
L'amateur qui veut ouvrir le Livre du Tarot, tel que l'ont conçu ses créateurs en pleine Renaissance italienne, doit commencer par regarder le Tarot tel qu'il est en lui-même et, pour cela, se garder de toutes les interprétations qu'en ont faites les occultistes à partir du XVIIIe siècle et jusqu'à nos jours.
Dès lors, un certain nombre d'énigmes s'offrent à lui. Résoudre ces énigmes est le premier pas pour ouvrir le Livre du Tarot.
L'une de ses plus énigmes dont la résolution s'est révélé pour moi la plus prometteuse, réside dans l'écriture des IIII. Pour quelle raison, le Tarot n'écrit pas le Nombre quatre ainsi : "IV" mais ainsi : IIII ?
UNE ÉTRANGE SINGULARITÉ : L'ÉCRITURE DU NOMBRE IIII DANS LES ATOUTS IIII, VIIII, XIIII ET XVIIII
La première énigme qui m'a conduite à sortir des sentiers battus à propos du Tarot et engagée à faire ce travail de décryptage de sa signification globale qui est l'objet de ce blog, se situe dans l'écriture du nombre quatre.
Très manifestement, les créateurs du Tarot ont voulu interpeller celui qui contemplait le jeu : que signifie, en effet, l'atypique écriture des nombres quatre, neuf, quatorze et dix-huit et qui, au sein de ces Atouts, prend cette forme : IIII, VIIII, XIIII et XVIIII ?
Le Tarot a adopté l'écriture romaine, alors même que cette écriture n’était quasiment plus en usage en Europe à l'époque où le Tarot fut inventé. C'était en effet déjà les chiffres et nombres arabes qui s'imposaient partout, y compris dans les textes officiels.

On pourrait penser que, dans ce milieu humaniste de la Renaissance où est né le Tarot, il s’agissait par ce retour à l'écriture chiffrée romaine, de rendre hommage à l'Antiquité dont on redécouvrait les oeuvres, en particulier celles des philosophes qui se révélaient des sources de sagesse et d'inspiration importantes.
Mais on ne peut se contenter de cette interprétation, car les concepteurs du Tarot n'ont tout simplement pas suivi la forme ordinaire que prenait le nombre IV en écriture romaine et qui place un I devant un V. Même si on trouve, particulièrement dans les édifices religieux du Moyen-Âge, cette écriture du nombre quatre sous cette forme IIII, cela ne signifie pas qu'elle était un usage courant au Moyen Âge, mais plutôt que les bâtisseurs de cathédrales faisaient déjà passer, par là, le même message que plus tard les créateurs du Tarot.
C'est ainsi que le quatre de L'EMPEREUR s'écrit IIII et avec lui tous les quatre des Cartes Numérales, le neuf de L'HERMITE VIIII. De même, le quatorze de TEMPÉRANCE s'écrit XIIII et enfin le dix-neuf du SOLEIL XVIIII. Et on retrouve aussi l'écriture du IIII et du VIIII dans les Cartes numérales du Tarot.
Je devais donc m'interroger sur le sens qu'un tel choix d'écriture du nombre quatre peut avoir eu pour les créateurs du Tarot. Et je commençais bien sûr par consulter ce qu'avaient pu écrire à ce sujet les tarologues .
S'AGISSAIT-IL, D'ÉVITER TOUTE SOUSTRACTION ?
Marianne Costa et Alexandro Jodorowsky qui ont observé le Tarot, avec beaucoup d'attention, n'ont pas manqué de remarquer cette étrange écriture et ont tenté de lui apporter une explication.
Dans La Voie du Tarot, il est en effet expliqué que le Tarot, en tant que cheminement initiatique ne peut pas s'exprimer par une soustraction, ce que le chiffrage romain habituel du IV induit. Le IV, c'est, en effet, tel qu'il est présenté ainsi en écriture latine un cinq moins un. Dans l'écriture du Tarot, et selon Costa et Jodorowsky, les I s'additionneraient jusqu'au V :
"La notation numérique est organisée de manière uniquement progressive : le Tarot se refuse à considérer le 4 comme un 5-1, le 14 comme un 15-1, le 9 comme un 10-1, le 19 comme un 20-1. Ce détail est une clé pour la compréhension du Tarot : il nous indique ici qu'il tend à additionner plutôt qu'à soustraire. En d'autres termes, il décrit un processus d'avancée et de croissance degré par degré."
Sur un plan symbolique, cette interprétation est recevable.
Mais il y a une autre explication, à la fois plus enracinée dans l'histoire de l'humanité, et plus puissante sur le plan métaphorique.
Si les créateurs du Tarot ont inscrit le nombre quatre de cette manière, reprenant certaines habitudes des bâtisseurs de cathédrales, c'est pour inciter les amateurs de à réfléchir au saut qui existe entre le Nombre IIII et le Nombre V. C'est aussi pour rappeler le lien qu'il y a eu, dans l'histoire de l'humanité entre la découverte et l'apprentissage des Nombres et la main humaine.
