaines personnes de se conformer à un idéal sans tenir compte de certaines réalités humaines contradictoires, de nature charnelle, biologique, instinctive, matérielles...
L'idéaliste, qui veut plier le réel sous le poids de ses principes aussi élevés soient-ils, fait en réalité preuve de brutalité. Il fait donc exactement le contraire de ce qu'il exprime ou manifeste. D'où la condamnation de la sagesse populaire : il veut faire l'ange et en réalité fait la bête.
Quelle expérience bien connue de l'histoire humaine pourriez-vous mettre en relation avec cette brutalité de l'angélisme ou de l'idéalisme ?
En réalité, il y a tellement d'exemples de cette brutalité de l'angélisme et de l'idéalisme qu'il est presque difficile de choisir.
Retenons ces exemples frappants :
- Parmi les plus anciens, le célibat des prêtres dans l'Église catholique qui a conduit à la multiplicité des cas de pédophilie... En voilà un bel exemple de cet angélisme qui se traduit par le contraire de ce qu'il voulait atteindre, un ange qui fait la bête.
- Et parmi les exemples du monde moderne : le pacifisme de certains Français de la Seconde Guerre mondial qui, défendant à tout prix ce bel idéal qu'est la paix, ont fini par aider les représentants du nazisme.
-L'expérience du communisme soviétique qui a abouti au goulag et qui pourtant partait du bel idéal du partage équitable entre tous.
- Et dans le monde contemporain par exemple l'échec de l'Éducation nationale en France pourtant mue par la volonté d'un accès pour tous à la culture, sans tenir compte des vrais besoins de l'enfant ou ceux de la société.

Krishnamurti, un important penseur et guide spirituel indien du XXe siècle, est celui qui a le plus clairement combattu les méfaits de l'angélisme.
Pour lui, tant que l'humanité refuse la réalité de sa nature, et la réalité de son enracinement dans la nature, elle restera en deçà de son propre développement spirituel.
Car l'idéal n'est pas quelque chose qui existe, et qui est destiné à exister.
Pour Krishnamurti, "l'idéal est une brutalité" d'autant plus dommageable et dangereuse qu'elle a le masque de la bonté, de l'amour altruiste.
Drapés dans le vêtement angélique du prédicateur, les idéalistes sont en réalité, selon lui, "les diviseurs inconscients du monde".
Or, la division, la séparation, la violence qui en découle sont en lien avec LE DIABLE qui suit TEMPÉRANCE dans le Tarot, ce qui déjà résout en partie la troisième énigme que pose l'Atout XIIII.
POURQUOI, DANS LE TAROT, TEMPÉRANCE PRÉCÈDE-T-IL LE DIABLE ?

Si l'on admet que les Nombres du Tarot ont un sens, ce n'est pas pour rien si LE BATELEUR apparaissait, au temps où les Cartes du Tarot étaient encore utilisées par les joueurs, comme le Petit, et le XXI, l'Atout le plus puissant.
D'Atout en Atout s'affirment une puissance de plus en plus grande, et il ne fait pas de doute, par exemple, que pour les créateurs du Tarot, la vertu de tempérance qui est liée au Nombre XIIII est plus puissante que la vertu de Justice qui accompagne le Nombre VIII, même si toutes les deux expriment une forte attention portée à l'équilibre et à la juste mesure.