Quelque chose est d'essentiel est dit là, par les créateurs du Tarot, et ce quelque chose a à voir avec la Main de l'être humain, l'apprentissage originel des nombres par l'humanité, mais aussi le Nombre d'or et la géométrie sacrée. C'était aussi pour eux l'un des indices laissés à la postérité pour lui permettre de retrouver la clé du tarot que représente sa distribution des Cartes cinq par cinq, si toutefois elle en était arrivé à la perdre, ce qui est effectivement arrivé.
LES NOMBRES JUSQU'À V ET L'APPRENTISSAGE DES NOMBRES, PAR L'HUMANITÉ
Si la géométrie sacrée nous emmène du côté de l'architecture religieuse, elle s'enracine d'abord dans une compréhension des mesures et des proportions du corps humain, et singulièrement dans celles de la main. Cela nous ramène à une époque très antérieure à celle de l'Antiquité et de la construction des temples grecs, à une époque préhistorique, en réalité, et dans un temps où les êtres humains découvraient les nombres et apprenaient à compter sur les doigts.
Les enfants qui apprennent à compter retrouvent spontanément ce qui fut l'aube des mathématiques pour l'humanité : les quatre premiers doigts de la main se comptent un par un. C'est ce comptage qui s'inscrit dans les traits de l'écriture romaine des Nombres : chaque trait représente une unité mais aussi un des doigts de la main, et cela jusqu'au nombre quatre qui a donc dû spontanément s'écrire ainsi : IIII, bien avant que les Romains aient adopté le IV. En revanche, quand on parvient au dernier doigt, à l'auriculaire, on n'a plus seulement des doigts, mais une main entière.

Le Tarot, en écrivant le Nombre quatre ainsi : IIII, fait directement référence à l'origine de l'écriture des chiffres romains : il rappelle à chacun la transformation qu'opère le V qui fait passer des doigts séparés en un ensemble complet qu'est la Main. Celle-ci forme en effet un grand V qui part du pouce, en descendant jusqu'au coin du poignet et en remontant vers l'auriculaire.
L'invention de l'écriture romaine des chiffres et nombres date, selon les historiens, du Ve siècle avant Jésus-Christ. Mais en réalité, les hommes savaient compter sur leurs doigts bien antérieurement et savaient donc que le cinquième doigt forme et ferme la main, et que parvenir au cinquième doigt, c'est changer de registre : l'auriculaire n'est donc pas un doigt comme les autres, c'est un doigt qui transforme les doigts séparés en une communauté de doigts : la main.
Or, il n'est pas anodin non plus qu'on appelle "main", chez les joueurs de cartes, un ensemble de cinq cartes. Ce mot "main" est essentiel dans le Tarot, comme nous aurons l'occasion de le voir. Il désigne quatre sous-ensembles constitués de cinq Atouts et qui, tous ensemble, forment un individu.
QUATRE MAINS FORMENT UN INDIVIDU COMPLET
Si cinq doigts forment une main, quatre mains (dont deux pieds ), toutes constituées de cinq doigts, forment un être humain complet. Nous avons là une des plus importantes clés du Tarot : le Nombre XXI n'est pas autre chose que cinq fois quatre réuni par le I final c'est-à-dire, par le Nombre qui renvoie à l'Individualité et à l'unité.
Sur le plan symbolique, deux Mains forment un ensemble représenté, au sein de l'écriture en chiffre romain, par un X qui n'est autre chose que deux V rejoints par la pointe.
Et deux X forment un autre ensemble plus complet qui, nous le verrons renvoie soit à la réunion de la terre et du ciel sur un plan macrocosmique, soit encore, sur un plan microcosmique, à l'individu complet qui possède deux pieds et deux mains.
Quel est cet individu ?
La réponse se trouve là :
https://www.organisationholistiquedutarot.com/post/l-%C3%A9nigme-que-repr%C3%A9sente-le-nom-de-tarot
ou là :
https://www.organisationholistiquedutarot.com/post/la-premi%C3%A8re-main-au-sein-des-atouts-du-tarot
LA VERTICALE DES IIII ET LES CINQ VERTICALES DU TAROT
L'écriture du Nombre IIII était si singulière qu'elle m'a incité à ranger, les uns sous les autres, les Atouts qui en étaient porteurs. C'est ainsi que la Verticale des IIII m'apparaissait comme contenant L'EMPEREUR (Atout IIII), L'HERMITE (Atout VIIII), TEMPÉRANCE (Atout XIIII) et LE SOLEIL (Atout XVIIII). Comment ne pas reconnaître, dans cette Verticale une certaine expression de la virilité ?