L'équilibre, dans LA JUSTICE, qui est un Atout de la seconde Main où est en jeu la vie au sein de la communauté sociale et politique, n'est pas aussi poussé et ne porte pas sur les mêmes choses que dans TEMPÉRANCE où est mis en jeu ni plus ni moins que l'équilibre entre les exigences du Ciel et celles de la Terre.
Dans ces conditions, comment se fait-il que LE DIABLE qui représente la figure du mal, et qui incarne à peu près tous les péchés les plus graves et les distorsions de la personnalité humaine les plus dangereuses se retrouve avec l'ange de TEMPÉRANCE ?
Nous avons répondu partiellement à cette interrogation dans le paragraphe précédent : si on admet que TEMPÉRANCE incarne cette épreuve qu'est l'angélisme, alors il y a bien plus de conscience dans LE DIABLE qui, lui au moins, admet ses défaillances, ses dépendances et ses vices.
L'Atout XV est l'Atout de cette vertu qu'est la lucidité.
Et c'est pourquoi si la vertu de tempérance est promise à qui surmonte l'épreuve contenue dans l'Atout XIIII, c'est un surcroît de conscience, c'est-à-dire une conscience qui n'est pas limitée par l'inconscient qui est promis, à celui qui surmonte l'épreuve que contient LE DIABLE.
Cette conscience et cette lucidité du DIABLE sont nécessaires, car il est impossible d'épanouir, en soi-même, comme au sein de l'ensemble de l'humanité, l'authentique spiritualité qui est promue par le Tarot, une spiritualité de l'immanence tout autant que de la transcendance, sans accepter la partie obscure des verticalités divines et humaines.
QUE SIGNIFIE CETTE ÉTRANGE ÉCRITURE DU IIII DANS LE NOMBRE XIIII DE TEMPÉRANCE ?

Cette anomalie dans l'écriture du Nombre quatre n'est pas propre à TEMPÉRANCE mais concerne aussi L'EMPEREUR, L'HERMITE ET LE SOLEIL.
Ces quatre Atouts possèdent, dans leur Nombre, un IIII écrit de manière atypique même à l'époque de la création du Tarot où si les nombres romains étaient de plus en plus remplacés par les nombres arabes. Écrire IIII plutôt que IV est en lien avec le discours hermétique qui donne à la main humaine, à ses doigts, et au Nombre Cinq une valeur symbolique exceptionnelle.
Il n'est pas le lieu ici de développer outre mesure l'importance qu'accordaient les hermétistes, mais aussi tous les corps de métiers qui étaient imprégnés de leur sagesse, et en particulier les bâtisseurs d'Église et de cathédrales, au nombre cinq, retenons simplement ici que ce Nombre cinq met en scène, non seulement la main par laquelle l'humanité a appris à compter, doigt par doigt, puis main par main, mais aussi le nombre d'or qui est en jeu dans la canne de l'architecte appelé aussi la quine, et ce n'est pas un hasard mais une affaire d'étymologie en lien au nombre cinq encore.
Écrire IIII plutôt que IV, c'est rappeler à tous, qu'avant le V, les doigts restent des doigts et ne forment pas encore l'ensemble complet qu'est la Main.
Au sein de chaque Main du Tarot, ce sont les Atouts de la Ve Verticale, LE PAPE, LA ROUE DE FORTUNE, LE DIABLE et LE JUGMEMENT qui transforment les autres Atouts de ces mêmes mains en membres d'une Main complète. Ainsi, LE PAPE unit la famille représentée par la première Main, la sphinge de LA ROUE DE FORTUNE unit les membres de la société humaine avant de permettre à chacun de s'essayer à sa radicale individualité, le DIABLE confronte chaque membre à ses pires pulsions avant de lui ouvrir la porte du Ciel en lui offrant la lucidité, et LE JUGEMENT accomplit le sens des Atouts Cosmiques de la quatrième Main en faisant naître en chacun l'Enfant bleu, enfant de la Terre mais aussi, et c'est radicalement neuf, du Ciel.
Cette écriture du quatre en IIII a un autre avantage : elle appelle l'alignement des Atouts qui sont porteur de ce Nombre, et révèle de ce fait la Verticales qu'ils forment par cet alignement, invitant à la même organisation des autres Atouts en Verticales alignées par le partage du même Nombre.
La Verticale des IIII lie entre eux quatre archétypes de la mâlitude sacrée : LE PAPE, L'HERMITE et LE SOLEIL sont clairement des manières différentes d'être un homme, et des manières d'être un homme très importantes. L'EMPEREUR est l'homme viril, protecteur, époux et père de famille, c'est un dirigeant, un homme charismatique. L'Hermite est l'homme sage, le philosophe, le Vieil Homme archétypal. LE SOLEIL est le père céleste généreux qui éclaire chacun de ses enfants, dans la plus stricte égalité, de la même lumière solaire qui est la sienne.

Que fait TEMPÉRANCE au sein de cette Verticale ? Il représente, du côté masculin ce que LA JUSTICE - encore elle - représente du côté féminin : un homme à forte tonalité féminine, quand elle incarne une femme à forte tonalité masculine.
Ainsi TEMPÉRANCE montre la profonde modernité de l'hermétisme : il admet qu'être un homme ce n'est pas toujours être une incarnation des qualités les plus viriles. Il y a plusieurs manières d'être un homme ou d'être une femme, et parfois, il s'agit de composer, comme le révèle clairement le geste de TEMPÉRANCE qui cherche son équilibre, entre des tonalités masculine et féminine.
Et l'on redécouvre ainsi une autre raison au fait que TEMPÉRANCE n'a pas d'article "la" : il ne s'agit pas, dans cet Atout XIIII, de la mise en image de la vertu dite de tempérance, par une femme, mais d'un type d'homme où la mâlitude est fortement tempérée par la féminité, sans toutefois se renier comme telle, et comme l'avait parfaitement compris le Rider qui présente un ange bien masculin sur un fond de soleil levant plus que bienvenu dans une Verticale où l'Atout XIIII précède et appelle l'arrivée de l'Atout XVIIII, LE SOLEIL.
LES FLUX ÉTRANGEMENT PENCHÉS DE TEMPÉRANCE ET LEUR DOUBLE SENS

Étant donné que cette énigme est globalement résolue depuis déjà quelques décennies, nous nous contenterons de faire un résumé de ce qui a très justement été exposé par d'autres.
Certains notent en effet à quel point le transvasement est physiquement impossible, le flux ne pouvant manifestement pas suivre le chemin d'une pente aussi peu marquée.
Non seulement le flux va, sur une pente impossible, de la vasque supérieure que tient la main droite plus élevée, à la vasque inférieure tenue par la main gauche mais, et c'est sans doute physiquement encore plus impossible : il y a un flux ascendant qui part de la vasque gauche du bas pour aller à la droite en haut.
Il s'agit bien sûr d'une représentation symbolique d'un échange réciproque entre ce qui possède une posture haute et ce qui possède une posture basse, comme c'est par exemple le cas entre un enseignant qui transmet son savoir et un élève qui apporte sa propre contribution.
C'est aussi littéralement l'expression symbolique du don et du contre-don mis en évidence par l'ethnologue Marcel Mauss dans son étude de la réciprocité de dons matériels et d'entre-aides économico-sociales tels qu'ils existent au sein de la société primitive et qui sont aussi en jeu, dans les sociétés modernes fondées sur l'échange économique monétarisé, dans la sphère de la vie privée et tout particulièrement dans le type d'échanges et de partages qu'entraînent relations familiales et amicales.
TEMPÉRANCE en tant que l'Atout du don et du contre-don se fait dès lors, par excellence, celui de la communication, de l'amitié, de la réciprocité, du partage, mais il est aussi celui de l'égalité foncière qui règne entre amis.
Si, en effet, il y a, sur cet Atout, une carafe haute et une carafe basse, l'une et l'autre sont dans le don tout autant que dans la réception. L'une et l'autre reconnaît l'autre en tant que partenaire essentiel, quelqu'un qui a beaucoup à apporter.
Cette égalité de TEMPÉRANCE appelle, elle aussi, la fraternité universelle que met en scène LE SOLEIL qui se situe une quintade plus haut sur la même Verticale, comme le rappelle subtilement le Rider en ayant placé un Soleil levant sur le côté de la Carte.
Invitation à poursuivre la découverte de TEMPÉRANCE
Voici donc ce qu'en quelques mots on peut dire des énigmes de TEMPÉRANCE.
Cet Atout est une invitation à ne pas se laisser avoir ni par les fausses impressions de l'iconographie ni par des habitudes interprétatives anciennes.
Avec le Tarot, il faut ouvrir l'oeil et activer son intelligence d'une manière un peu plus intense que d'ordinaire.
Ceux qui veulent poursuivre le voyage au sujet de TEMPÉRANCE et découvrir toutes les significations qui découlent de l'Organisation holistique du Tarot de Marseille, sont invités à découvrir TEMPÉRANCE en tant qu'Atout, ici.
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