L'EMPEREUR représente l'homme mûr, solide, protecteur, et gardien des frontières et des limites. C'est l'époux de L'IMPÉRATRICE et c'est un père de famille. C'est aussi un chef d'État, plein d'autorité. L'EMPEREUR est le représentant de la mâlitude sacrée sur Terre comme LE SOLEIL tout en haut de la Verticale des IIII est le représentant de la mâlitude sacrée céleste. Au-dessus de lui, L'HERMITE : ce pourrait être le père de L'EMPEREUR, ou ce pourrait être son futur de Vieux Sage détaché et transmettant ses connaissances à la postérité. Mais que venait faire TEMPÉRANCE dans cette Verticale où il est question d'expressions fortes de la virilité sur différents plants et à différents âges ?
L'absence d'article dans la désignation de l'Atout XIIII : TEMPÉRANCE m'a fait comprendre que le créateur du Tarot ne parlait pas tant ici de la tempérance et qu'il ne s'agissait pas, sur l'iconographie de l'Atout XIIII, d'un ange de sexe féminin. L'ange de TEMPÉRANCE me semblait dès lors incarner - et en conformité avec le message globale de l'Atout - un homme à la virilité largement tempérée par une forte féminité. Le Tarot, de manière incroyablement moderne, incluait donc dans sa Verticale des IIII, où il est question de la diversité des manières d'être un homme, l'homme féminin, l'homme qui, tout en étant un homme, possède une puissante composante Anima qui n'est pas refoulée.
Après avoir découvert la Verticale des III, l'alignement des autres Atouts en fonction de leur Nombre s'imposait. Se révélait alors à moi les cinq Verticales du Tarot.
Je tenais là l'une des plus importantes clés qui permettent d'ouvrir, enfin, le Livre en image du Tarot qui se compose, au niveau des Atouts qui se situent entre LE MAT et LE MONDE, de quatre Mains et de cinq Verticales.

La Verticale des I qui part du BATELEUR, remonte à L'AMOUREUX puis à LA FORCE et aboutit à LA MAISON DIEU me semblait mettre en jeu une construction de l'individualité.
La Verticale des II qui part de LA PAPESSE, remonte au CHARIOT, passe par LE PENDU et arrive à L'ÉTOILE mettait clairement en évidence, aux extrêmes de la Verticale, deux types de femmes opposées l'une à l'autre : la plus jeune et la plus âgée, la plus dénudée et la plus vêtue, etc..
Et au centre de la Verticale, m'apparaissait aussi deux types de jeunes hommes opposés l'un à l'autre : le plus véloce des Atouts et le plus immobile, un grand voyageur du monde horizontal, et un grand découvreur du monde vertical, etc..
C'était bien la Verticale de la dualité comme l'indiquait son Nombre.
Dans la Verticale des III qui unit L'IMPÉRATRICE, LA JUSTICE, L'ATOUT XIII et LA LUNE, me sautaient aux yeux la justesse des analyses sur le pouvoir féminin de la Vie/Mort/Vie tel que Clarissa Pinkola Estés l'avait présenté dans Femmes qui court avec les loups.
Enfin, dans la Verticale des V où est en jeu LE PAPE, une sphinge dans LA ROUE DE FORTUNE, LE DIABLE et un ange claironnant dans LE JUGEMENT, je voyais clairement des gardiens du seuil et une sorte d'examen de passage.
LA RÉSOLUTION DE CETTE ÉNIGME QU'EST LE NOMBRE IIII ET L'OUVERTURE DU LIVRE EN IMAGE QU'EST LE TAROT
La résolution de l'énigme que représente, dans le Tarot, l'étrange écriture du Nombre IIII, s'accompagne d'une merveilleuse découverte : le Livre en image qu'est le Tarot commence à s'ouvrir et son message peut dès lors commencer à se diffuser.
Clairement, à ce stade, on peut dire qu'il y a, au sein de cet ensemble d'Atout qu'encadrent LE MAT et LE MONDE, une Entité cosmique qui se reflète dans le XXIe Atout, LE MONDE, mais quelle est-elle ?
Répondre à la question de son identité était alors devenue l'objet de mes recherches ultérieures et c'est la lecture du Corpus Hermeticum qui m'en a donné la clé, cet ouvrage que venait de traduire Marsile Ficin peu de temps avant que le Tarot ne soit créé.
On peut aussi voir, dans cet ensemble, cinq Verticales où sont en jeu les cinq doigts de la Main humaine, et la mise en image de la symbolique des cinq premiers Nombres avec leur traduction en termes en lien à l'humanité sous la forme de questions : celle de l'individuation (le I), celle de la dualité (le II), celle du Féminin sacré (le III), celle de la mâlitude sacrée (le IIII) et enfin, celle du passage des différents seuils initiatiques (le V) qui mènent LE BATELEUR au MONDE.
Mais que signifient précisément ces cinq Verticales ?
Pour aller plus loin :
https://www.organisationholistiquedutarot.com/post/la-premi%C3%A8re-main-au-sein-des-atouts-du-tarot
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